- Oh, il est déjà une heure ? ! m'exclamai-je en avisant l'horloge de la rue avec surprise.
- Honnêtement, ce rendez-vous était tellement long que je commençais à croire qu'il ferait nuit quand nous sortirions, marmonna Edward d'un ton las. Mais bon, six heures, putain, six heures avec ce toqué ! Tu voulais ma mort ou quoi ?
- Bien sûr que non, je te l'ai dit, je n'ai pas vu le temps passer.
- Bon, maintenant que j'ai passé cette épreuve, je veux juste retrouver Al et qu'on mange. Et ne me demande rien cette après-midi, j'ai des choses à faire aussi !
- Ça marche, ça marche... mais je te croyais plus résistant ! commentai-je d'un ton piquant.
- Je résiste quand ça m'intéresse, grogna-t-il.
Il marchait à pas traînants, comme s'il était vidé de toute son énergie. Il faut dire que l'étape du moulage avait été plus longue et laborieuse que je l'aurais cru. Il avait fallu lui graisser la jambe, puis la mouler. Durant les longues minutes durant laquelle le plâtre utilisé durcissait, il avait dû rester immobile, en prenant garde à ne pas crisper ses muscles au risque de ruiner le moulage. Et vu l'amour de la précision qu'avait le prothésiste, il se doutait bien qu'il ne s'en sortirait pas sans recommencer jusqu'à ce qu'il soit satisfait du résultat.
Etant donné qu'il n'avait pas cessé de se plaindre que la réaction chimique faisait chauffer le liquide blanc en cours de solidification et qu'il se sentait compressé, je me doutais bien qu'il n'avait pas envie de recommencer. L'étape la plus difficile avait été d'ouvrir le moule. J'avais vu Edward blêmir quand l'homme avait sorti une petite scie électrique de son tiroir et l'avait mise en marche. J'avais maintenu Edward assis en le foudroyant du regard pour qu'il ne s'agite pas. Heureusement pour nous, ça avait marché, et après de longues minutes d'angoisse, le petit homme avait libéré la jambe d'Edward sans lui faire la moindre égratignure.
- Et voilà, jeune homme ! s'était-il exclamé d'un ton aimable. Maintenant, le bras, si vous voulez bien !
Bref, Ed avait failli devenir fou. Il m'en voulait très fortement de l'avoir traîné dans ce qu'il considérait être un traquenard. De mon côté, en dépit de sa mauvaise humeur, j'avais remballé mes plans, tout fourré dans un sac, et je revenais avec un large sourire, les yeux sans doute brillants de fatigue, mais le cœur plein d'exaltation. Ce travail était vraiment fascinant.
Alphonse nous tomba dessus à bras raccourcis quand je poussai la porte de la chambre.
- Bon sang, mais où vous étiez passés ? ! Je me suis fait un sang d'encre pour vous, j'ai même commencé à me demander si je ne devais pas aller à la gendarmerie pour signaler votre disparition !
- Allons, on est revenus, c'est juste que le rendez-vous a pris plus longtemps que prévu, répondis-je d'un ton apaisant.
- Beaucoup plus longtemps que prévu, murmura Edward d'une voix lugubre.
- Vous avez passé six heures en rendez-vous ?! s'exclama Al. Je ne pensais même pas que c'était possible ! Qu'est-ce que vous avez fait pendant tout ce temps ?
Pendant qu'Edward poussait un soupir d'une lenteur infinie en allant fouiller machinalement son sac, je lui racontais brièvement le déroulement de la matinée. Alphonse hocha la tête et adressa un regard en biais compatissant à son frère. Comme si je ne l'avais pas remarqué.
- Bon, ça va, ne faites pas ces têtes d'enterrement, je vous invite à manger pour me faire pardonner ! m'exclamai-je avec un sourire de boute-en-train.
Cette invitation eut le mérite d'être efficace. Edward allait me coûter cher en bouffe, mais s'il ne fallait que ça pour qu'il quitte son expression de lassitude teinté d'une absence mélancolique, ce n'était pas si grave. C'était ce que je me disais à ce moment-là, en tout cas. J'aurais dû me douter en voyant son regard éteint que le rendez-vous interminable dont il sortait ne pouvait pas être la seule cause de son abattement.
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Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : Dublith
Hayran KurguChamboulé par ses dernières découvertes, Edward décide de quitter Central pour retrouver Izumi et lui demander conseil, accompagné par Al et Winry. Pendant que l'équipe de Mustang démêle les conséquences de l'attentat du passage Floriane, Les deux...