— Sachez que je suis ici pour vous chaperonner afin de vous garder des mauvaises langues, mais également pour vous aider à faire votre entrée dans le monde.
—————— Mon entrée dans le monde ! s'exclama la jeune fille, stupéfaite.
— Oui. Mon fils m'a appris que vous ne l'aviez pas encore faite.
— Mais, Madame, c'est impossible ! Que vont penser les gens en me voyant faire mon entrée dans le monde avec vous et non pas avec mon oncle ? Il ne vous laissera d'ailleurs jamais faire !
— Vous n'avez aucun souci à vous faire mon enfant, tenta de la rassurer la marquise en voyant le visage de la jeune fille blêmir.
— Mais...
— Vous êtes une jeune fille intelligente, j'en suis sûre. Vous devez donc savoir la chose que nous devons avant tout éviter de provoquer dans cette société.
Comme Carmella la regardait sans comprendre, la marquise expliqua :
— Le scandale ! Il n'y a rien de pire qu'un beau gros scandale pour ruiner la réputation et l'honneur d'une famille. Il suffit d'un scandale pour que les portes de toutes les maisons respectables vous soient fermées ; pour être exclus du monde dans lequel nous vivons.
— Mais justement ! Cela risque de scandaliser les gens de me voir vivre chez vous au lieu d'être avec mon oncle !
— Pas s'ils pensent que Sir Edward m'a demandé de vous faire votre entrée dans le monde. Et votre oncle ne pourra rien dire. Il aura bien trop peur en me démentant ouvertement que je ne laisse échapper « malencontreusement » qu'il ait menti en affirmant que vous suiviez vos études à Florence, du moins est-ce ce que j'ai entendu dire.
Carmella hocha silencieusement de la tête. Aussi, la marquise reprit :
— Votre oncle a beau être un monstre, il n'est pas complètement idiot. Il sait que s'il contredit ouvertement le fait que je me charge de vous faire votre entrée dans le monde, les langues iront bon train : « Pourquoi n'a-t-elle pas fait son entrée dans le monde plus tôt ? », « ne devait-elle pas être à Florence ? », « pourquoi ne la voit -on jamais dans aucune des fêtes ? », et j'en passe.
La marquise sourit avec contentement en ajoutant :
— Votre oncle est coincé. Le seul moyen de ne pas perdre la face est de ne pas démentir ma version devant les autres. Et puis, nous avons un avantage sur lui pour le moment.
— Lequel ?
— Il ne sait pas que vous êtes ici. Il ne pourra donc rien dire en nous voyant ensemble à Londres, car il sera pris de court. Et de toute façon, ceux qui me connaissent savent que je ne ménage pas les hommes de sa trempe qui s'en prennent à de pauvres jeunes filles sans défense.
Elle laissa le silence gagner la pièce quelques instants avant de l'interrompre de nouveau :
— Serait-il indiscret de vous demander votre âge ?
Carmella sourit avant de déclarer en souriant.
— Dix-neuf ans, madame.
— Vous paraissez plus jeune. Je vous en donnais à peine dix-huit.
— Ma mère me disait toujours que ma jeunesse refusait de me quitter si bien qu'elle avait l'impression de vieillir.
— Ah ! Ça, elle n'avait peut-être pas tout à fait tort. Votre présence emplit la pièce de votre jeunesse et j'y semble soudain déplacée...
— Pas du tout ! Le charme de cette pièce s'accorde parfaitement à votre beauté.
— C'est un compliment qui me va droit au cœur, car je vous avouerai que, de toutes les pièces qui meublent cette demeure, c'est celle que je préfère.
VOUS LISEZ
Ce destin qui nous lie
Historical FictionAngleterre, XIXe siècle. Le dos meurtri, le cœur lourd, la jeune Carmella se dirige furtivement dans les jardins de son oncle. Depuis la perte de ses parents, elle se retrouve piégée sous la tutelle de cet homme qui, en plus de la détester, prend p...