Chapitre 10 - 4 : Confusions (Winry)

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Une fois le repas terminé, je m'étais mise d'accord avec Edward pour que nous fassions l'opération en début d'après-midi. Il n'était pas impatient de subir cette douloureuse opération, mais bien conscient que plus tôt je commençais, plus vite l'expérience serait terminée. Nous n'avions rien de prévu dans l'après-midi, la situation était donc idéale. Je commençai à sortir mes outils pour les stériliser en étudiant la pièce pour savoir comment organiser les lieux, quand quelqu'un frappa à la porte.

— Entrez !

Edward poussa la porte et s'avança dans la pièce avec une mine embarrassée.

— Ah, c'est toi Ed ? Il faut que je m'installe pour l'opération, tu as encore le temps de te préparer psychologiquement.

— Ah, d'accord, marmonna-t-il d'un ton hésitant. Mais non, ce n'est pas pour ça que je venais te parler. En fait... je... Il s'avança vers moi pour réduire la distance qui nous séparait et parler le moins fort possible.

— Est-ce que tu aurais des... ouah qu'est-ce que c'est que ce truc ?! hurla-t-il en bondissant en arrière à la vue du contenu de mon sac.

— Ça ? fis-je d'un ton surpris en extirpant la prothèse. C'est ton bras, voyons !

Edward me fixa quelques secondes avec une expression de méfiance intense, son regard allant de mon visage au bras factice que je tenais par le poignet. Puis il s'approcha avec précaution, prit l'automail pour l'étudier sous tous les angles.

— C'est tellement réaliste que ça en devient malsain... grommela-t-il.

— Je vais prendre ça comme un compliment.

— Imagine que quelqu'un ait vu le contenu de ton sac, tu aurais pu finir au poste avant d'avoir compris !

— Mais non, ils auraient bien vu que ce n'est pas vrai ! Ne serait-ce qu'avec les fixations à la base ! répondis-je en désignant l'attache métallique qui allait me permettre de le fixer à l'épaule.

— Mouais.

Il y eut un silence, durant lequel Ed resta boudeur avant de se mettre à rougir progressivement.

— Au fait, si tu ne viens pas pour ton automail, qu'est-ce que tu voulais me demander ? demandai-je candidement.

À ces mots, il rougit davantage. Je penchai la tête de côté, surprise de le voir mal à l'aise.

— Est-ce que tu aurais des serviettes ?

Il avait chuchoté la phrase en baissant les yeux, m'épargnant le besoin de demander des précisions. La situation me sauta en pleine face, et je réalisai brutalement, plus encore que quand j'avais senti ses seins à travers son pyjama à l'hôpital que c'était vrai, qu'Edward avait maintenant un corps de fille. Je clignai des yeux trois fois, tandis que mon cerveau peinait à assimiler l'information, encore plus à lui répondre.

— Oh, fis-je simplement, augmentant son embarras. Euh... oui, j'en ai... Je... je te passe ça, bredouillai-je en farfouillant dans mon grand sac.

Je profitai d'avoir le nez dans mes affaires pour laisser l'incrédulité envahir mon visage. Je n'avais pas réfléchi que c'était aussi ça. Toutes les remarques que j'avais faites à propos de ses tendances à se travestir, les taquineries que je croyais légères me revinrent et me firent sentir mal. J'avais blagué à ce sujet comme si ça n'était pas vraiment réel, parce que je ne voulais pas que ce soit réel. J'avais beau le savoir, une partie de moi refusait d'accorder à ce fait sa véritable importance. Sa potentielle irréversibilité.

J'attrapai le paquet et le tendis à Edward avec un sourire maladroit.

— Tiens, prends tout, je pourrai en racheter pour moi

— ... Merci, bredouilla-t-il. Ça m'arrange beaucoup.

Il repartit en catimini, visiblement mal à l'aise d'avoir ça entre les mains.

— Ed, attends !

Il se retourna vers moi, tandis que je fouillai dans mon sac pour lui tendre une plaquette de médicaments.

— Des antidouleurs que j'ai trouvés à Rush Valley. Prends-en un maintenant, je t'opère dans une heure à peu près. Ça ne suffira pas à ce que tu ne sentes rien, mais ça devrait rendre l'opération plus supportable.

Il me regarda, surpris, et s'approcha pour prendre les médicaments que je lui tendais.

— C'est la première fois que tu me files un truc comme ça, marmonna-t-il.

— C'est un fabricant qui me l'a conseillé pour la pose des automails, apparemment, c'est plutôt efficace.

— Hum... ça ne contient pas des trucs bizarres ?

— Quelle méfiance ! Si tu n'en veux pas, rends-les-moi ! fis-je avec un peu de dérision.

Il raffermit aussitôt sa prise, ma remarque l'aidant à se décider, et hocha la tête, encore un peu gêné.

— Merci, marmonna-t-il.

Et moi, en regardant sa silhouette refermer la porte derrière lui, je me pinçai les lèvres tandis que mon cœur se serra.

J'étais amoureuse d'Edward, je le savais parfaitement. Des fois, cette situation me mettait en rage tant il pouvait être indélicat avec moi. Je m'étais toujours dit qu'un jour, il le réaliserait, qu'on se marierait et qu'on vivrait ensemble, heureux. 

J'avais pris soin d'éluder qu'à force qu'il soit absent, je ne le connaissais finalement pas si bien que ça, et qu'avec son caractère, il ne cesserait pas si facilement de courir par monts et par vaux. Que peut-être, les choses n'étaient pas aussi simples, et que ce scénario était finalement très naïf, surtout vu la situation dans laquelle il était à présent. Qu'être transformé en fille, ce n'était vraiment pas rien. Ce n'était pas quelque chose qui pouvait changer si facilement.

Et s'il ne retrouvait jamais son corps d'origine... Qu'étais-je censée faire ?

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant