Chapitre 9 - 5 : Sergent Hayles (Riza)

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Il était déjà tard quand j'avais poussé la porte de mon salon. Black Hayatte bondit vers moi, impatient de sortir. Je poussai un profond soupir, un peu découragée à l'idée de devoir repartir aussitôt. J'avais juste envie de me jeter dans mon canapé pour ne plus jamais en sortir. Mais je savais bien que la vessie des chiens n'était pas infinie, et la sienne avait été mise à rude épreuve aujourd'hui. Je posai donc mon sac dans l'entrée, le gratouillai derrière les oreilles en le félicitant pour sa patience, et ouvris la porte pour qu'il sorte devant moi. Il bondit dans le couloir et sautilla autour de moi pour montrer son enthousiasme tandis que je fermai la porte à clé avec des gestes plus lents que d'habitude.

J'étais en train de me dire que je n'aurais absolument pas le courage de me faire à manger en rentrant. Étant donné les derniers événements, je décidai que je méritais un peu de repos et que le repas de ce soir serait constitué d'un plat à emporter, un sandwich chaud ou une brioche à la viande. Pour une fois, je pouvais bien me permettre de manger n'importe comment. De toute façon, ce serait mieux que ne rien manger du tout.

- Ah, Black Hayatte, si tu savais le chaos que c'est là-bas, murmurai-je plus pour moi-même que pour lui, qui n'avait rien à faire de l'ambiance du quartier général.

C'est donc en silence que je me remémorai la situation, après être sortie et avoir acheté deux brioches à la viande à l'échoppe qui faisait l'angle de ma rue. Roy Mustang avait fait enfermer les attaquants dans une chambre d'hôpital inoccupée pour les interroger, et j'avais accompagné le patient durant son transfert en chambre A244 tandis que le sergent Hayles était resté, bien campé devant la porte de la chambre, avec pour mission de transmettre à Breda le numéro de la nouvelle chambre quand il arriverait. Elle avait la mine résolue de celle prête à camper toute la nuit s'il le fallait, mais je lui avais ordonné de rentrer chez elle aussitôt cette mission accomplie. On voyait bien qu'elle avait les traits tirés et qu'il lui fallait du repos.

Après l'attaque, l'ancienne chambre n'était plus une cachette sûre, et il allait sans doute falloir renforcer la surveillance. Le personnel de l'hôpital me regardait avec une certaine défiance ; ce n'était pas étonnant que je ne sois pas très bien vue après avoir dégainé mon arme, alors que nous étions dans un lieu dédié aux soins des gens. Quelle que soit la raison, blesser ou tuer d'autres personnes était incompatible avec leurs convictions personnelles, et je le comprenais très bien. Malgré tout, c'était mon devoir et je n'avais aucun regret.

Quand Breda était arrivé, peu de temps après, il était accompagné de Lorens, un des subordonnés de mon équipe de garde. J'appris après de brèves explications que le Colonel avait ordonné un renfort de la sécurité, et que parmi les quatre équipes formées pour la protection de notre témoin, il avait choisi de rependre la mienne pour nous servir de renfort. De manière habile, Breda avait réussi à passer sous silence que sa précédente garde était celle d'un leurre, et Hayles, bien que l'ayant bien compris, avait loyalement joué le jeu.

Ensuite, tout s'était passé très vite. Le Colonel m'avait appelée, et je l'avais rejoint aussitôt. En quelques mots, il m'avait informé de la question qui me taraudait. Qui était ces tueurs ? Des membres du Front de libération de l'Est ? Malheureusement, ils se présentaient comme de simples mercenaires engagés par un inconnu qui leur avait graissé la patte, et n'ayant aucun rapport avec les terroristes. 

C'était absurde qu'ils n'aient aucun lien avec le Front de l'Est, et ni le Colonel ni moi les croyions une seconde. Pour cette raison, un deuxième interrogatoire, plus approfondi, allait avoir lieu dans les locaux du Quartier Général. Avec quelques militaires en renfort, Mustang et moi devions l'escorter jusqu'à la prison de comparution de l'armée pour vérifier qu'ils étaient sous bonne garde. Après cela, nous étions repartis aussitôt, dans un but que je ne connaissais pas encore. Quand je lui avais demandé pourquoi il était aussi pressé, sa réponse avait résonné sèchement.

- Il faut que nous voyons le Général de Division au plus vite, en espérant qu'il ne soit pas encore parti..

- Pourquoi ?

- J'ai besoin d'un mandat d'arrêt.

J'avais continué à marcher à pas vif à sa droite, assimilant rapidement le sens caché de ce qu'il venait de dire.

S'il a besoin d'un mandat de son supérieur, cela veut dire qu'il vise une personne plus gradée que lui. Il a donc étayé ses soupçons ?

- Au nom du Général Erwing ? demandai-je d'un ton prudent.

- Oui, répondit-il.

- Vous allez faire des vagues, fis-je remarquer. J'espère que vous ne vous trompez pas, parce que dans le cas contraire, cela risque d'être mal perçu...

- Nous avions émis un accord pour être les seuls au courant du véritable emplacement du prisonnier et ne pas le transmettre aux supérieurs. Il y avait sept personnes en tout connaissant la vérité. Notre équipe, et lui. Etant donné que ma confiance en vous cinq est absolue, soit Erwing est la taupe, soit il a laissé échapper l'information. Dans tous les cas, il est coupable de quelque chose.

Je hochai la tête. Le raisonnement tenait la route. Mais je n'étais pas sûre que ses supérieurs apprécient une attaque aussi frontale.

- J'ai joint Fuery dès la fin de sa formation pour lui demander de voir avec les standardistes pour vérifier les appels qu'il a passés en externe. Hier, cinq appels hors du quartier général ont été passés depuis son bureau. Quatre à son domicile, et le dernier à un autre numéro.

- On connaît l'adresse correspondante ?

- Pas encore, et ça va prendre du temps de faire tous les recoupements, ça peut aussi bien être un appartement privé qu'une cabine téléphonique... Fuery est dessus. En tout cas, voilà enfin une piste concrète. Entre ça et l'amélioration de la santé de notre témoin... On va peut-être sortir du brouillard, Hawkeye, fit-il en faisant craquer ses doigts avant de frapper à la porte du bureau du Général de division.

Malheureusement, son espoir avait été déçu. Le Général de Division était déjà parti, et son équipe ne pouvait – ou voulait – pas le contacter à son domicile. Fulminant, Mustang était revenu à notre bureau ou Fuery nous attendait, et avait donné des ordres.

Ce n'était plus une, mais deux personnes qu'il fallait garder de manière permanente : d'une part, notre prisonnier, dont le réveil s'annonçait imminent si on en croyait ce qu'avait dit l'infirmière avant notre départ. D'autre part, le Général Erwing, notre principal suspect. Même s'il ne savait à priori rien de l'attaque de cet après-midi, s'il en était la cause, on pouvait s'attendre à ce qu'il fuie ou se défende. A défaut de pouvoir l'arrêter de manière réglementaire, le Colonel s'était mis en tête de garder un œil sur lui autant que possible. Il avait donc distribué les horaires comme autant de coups de massue.

Fuery, non content de devoir s'occuper de la maintenance téléphonique entre cinq et huit heures du matin pour ensuite aller garder notre témoin, allait avoir la lourde tâche d'annoncer à Havoc qu'il allait devoir surveiller le domicile d'Erwing de minuit à trois heures, puis enchaîner à l'hôpital de quatre à huit heures, accompagné de Jenkins. J'allais devoir relever Havoc à sa planque, et suivre le Général Erwing, qui, normalement, reviendrait au quartier Général pour une journée de travail comme les autres. Le Colonel, quant à lui, s'apprêtait à partir surveiller le foyer du Général Erwing avant d'être relayé et s'acquitter de sa mission de surveillance entre minuit et quatre heures du matin. Après une courte nuit, il irait tambouriner à la porte du Général de Division pour obtenir un mandat d'arrêt au plus vite, et, si tout allait bien, cueillir Erwing à son arrivée au QG. Il m'avait confié sa garde à partir de quatre heures du matin, jusqu'à son arrivé au quartier général. En espérant que tout se passe sans anicroche. Dans le cas contraire, j'étais sa principale protection.

En songeant à quel point nous allions nous retrouver privés de sommeil, je ne pouvais que lever les yeux au ciel avec un soupir désabusé. Falman avait mal choisi son moment pour tomber malade. Heureusement que le réveil de notre prisonnier était imminent, avec un rythme pareil, nous allions bientôt être à bout. Et il ne valait mieux pas penser aux dossiers qui s'accumulaient pendant ce temps.

Je sifflai pour rappeler Black Hayatte qui s'était aventuré un peu trop loin dans le parc. Il était temps de rentrer. La promenade lui semblait sans doute courte, mais ma nuit promettait de l'être tout autant.

Bras de fer, gant de velours - Troisième partie : DublithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant