C'était comme si mon destin semblait se jouer dans cette balle. Il était dur pour moi de voir à quel point c'était le cas, à quel point ma vie pouvait basculer à ce moment-là, mais je sentis confusément que c'était important.
C'était donc avec une expression particulièrement fermée que je levai mon arme pour la diriger vers la cible, envahie par l'idée qu'il ne fallait pas que je rate mon coup. Je m'installai donc, écoutant les bruits de mon corps, l'ouïe étouffée de mes oreilles, la pulsation de mon cœur dans mes tempes, sentant mes yeux cligner, ma mâchoire trop crispée. Je pris de profondes inspirations pour me concentrer et ralentir les battements de mon cœur, jusqu'à ce que je retrouve cette sensation de détachement que j'aimais tant. J'en oubliai presque que la silhouette du garde-chasse me surplombait du double de ma taille et me scrutait avec attention.
J'aurai pu rester comme ça longtemps, mais je savais que je devais tirer. Alors, quand je sentis que je ne pourrai pas faire mieux, je lâchai la balle qui parti se vriller dans l'arbre dans un sifflement perçant. Je relâchai la fin de mon expiration, fixant le petit point brillant qui s'était fiché au milieu de la boursouflure du bois.
Je n'avais pas besoin de m'approcher pour voir que j'avais visé juste, et j'étais fière d'avoir fait aussi bien. Mais Brooks attrapa le pistolet par le canon pour me le faire lâcher, sans un regard pour la cible. Comme cela m'arrivait régulièrement depuis quelque temps, la culasse était restée coincée au début de sa course. Il tira sur l'arrière pour forcer le mouvement et finir d'éjecter la douille qui s'était coincée.
- Bon sang, ce Walter est dans un état ! grogna-t-il en forçant par petits coups successifs pour décoincer le mécanisme. Depuis quand il n'a pas été nettoyé ?!
- Je ne sais pas, murmurai-je d'un ton honteux.
L'homme poussa un soupir agacé.
- Depuis combien de temps tu l'as volé ?
Je ne relevai pas le terme utilisé et fouillai mes souvenirs. Cela faisait au moins un an que je l'avais trouvé, puisque c'était au début des vacances d'été que j'avais mis la main dessus.
- Je crois que c'était en juin, l'année dernière, répondis-je d'un ton hésitant.
- Hum, ce n'est pas possible d'utiliser une arme aussi longtemps sans l'entretenir, c'est un coup à ce qu'elle finisse par te péter à la gueule.
Je le regardai d'un air surpris et vaguement inquiet. Son langage et son accent détonnaient parmi les propos propres et lisses des habitants du manoir, et je n'étais pas tout à fait sûre de comprendre ce qu'il disait, ni de savoir comment j'étais censée réagir. Il se retourna et se mit à marcher en me faisant signe de venir. Je partis à sa suite, courant à moitié pour suivre ses enjambés plus longues que ma taille.
- Viens, il faut nettoyer ça.
Je le suivis avec application, tâchant de ne pas me prendre les pieds dans les racines, sentant mon dos se couvrir de sueur et ma respiration se hacher sous l'effort. Quand nous arrivâmes à destination, j'avais réussi à ne pas trop me faire distancer, mais ma gorge me lançait douloureusement sous la mâchoire.
Obéissant à cet homme-ours qui ne m'avait toujours pas passé de savon, j'entrai à sa suite dans sa cuisine et l'observai silencieusement tandis qu'il s'affairait à sortir un chiffon, du savon, et à remplir une casserole d'eau qu'il mit à chauffer sur le poêle. Une fois son matériel préparé il s'assit à la table et m'ordonna d'en faire autant, avant de commencer à démonter l'arme, sans parler beaucoup, mais en attirant mon attention sur tel ou tel détail du mécanisme, tantôt d'un simple geste, tantôt en expliquant brièvement son utilité. Une fois le pistolet complètement démonté, il nettoya longuement chaque pièce à l'eau chaude et savonneuse avant de la sécher méticuleusement. Ses grosses mains velues étaient étonnamment habiles et délicates tandis qu'il manipulait les pièces de métal L'eau avait rapidement tourné au gris beige, témoignant de toute la saleté qui s'était accumulée dans l'arme, et il la changea deux fois au cours de son nettoyage.
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Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : Dublith
FanficChamboulé par ses dernières découvertes, Edward décide de quitter Central pour retrouver Izumi et lui demander conseil, accompagné par Al et Winry. Pendant que l'équipe de Mustang démêle les conséquences de l'attentat du passage Floriane, Les deux...