Chapitre 13

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Le réveil sonne, et pour une fois, je me lève sans trainer. J'ai bien dormi, je me sens détendue. Ma soirée s'est terminée comme j'ai commencé la journée.  En forme et apaisée. J'attrape mon téléphone et remarque que j'ai reçu un SMS tôt ce matin. Ma collègue Lola, qui faisait l'ouverture du refuge ce matin m'envoie rarement des messages.

[ Lola : Salut Callie, les travaux du refuge sont avancés. Les ouvriers arrivent cette après-midi. Je voulais te prévenir comme je ne serais pas là. J'ai eu la surprise de découvrir une portée de chatons devant la grille d'entrée, quatre petites boules de poils, âgés d'à peine un mois selon le véto. Le courage des humains me dépasse…. Ils sont à l'isolement, et devront être biberonnés régulièrement.  Bon courage ma puce, bisous]

Quelle horreur ! La période la plus compliquée pour le refuge arrive à grands pas. Les gens partent en vacances, les chattes mettent bas, dans la rue ou chez leur propriétaire mais tous n'ont pas la chance de continuer à grandir auprès de leur mère. Les abandons se font en masse, et les boxes se remplissent à une vitesse folle, alors que les adoptions se font plus rares.

Cette nouvelle me plombe un peu le moral. Je sais que l'émotion sera présente lorsque je franchirai la porte de l'isolement. Pendant un mois minimum, ma tâche sera de nourrir ces chatons, comme le ferait leur mère. Toutes les trois heures, ils devront téter un biberon donné par un humain, alors que leur mère les cherchera peut-être partout. La bonne nouvelle, c'est que les travaux commencent plus tôt. Certainement à cause des congés estivaux. Mais je risque de devoir tirer un trait sur quelques jours de mes vacances, pour que les chatons puissent être nourris.

Après une douche rapide, je m'installe devant mon ordinateur. Je dois trouver un cadeau pour Lyna, j'aimerais la remercier d'être ce qu'elle est avec moi. Sans elle, j'aurais sûrement perdu pied, et mon quotidien serait sûrement bien plus triste. Je pense lui offrir un cadre photo de nous deux. La photo date de l'époque où nous nous connaissions à peine. Elle travaillait dans une agence de voyage, et je m'étais renseigné sur les pays de l'Afrique du Sud. J'ai toujours rêvé de faire un safari. Mais face au manque de sérieux et de respect animalier de certains pays, j'ai vite mis ce projet de côté. Lyna et moi étions choquées en découvrant la manière de faire de certaines réserves animalières. Cet amour des animaux nous a rapprochés. Et depuis, nous ne nous sommes plus quittées.

Une fois le cadeau commandé, je retourne à nouveau sur le forum. L'échange d'hier soir avec cet homme m'a assez plu. C'est facile de se laisser aller lorsque nous sommes anonymes. Je devrais entrer dans la peau de Cassie chaque fois où je serais face à un inconnu. Il ne saurait rien de ma vie ni de mon passé. C'est plus simple que les rencontres dans les bars ou discothèques.

Je découvre mon tout premier badge en allant sur mon profil. Un losange cuivré se trouve maintenant dans ma bibliothèque des prix. " Premier échange coquin " apparaît sous l'image. Tout le monde saura maintenant que je suis disponible pour ce genre de conversation…. Je ne sais pas si c'est une bonne chose finalement. 

Il est presque l'heure de partir au travail, et je n'ai pas eu le temps de me préparer à manger. Hors de question que je parte le ventre vide. J'aime trop la nourriture pour m'en priver.  Une salade de tomates mozzarella fera l'affaire. C'est plutôt rapide à préparer, et ça satisfera mon estomac. J'espère avoir d'éventuels adoptants aujourd'hui. Il n'y a déjà presque plus de places libres pour les animaux. Et les abandons ne vont pas ralentir ce mois de juin.

Arrivant à mon bureau, je lis scrupuleusement le rapport de Lola, puis je décide d'aller enfin rencontrer ces petits bébés. Trois d'entre eux sont tigrés, un seul est tricolore. Il y a donc une petite femelle, comme toutes les écailles de tortue. D'ici quelques semaines, le sexage sera sûr et nous pourrons enfin faire leur fiche de présentation sur le site internet. Je finis de nourrir les derniers chatons lorsque j'entends la sonnette de la porte d'entrée.

Une voix masculine m'interpelle :

— Bonjour, il y a quelqu'un ? C'est les ouvriers de la société de travaux, dit la voix plutôt grave.

— Bonjour, oui oui j'arrive, lancé-je en refermant la cage des chatons à la hâte.

Deux hommes se trouvent face à moi. Le premier, semble être le chef de projet. Les cheveux légèrement grisonnants, des lunettes fixées sur son nez assez imposant. Son sourire jovial me parvient lorsqu'il m'aperçoit arriver de la porte au fond de mon bureau.

Le deuxième homme,plus jeune, semble timide et se contente de sourire légèrement, en fessant un signe de tête poliment. Ses cheveux blonds contrastent avec le teint hâlé de sa peau. Le fait de travailler en extérieur la plupart du temps, doit aider au bronzage.

— Bonjour, je suis Callie, le directeur du centre vous a transmis les contrats il me semble ? S'ils sont signés, je peux les récupérer et je les lui transmettrai demain, informé-je le chef de chantier.

Les documents rangés, je m'occupe enfin du tour des boxes. Je laisse également sortir dans le parc les chiens qui n'ont pas pu sortir la veille. Je suis coupée par le téléphone qui sonne. Un monsieur m'informe qu'un chien en très mauvais état de santé se trouve devant son portail. Étant la seule salariée au refuge pour l'instant, j'appelle l'astreinte qui ira récupérer ce pauvre toutou.

Une petite heure après, Lola arrive avec le chien récupéré plus tôt. C'est un labrador couleur sable.  Le vétérinaire l'attend déjà, afin de le soigner. Il a dû être renversé par une voiture. Son arrière-train est à vif. Le sang séché sur ses poils forme un tas de noeuds. J'espère entendre le bip du lecteur de puce électronique en le passant sur son cou. Sans étonnement, l'appareil reste silencieux. Nous ne pourrons donc pas retrouver ses maîtres à moins qu'ils ne nous contactent directement.

— J'espère que Jean pourra le remettre sur pattes. Il n'a pas l'air d'être vieux, mais sa maigreur reste inquiétante, me dit Lola d'un air dépité.

— Par contre toi, tu as l'air en forme. Je commençais à m'inquiéter ces derniers jours. Tu avais l'air triste, ton sourire se faisait plus rare. Mais je suis heureuse de le voir à nouveau. Que s'est-il passé ? me questionne-t-elle.

C'est vrai qu'elle m'a connue plutôt heureuse au début de ma relation avec Melvin. Je décide donc de lui expliquer la bassesse de ses actes. Puis j'en viens à parler du défi fou de Lyna. Je sais que Lola ne me jugera pas. Elle est assez ouverte d'esprit pour comprendre que j'ai accepté de le relever. En plein récit de ma soirée de la veille avec l'inconnu du forum, un son d'éclaircissement de gorge m'interrompt. Surprise, je me retourne et vois le jeune ouvrier. La chaleur me monte aux joues. Mince, j'espère qu'il n'a pas entendu toute la conversation.

— Euh… désolé…. mais mon chef voulait que je vienne vous dire qu'on a terminé pour aujourd'hui. Demain, nous reviendrons à 9h, dit-il presque en chuchotant.

Je le remercie et le regarde partir, avant de faire face de nouveau à Lola, qui est morte de rire.

— Tu penses qu'il a entendu notre conversation ? Lui demandé-je les yeux écarquillés.

— Non je ne pense pas, et sinon, ce n'est pas la fin du monde. Il sera surement émoustillé pour la fin de sa journée s'il a entendu la façon dont tu t'es touchée hier soir, lance-t-elle en riant à pleine gorge.

Après ce fou rire, nous rangeons la pièce, et rejoignons nos voitures respectives. Demain, je devrai poster un message sur le site, à propos du chien blessé. S'il passe la nuit, j'espère que ses maîtres se manifesteront.

Séduction à risques [ Terminé ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant