Chapitre 4 - 4 : L'île de Yock (Edward)

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La silhouette que j'avais repoussée retomba en arrière avec un cri tout à fait humain.

Tout à fait fraternel.

Ma torche n'était à peine plus qu'une braise, mais je reconnus quand même le profil qui se dessinait en contre-jour sur le sable, et passé le coup instinctif que m'avait dicté la peur, c'était maintenant la honte qui m'envahissait.

- Mais qu'est-ce qui te prend, Ed ? ! lança Al d'une voix hachée, le souffle encore coupé par le coup de poing que je venais de lui mettre dans le ventre.

- Al, c'est toi ? bafouillai-je, perdu et confus.

- D'après toi ? ironisa mon frère d'un ton qui laissait deviner la grimace sarcastique qu'il me lançait dans l'obscurité.

- Je suis désolé, murmurai-je en portant la main à la bouche.

- La vache, on dirait que Winry a une mauvaise influence sur toi... Tu n'y es pas allé de main morte, marmonna-t-il en s'asseyant.

Mortifié, j'attrapai des branches de bois mort que j'empilai pour ranimer le feu déclinant, nous éclairant davantage. Les flammes montèrent de nouveau et éclairèrent le visage tuméfié de mon frère.

- Houla, Izumi ne t'a pas raté, commenta-t-il en voyant ma tête.

Je lançai un pauvre sourire.

- Tu ne t'es pas vu pour dire ça, lançai-je. Je suis désolé d'en avoir rajouté une couche.

- J'avoue, t'abuses ! Alors que j'ai bravé la nuit et la colère d'Izumi pour te rejoindre ici !

- Elle nous avait vraiment séparés, alors, soupirai-je.

- Oui. Elle devait être sacrément en colère pour aller jusque-là. D'habitude elle nous massacre, mais ensemble.

- Ouais.

Je frottai les racines que j'avais fait tomber tout à l'heure pour les débarrasser de leur terre avant de les mettre à cuire, tandis qu'il faisait quelques mètres pour ramasser un peu plus de bois, tout en restant à la lisière du cercle de lumière. Dans la nuit, sa silhouette paraissait minuscule, et pourtant, sa présence suffisait à me rassurer. L'angoisse qui m'avait taraudé depuis tout à l'heure s'était évanouie à l'instant où j'avais entendu sa voix.

- J'avoue, après la raclée qu'elle m'a mise, il faisait déjà nuit quand je me suis réveillé... mais dès que j'ai su que tu avais été lâché sur l'île, je suis venu te rejoindre. Winry avait essayé de soigner mes plaies, elle était horrifiée de voir l'accueil qu'Izumi nous avait réservé.

- Horrifiée ? Elle qui nous balance des clés à molette à la gueule à chaque fois qu'on rentre à Resembool, c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! rappelai-je ironiquement.

Un éclat de tristesse traversa son regard. Même s'il l'avait vu une fois en revenant de Central avec moi, il ne se souvenait pas que cela tenait du rituel chez elle... Elle avait pris cette habitude après notre transmutation.

- C'est vrai, murmura-t-il. Tu me l'avais dit.

Il y eu un instant de flottement, sa tristesse était palpable. Je lui fis un sourire gêné et un geste pour l'inciter à s'asseoir près de moi, et il vint me rejoindre, sa pile de bois sous le bras.

- Enfin, je suis quand même surpris que tu m'aies directement frappé tout à l'heure, je veux dire, même si j'avais été un inconnu ce n'était pas un peu violent comme approche ? fit-il d'un ton un peu moqueur pour changer de sujet. Je sais que tu es sanguin, mais quand même !

- Bah tu as vu comment tu m'as sauté dessus, aussi ? Et puis, disons que... être seul sur cette île m'a peut-être joué des tours, mais je me sentais observé avant ton arrivée. J'ai entendu des bruits tout à l'heure.

- Des bruits ? demanda Al en se redressant, tout à coup beaucoup moins détendu. Tu crois que le psychopathe est encore là ?

- Non, je ne pense pas, il nous aurait attaqué depuis longtemps c'était le cas... Par contre, il y a quelque chose, c'est sûr. Mais je n'ai rien réussi à voir, à chaque fois, la chose fuyait sans demander son reste.

- Ce n'était pas un bête renard ? demanda Al avec un sourire forcé. On sait qu'il y en a plein par ici...

- Un renard qui s'approche de moi alors que j'ai une torche enflammée à la main ? murmurai-je.

A ces mots dits posément, je le vis blêmir, et je compris qu'il partageait maintenant mon angoisse. Il se tourna vers la forêt qui se découpait derrière nous, masse obscure dans l'obscurité. Maintenant qu'il était là, ce n'était pas que je n'avais plus peur, mais... en voyant sa mine inquiète, son visage d'enfant, je me sentis coupable. Je devais le rassurer.

Je me rendis compte que toutes ces années passées dans son armure, il devait avoir eu les mêmes inquiétudes... combien de fois les avais-je négligées sans le savoir, ne voyant pas le malaise qui se cachait derrière le masque impassible de son casque ? Je me sentis mal à cette idée.

- Bah, ne te fais pas trop de bile, si cette chose nous voulait du mal, elle nous aurait déjà attaqués, lui dis-je avec un sourire aussi franc que le permettait mon incertitude, bien décidé à le rassurer avant tout. Une fois qu'il fera jour, on essaiera d'en savoir plus. Et vu la couleur que prend le ciel, ça ne devrait pas tarder !

En effet, face à nous, le ciel était passé du noir au bleu sombre et un peu terne qui annonçait l'aube. 

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant