Chapitre 4 - 3 : L'île de Yock (Edward)

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Je me levai et m'époussetai en grinçant un peu des dents, sentant des élancements dans tout mon corps. La douleur n'allait pas me lâcher tout de suite... mais pas question de se laisser aller. Humain, animal ou monstre, je n'en savais rien, mais il y avait quelque chose, et il ne valait mieux pas que je baisse ma garde. Je devais faire du feu pour m'éclairer, manger quelque chose, et je ne dormirais que si je trouvais un moyen de me mettre en sécurité. En sécurité de quoi ?

Je me mordillai l'intérieur de la joue, réfléchissant. J'avais eu le temps d'apprendre à démarrer un feu avec des silex ou des morceaux de bois la dernière fois que j'étais là, mais ma tête me lançait, il faisait nuit noire, et mon obéissance à Izumi avait ses limites. 

Après avoir mis la main sur quelques fragments de bois, je retirai mon gant droit et le fourrai dans ma poche, et claquai sèchement mes doigts métalliques pour produire une étincelle. Piquer l'idée à Mustang m'amena un sourire malgré la situation peu reluisante. Au bout de quelques essais, je parvins à enflammer une brindille, et le reste prit la suite sans résistance. Heureusement pour moi, les nuits n'étaient pas trop humides dans le coin.

La lueur du feu minuscule que j'avais fait naître paraissait dérisoire et m'éclairait à peine, aussi me levai-je rapidement pour l'alimenter un peu plus et surtout, trouver de quoi me faire une torche. J'avais les crocs, il fallait que je parte en exploration pour trouver quelque chose à manger, des champignons, des racines, n'importe quoi...Et pour ça, il fallait que j'y voie un minimum.

Je trouvai une branche morte suffisamment sèche pour faire l'affaire et la cassai pour la raccourcir. Je ne voyais pas de résineux à proximité, ça aurait été l'idéal... à défaut d'autre chose, je transmutai quelques grandes feuilles du buisson le plus proche pour en faire une bande de tissu rustique dont j'enveloppai ma torche. Un peu de sève aurait été encore mieux, mais je n'allais pas cracher dans la soupe. Je plongeai la branche dans le foyer et attendis patiemment qu'elle s'enflamme, ce qui prit quelques secondes.

De l'extérieur, je devais avoir l'air ridiculement placide, mais je bouillonnais intérieurement, guettant le moindre son suspect. Si c'était un animal que j'avais entendu tout à l'heure, le feu le ferait fuir. Sinon... s'exposer de la sorte en s'éclairant était peut-être totalement stupide. Je serrai les dents.

Si c'était un ennemi, j'aurais autant aimé qu'il me tombe dessus à bras raccourcis. Je détestais rester dans l'expectative. Là, je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre, et ça me faisait enrager intérieurement. Enfin, ce n'était pas une raison pour se laisser mourir de faim. Le déluge d'émotions qui m'avait assailli m'avait laissé affamé. Je relevai la torche qui flambait allègrement et m'enfonçai parmi les arbres en tâchant d'ignorer l'appréhension qui me gonflait le ventre. Je fouillai des yeux cette forêt familière et angoissante à la fois, cherchant le signe de quelque chose à manger.

Des feuilles caractéristiques attirèrent mon attention au bout de quelques minutes de recherches. C'était mon jour de chance. Je reconnaissais cette plante, ses tubercules nous avaient sauvés de la faim quelques années auparavant. Ce n'était pas spécialement bon, mais nous ne nous étions pas empoisonnés en les mangeant, et même si je ne savais toujours pas son nom, retrouver cette plante comestible me mit du baume au cœur. Je tâchai de caler ma torche entre deux pierres avant de me mettre à creuser pour arracher les racines de mon futur repas. Je m'attelai à la tâche en essayant de ne pas trembler. J'avais de nouveau entendu un bruissement derrière moi. Je sentis un regard peser sur ma nuque sans savoir d'où il venait exactement.

Un nouveau craquement. L'être qui s'approchait de moi ne devait pas être très massif, je ne sentais pas de grand mouvements, les sons étaient furtifs, légers. Mais s'il s'approchait, ce n'était pas un animal. Ou alors un animal vraiment anormal. J'attendis dans le silence, continuant machinalement à creuser alors que mes tubercules affleuraient depuis longtemps. Je n'étais plus qu'un paquet de nerfs prêt à détaler ou à frapper au moindre mouvement. Mais il n'y avait rien. Je n'osais pas me retourner.

Puis tout à coup, je l'entendis bouger, et dans le silence oppressant de l'attente, le bruissement des arbres me sembla assourdissant. Quoi que ce soit, ça se déplaçait vite. Très vite. Je me redressai comme un ressort, près à jeter mon poing dans ce corps qui bougeait près de moi, mais ne rencontrai que le vide. J'en perdis l'équilibre et titubai, donnant un malencontreux coup de pied qui fit rouler ma torche. Celle-ci tomba dans le sable et s'étouffa, ne laissant plus qu'une braise. Je me redressai, le souffle court, mais je le savais déjà. Les sons s'étaient éloignés précipitamment. La chose était repartie.

J'avais du mal à m'estimer hors de danger pour autant. Avoir quelqu'un en train de nous observer, c'était finalement pire que d'être attaqué frontalement. Impossible d'agir, impossible de savoir les intentions qui se cachaient derrière ce silence.

Je me sentais ridicule de céder à la paranoïa, mais les derniers événements m'avaient donné des raisons d'être méfiant. Je fis les quelques pas qui me séparaient de ma torche en gardant mes sens affûtés, claquai dans les mains pour donner un coup de pouce alchimique à la flamme prête à s'éteindre, puis tendis les doigts vers elle. En l'empoignant, le feu se remit à flamber de plus belle, éclairant comme un éclair la nature environnante. Pas la trace d'humain ou d'animal à proximité. Par contre, mes cheveux avaient failli s'enflammer.

J'en venais à faire des transmutations mal dosées sous l'effet du stress, j'étais pourtant censé être plus doué que ça ! Je serrai les dents, la torche dans une main, les racines dans l'autre. Une chose était sûre : ce n'était pas ici que j'allais avoir une nuit tranquille. Je me frayai un chemin au milieu des broussailles pour retrouver ce qui ne méritait même pas le nom de campement.

Quand je débouchai sur la plage, ma torche était presque complètement consumée, et quelqu'un se tenait près du feu presque éteint. Ladite silhouette se jeta littéralement sur moi en m'entendant approcher avant que je voie quoi que ce soit. Je ne pus faire autrement que d'envoyer un coup violent pour repousser l'attaquant, qui bascula en arrière et tomba avec un cri scandalisé et tout à fait humain.

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant