Chapitre 3 - 8 : Premières leçons (Riza)

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{Bon courage aux enfermés et à ceux qui n'ont pas d'autre choix de sortir. J'espère que ce chapitre vous changera les idées ! <3 }

Ces questions m'avaient taraudée une bonne partie de l'après-midi, et ma pile de dossier était descendue moins vite qu'à l'accoutumée, même si je restais la plus efficace de l'équipe. Les autres militaires mirent mon trouble sur le compte de la convocation du Colonel, qui partit pour son rendez-vous vers quinze heures. Ce n'était sans doute pas tout à fait faux, même si je ne pensais finalement plus tant que ça à cette réunion.

Ce fut avec un certain soulagement que j'abandonnai le dernier dossier de la journée après le départ de Falman et fermai la porte des bureaux pour me diriger vers le complexe de tir.

Il était composé de plusieurs bâtiments et de deux grands terrains soigneusement surveillés. Il y avait un immense couloir d'entraînement destiné aux snipers, ainsi qu'un espace clos qui mêlait obstacles et cibles modulables, avec une série de mécanismes qui animaient les objets et mettaient les soldats dans des situations plus proches du combat réel que les couloirs de tir. L'équivalent en intérieur existait également, avec d'autres types de mécanismes. Des séances d'entraînement aux scénarios variés testaient la réactivité et la précision des tireurs avec des munition à blanc ou des balles de peintures. Je faisais toujours ce genre d'exercices à contrecœur, préférant le silence et la patience du travail de sniper au combat rapproché. Cela convenait mieux à mon caractère.

Mais pour Mustang, une fois qu'il saurait tenir convenablement une arme, ce genre d'entraînement était exactement ce qu'il lui fallait. Je regardai le mur cerclant le terrain, sur lequel étaient affichés les horaires d'utilisation de la semaine, avec le type de parcours et les différents soldats inscrits. Le calendrier était sous clé sous une vitrine, pour le protéger des éléments, mais aussi pour rappeler son caractère solennel. Dans un lieu où s'alternaient tirs à blanc et balles réelles, il ne fallait pas rigoler avec la sécurité.

Je détournai le regard et me dirigeai vers le lieu qui m'intéressait.

Le rendez-vous n'était qu'à sept heures, il me restait donc un peu de temps pour tirer en solitaire, ce dont j'avais bien besoin après cette journée pesante. Je passai par l'armurerie pour saluer Sullivan. En me voyant arriver, le quadragénaire cessa de lisser sa moustache et leva les yeux vers moi.

- Bonjour, fis-je.

- Bonjour, vous avez besoin de moi ? C'est rare, d'habitude, vous venez avec votre matériel

- En effet, mais ce n'est pas pour moi, répondis-je. Je vais avoir besoin de vous pour des conseils.

Le moustachu se redressa sur son siège, visiblement flatté d'entendre ces mots. Toutefois, il ne répondit rien et attendit poliment que je lui en dise davantage.

- Je vais avoir un élève ce soir. Débutant au tir, mais habitué au combat. Il lui faudrait un arme pour s'entraîner, pas trop lourde, mais capable de faire du dégât en situation réelle.

- Il n'a pas d'arme de service ? s'étonna l'homme.

- Non, il n'en a pas besoin. Enfin, il n'en avait pas besoin jusque-là.

- Hum, quelqu'un qui veut améliorer ses compétences ?

- Plutôt protéger son équipe, en réalité, répondis-je avec un ton plus doux qu'à l'accoutumée.

Sullivan hocha la tête. Cette raison lui paraissait valable.

- Quand arrive-t-il ?

- Vers sept heures, si tout va bien, répondis-je.

- Hum, je vais me pencher sur la question, marmonna-t-il en me tendant la feuille d'émargement où devaient être répertoriés toutes les armes et munitions empruntées. Repassez tout à l'heure je vous aurai préparé quelque chose.

- Merci, répondis-je avec sincérité.

J'étais encore en train de signer quand l'homme se leva péniblement et partit en boitant vers la réserve de l'armurerie. J'entrevis la prothèse de sa jambe droite tandis qu'il disparaissait derrière une étagère. Il avait été réformé après avoir perdu son bras et sa jambe droites lors d'une explosion à la guerre d'Ishbal, le privant de ses qualités de sportif et de tireur. Depuis, il finissait ses années de service dans l'armurerie du QG en compensant sa perte par une compréhension toujours plus pointue des armes. Je savais que ses connaissances dépassaient largement les miennes sur le sujet, je faisais donc confiance à son jugement.

Je traversai l'entrée de l'armurerie pour arriver au hall d'entraînement, prenant un casque antibruit dans le sas qui le précédait. Il y avait une vingtaine de couloirs, certains occupés par quelques militaires en cours d'entraînement. Je reconnus de dos la silhouette d'Havoc, mais cela n'altéra pas le chemin rectiligne que je m'étais tracé jusqu'à l'avant-dernier couloir, celui que j'occupais presque systématiquement.

Je tirai une cible du stock à ma gauche et la fixai au support mobile avant de le faire reculer au maximum, à cent mètres. Puis je chargeai mon pistolet et attendit patiemment que le feu passe au vert pour tirer.

Tâchant de trouver mon état de concentration habituel, je vidai quelques chargeurs successifs sur ma cible. Étant donné le nombre de balles que je lâchais à chaque séance, j'avais pris l'habitude de viser successivement plusieurs points précis de la cible, économisant quelques cartons par la même occasion. Après deux séries de tir, sentant que j'étais relativement en forme, je pris un nouveau carton et m'appliquai à suivre le cercle des cinq points en perçant la ligne à intervalles les plus réguliers possible. Le genre de fantaisies qu'un professeur n'aurait pas apprécié, mais plus personne ne me donnait de leçon depuis longtemps.

Une fois mon cercle complété d'impacts tous les cinq centimètres, je vidai mon arme et l'ouvrit avant de me retourner pour constater que l'heure du rendez-vous était proche. J'appuyai sur la pédale qui actionna le filin, rapportant vers moi ma cible dans un chuintement. Je fronçai les sourcils en constatant qu'une balle avait touché le côté de ma cible, bien en dehors de mon cercle. J'avais compté les balles, celle-ci n'était pas la mienne, l'impact était d'ailleurs nettement plus gros.

Une fois le feu passé au rouge, je détachai le carton, puis jetai un coup d'oeil à mon voisin de droite qui avait eu le mauvais goût de déborder sur ma cible. Celui-ci croisa mon regard et se voûta avec une expression coupable, et retira son casque pour engager la conversation, peut-être pour s'excuser.

Je repris mes affaires et commentai simplement.

- Apprenez déjà à utiliser votre arme de service avant de tirer du magnum.

Le soldat baissa les yeux vers la cible que j'avais sous mon bras et hocha la tête en ravalant sa salive, découvrant notre différence de niveau. C'était manifestement une nouvelle recrue qui se croyait plus forte que les autres. Il découvrirait vite que ce n'était pas le cas. En arrivant à l'entrée, je jetai les cartons dans la poubelle prévue à cet effet, puis quittai la pièce en posant mon casque sur les épaules. Ce qui était pour certains un trophée n'avait plus pour moi de valeur particulière depuis longtemps.

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant