- Lieutenant ?Je sursautai, retombant à pieds joints dans le présent. Havoc m'avait appelée, et vu son expression, il avait bien dû le faire deux ou trois fois avant que je réagisse.
- Excusez-moi Havoc, j'étais un peu ailleurs. Vous disiez ?
- Je voulais savoir si vous pensiez si vous étiez d'accord avec la supposition du Colonel, sur la présence d'une taupe dans l'armée.
- Hum... Dans la mesure où nous avons évité le pire au passage Floriane, et où le transfert de Bald s'est déroulé sans encombre, on manque de preuves tangibles, mais j'aurais tendance à le suivre. Après tout, quand ils étaient sur écoute, ils semblaient avoir reçu des confirmations qu'ils n'auraient dû avoir que par le biais de l'armée... mais pour l'instant il est difficile d'étayer quoi que ce soit, encore plus de savoir d'où vient la fuite.
Breda hocha la tête, il était visiblement du même avis que moi.
- D'autant plus que remettre en question l'intégrité de l'armée est toujours un terrain glissant. La force d'inertie de la hiérarchie des supérieurs ne sera pas en faveur du jugement du Colonel.
- Je crois que je préférais travailler sous les ordres de Grumann, il était moins procédurier, grommela Havoc, accoudé à sa table avec une mine déconfite. Lui, au moins, il n'était pas trop à cheval sur la discipline, tant que les enquêtes étaient résolues.
- Justement, il a peut-être donné de mauvaises habitudes au Colonel, répondis-je en soulevant ma liasse de dossiers pour les rassembler en une pile bien nette. Après tout, ce n'est pas comme ça que l'armée est censée fonctionner.
- Les règles sont faites pour être respectées, c'est ça ? demanda Breda.
- Mais si elles sont injustes ou absurdes ? demanda Fuery. Que doit-on faire ?
- C'est une excellente question.
Le silence retomba dans la pièce et chacun continua à travailler, méditant chacun de son côté sur cette question insoluble. L'heure qui suivit se déroula lentement dans un silence studieux, puis Mustang poussa la porte de son bureau, signalant qu'il était déjà midi. Les militaires lâchèrent leurs dossiers sans trop d'hésitation pour se diriger vers la cantine.
Après quelques secondes de réflexion, je décidai de partir de mon côté et leur annonçai que j'allais manger à l'extérieur. Je savais qu'ils seraient plus détendus si je n'étais pas là. En mon absence, ils pourraient mieux se changer les idées en chahutant et échangeant des blagues paillardes qu'ils n'oseraient jamais prononcer en ma présence.
De plus, je n'étais pas de très bonne humeur et j'avais davantage envie d'être seule et de profiter du beau temps. Après tout, nous étions maintenant en automne, les jours n'allaient pas cesser de raccourcir et le temps de se voiler dans les mois à venir, autant profiter des derniers jours de grand soleil pour se poser dans un parc.
Les militaires me laissèrent partir avec un regard un peu plus appuyé que d'habitude, s'interrogeant sans doute sur les raisons de mon choix, et je me dirigeai vers l'entrée du bâtiment, marchant à contre-courant des militaires qui se dirigeaient vers le réfectoire.
Toutes ces personnes que je croisais sans les connaître me laissaient une impression de vide, me rappelant que ma vie était redevenue tristement solitaire depuis le départ d'Edward et d'Alphonse. Si celui-ci n'était manifestement pas aussi à l'aise avec moi que son grand frère, il était resté l'adolescent prévenant et peu bavard que j'avais toujours connu. Faute de savoir quoi dire, il avait passé son séjour à écouter en rendant service à la moindre occasion, et malgré la brièveté de son séjour, savait sans doute mieux que son frère où je rangeais les choses.
Cette discrétion mêlée de gentillesse le rendait touchant, même si je n'avais pas su lui parler simplement, mon affection pour les deux frères s'était confirmée.
Mais à présent, ils n'étaient plus là. Rentrés à Resembool, dans leur véritable famille. Les choses étaient redevenues normales.
Tristement normales.
Une fois sortie du complexe de bâtiments que formait le quartier général, je traversai la grande place pavée ornée d'une statue de je-ne-savais-quel Général d'une autre époque, puis m'avançai dans une ruelle où j'avais repéré un restaurant qui faisait des sandwichs débordants de garnitures en tout genre. J'en achetai un aux crudités et à la viande marinée, puis arpentai les rues durant une dizaine de minutes pour aller m'installer dans le parc attenant au quartier général. Comme je marchai dans l'allée gravillonnée piquetée d'éclats de lumière filtrant à travers les feuilles, je commençai à déplier le papier qui entourait mon sandwich avec une certaine gourmandise. Après une matinée aussi studieuse, j'avais besoin de me remplir l'estomac.
Je relevai la tête pour chercher des yeux un banc libre où m'installer, mais je n'étais pas la seule à avoir décidé de ma pause pour m'installer dehors. J'arpentai les chemins en quête d'un banc libre, et mes pas me firent passer devant une cabine téléphonique. Mes entrailles se nouèrent à cette vue, alors que je me souvenais que c'était dans ce parc que Hugues avait failli mourir. En regardant l'abri de verre et de bois, je me demandai si c'était à cet endroit précis que s'étaient déroulés les événements. C'était probable, il ne devait pas y avoir des milliers de cabines téléphoniques dans le parc, même s'il était assez étendu. Je restai quelques secondes à fixer le lieu, avant de détourner la tête pour me détacher de la scène et revenir au présent.
Je trouvai finalement un banc libre au soleil et m'y installai avant de commencer à manger, tentant de chasser les souvenirs et questions qui s'entremêlaient dans ma tête, en regardant les passants se promener ou se hâter le long des allées aux graviers blancs. D'une pensée à l'autre, je choisis finalement de m'attarder sur la perspective de devoir faire du Colonel un tireur potable. Pour donner des cours, il fallait que j'arrive à trouver comment transmettre ce qui m'était devenu tellement naturel et instinctif que je ne pouvais même pas le décrire.
Après avoir dévoré une partie de mon sandwich, je le posai sur mes genoux et dévissai le bouchon de ma gourde pour boire à petites gorgées, méditant sur la question. J'avais finalement eu assez peu de cours de tir depuis mon entrée dans l'armée. Ils n'avaient pas eu l'imbécilité de me faire passer par les formations pour débutants.
Non, si on y réfléchissait bien, mes cours, je les devais surtout à John Brooks. En y repensant, je ne pus m'empêcher de sourire. Parmi les personnes que j'avais côtoyées durant ma jeunesse, il faisait partie des rares que je n'avais pas envie d'oublier.
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Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : Dublith
Hayran KurguChamboulé par ses dernières découvertes, Edward décide de quitter Central pour retrouver Izumi et lui demander conseil, accompagné par Al et Winry. Pendant que l'équipe de Mustang démêle les conséquences de l'attentat du passage Floriane, Les deux...