Chapitre 2 - 6 : Le prothésiste (Winry)

102 14 18
                                    


Nous nous étions levés tôt, et il ne semblait pas y avoir de problème, si ce n'est qu'Edward s'était enfoncé dans un mutisme inquiétant et qu'Alphonse semblait de plus en plus angoissé au fur et à mesure du trajet. J'avais essayé d'égayer l'atmosphère sans grand succès, aussi fus-je soulagée quand un couple et leurs deux enfants s'installèrent dans le compartiment. 

Le bébé, sur les genoux du père, nous regardait alternativement avec des yeux ronds, l'aîné, un gamin de quatre ans tout au plus, explorait le compartiment à pas maladroits, et se raccrocha à mes genoux lors d'un chaos. Les parents s'excusèrent, je leur répondis que ce n'était rien, et comme le gosse faisait preuve d'une curiosité adorable, je tirai de mon sac des outils inoffensifs pour qu'il puisse les manipuler et jouer avec. S'amuser avec l'enfant et discuter avec les parents fit passer le trajet plus vite que je le craignais, et je parvins à ne pas me morfondre en pensant à la ville de cocagne que je laissais derrière moi.

Une fois à la gare, j'avais mis la main sur un plan et demandé l'adresse de son maître à Edward, qui la donna du bout des lèvres. Comme il semblait fatigué et que l'ambiance était morose, je me mis en tête de les guider en racontant toutes les idioties qui me passaient par la tête, commentant la voix grave aux « R » roulants comme des graviers du chef de garde, les petits détails cocasses dans les rues, graffiti sur un mur, noms de boutiques amusants... D'une manière ou d'une autre, je parvins à détendre l'ambiance au fil des croisements et des calembours.

— Du coup, si j'ai bien suivi, on est presque arrivés, annonçai-je en levant les yeux de la carte pour étudier le carrefour qui se trouvait devant nous. On va leur dire bonjour ?

— Ils doivent être en plein travail, si on allait acheter à manger, plutôt ? proposa Edward d'un ton nerveux.

— Quelle bonne idée ! Tu veux manger quoi ? répondit Al avec un enthousiasme trop marqué pour être honnête.

— Je ne sais pas, quelque chose de bon, qui cale bien ?

— On pourrait se manger un gratin dauphinois, par exemple !

— Oh j'avoue, ça fait une éternité qu'on n'en a pas bouffé ! Tu crois qu'il y a un restau qui en fait dans le coin ?

— Les mecs... On est en septembre et il fait super chaud, soupirai-je d'un ton désabusé

.

— Et alors, y'a pas de saison pour les patates ! défendit Al.

— Il faudrait demander si y'a des restaurants qui pourraient en vendre ! Sinon, on doit pouvoir trouver d'autres choses...

— C'est vrai ! Y'a plein d'autres bonnes choses qu'on pourrait manger, qui seraient moins riches.

Comme la conversation s'était tournée subitement sur la bouffe et qu'ils parlaient fort en riant beaucoup, je compris qu'ils redoutaient leurs retrouvailles avec leur maître. C'est vrai que du peu que j'en avais vu, elle n'était pas très commode, mais bon, on était venus pour ça, quoi !

Ceci dit, à force de les entendre parler, je commençais à avoir faim aussi. Le trajet avait été long, et la marche nous avait à tous ouvert l'appétit. Bien consciente qu'ils cherchaient avant tout à retarder la confrontation, je me laissai tout de même traîner dans une pataterie. Il faisait terriblement chaud dans la salle, mais cela ne nous empêcha pas d'y rester un bon moment, en évoquant notre passage à Rush Valley et les rencontres que nous y avions faites. Bon, d'accord. C'était surtout moi qui racontais tout ça. Les deux frères hochaient la tête avec un sourire entendu, me laissant parler encore et encore. 

Je me rendis compte assez vite que ça ne les intéressaient pas vraiment, mais je n'arrivais pas à m'empêcher de continuer à parler. Je n'avais pas envie que le silence retombe, et je ne parvenais pas à imaginer d'autres sujets de discussions qui ne soient pas pire que celui-là. Faire des blagues sur le corps d'Edward aurait été de très mauvais goût, et je pouvais être sûre qu'il m'en voudrait pour quelques siècles, mais à part ça, rien ne me venait à l'esprit dans l'instant. Je me rendis compte que je ne savais pas quoi leur dire pour éveiller leur intérêt.

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant