Chapitre 5 - 1 : Amertume (Alphonse)

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Je n'arrivais pas à croire que j'avais échappé à une nouvelle rouée de coups après avoir quitté la maison en pleine nuit pour rejoindre mon frère sur l'île. Cette simple bonne surprise suffisait à me laisser étonnamment joyeux. Winry semblait soulagée qu'Edward soit revenu parmi nous. Il faut dire que le spectacle de la colère d'Izumi était terrifiant quand on ne s'y attendait pas... et même quand on s'y attendait, pour être honnête.

Pour l'heure, nous étions tous attablés dans l'arrière-boutique de la boucherie que tenaient ensemble les Curtis. Une fois rentrés, le couple avait sorti de sa réserve d'énormes morceaux de viande qu'il avait commencé à cuisiner, bien décidé à préparer un pot-au-feu. Avant d'avoir compris, Ed, Winry et moi nous étions retrouvés avec un couteau et un légume à la main, sommés d'éplucher carottes et pommes de terres pour le repas du soir. 

Seul le nouvel arrivant avait été exempté de cette tâche. Ed le suivait des yeux avec une méfiance un tantinet jalouse et j'esquissai un sourire en le remarquant. Je doutais que le gamin sache ne serait-ce que tenir un couteau. Il semblait ne rien connaître de la civilisation, et ouvrait des yeux ahuri sur le moindre objet qui passait dans son champ de vision, à un point que c'était presque attendrissant.

Izumi s'était chargée de faire prendre un bain au sauvageon que nous avions trouvé, et quand je lui avais rapporté les serviettes qu'elle m'avait demandées, je l'avais trouvé assis en tailleur dans une baignoire remplie d'eau chaude et débordant de mousse, complètement bienheureux tandis qu'Izumi lui shampouinait la tête. On aurait dit un chien en train de se faire gratouiller derrière les oreilles, comblé de bien-être et d'affection.

La réaction de rejet épidermique de mon frère me paraissait dérisoire. Ce garçon ne semblait jamais avoir rien connu d'autre que cette île, à se demander comment il savait parler. Et il nous accordait sa confiance avec la candeur d'un petit enfant. Je comprenais qu'Ed soit méfiant, il n'était pas le seul à avoir remarqué le signe sous son pied droit... mais si ce gamin était réellement un Homonculus, cela en faisait-il un ennemi pour autant ? Je n'étais pas sûr que les choses soient aussi simples que ça, et j'avais tout de même une conviction : dans le doute, il était toujours mieux de ne pas se faire haïr de quelqu'un quand on pouvait l'éviter. S'il n'était pas encore notre ennemi, il pourrait le devenir en étant maltraité. C'était dans cet état d'esprit que je lui avais tendu la main.

Mais ça, mon frère n'était manifestement pas prêt à en faire autant. Comme j'attrapais une nouvelle carotte, je croisai son regard et y perçus une certaine rancune. Je lui répondis par un vague sourire. Nous n'allions pas en parler maintenant, avec Winry assise en face de nous, et le gamin en question en train d'observer avec curiosité les gestes assurés de Sig qui coupait la viande pendant qu'Izumi lavait et taillait le chou... mais je ne doutais pas que mon frère laisserait échapper sa colère une fois que nous serions seuls tous les deux. A cette pensée, je laissai échapper un soupir. Pourquoi diable avait-il aussi mauvais caractère ?

Le repas se déroula dans une atmosphère étrange, comme on pouvait s'y attendre quand les personnes attablées avaient des états d'esprit si contradictoires. Après cela, Izumi dirigea tout le monde pour la vaisselle et le rangement de la cuisine, puis partit avec son mari discuter des commandes de la boutique. Quand elle revint nous parler, elle nous trouva tous les quatre assis, inactifs et silencieux. Seul l'enfant trouvé tournait la tête ici et là, observant chaque objet avec attention, papillonnant sans sembler sentir la tension que créait sa présence parmi nous. Pourtant, j'avais remarqué qu'il lançait par moment des petits coups d'œil inquiets à Edward.

-Bon, vous deux, venez, fit-elle d'un ton autoritaire, repartant déjà dans le couloir.

Edward se leva et je quittai mon tabouret pour la suivre, dans le couloir, puis à l'étage, jusqu'à ce qu'elle nous ouvre la porte de son bureau en nous faisant signe d'entrer, puis de nous asseoir.

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant