Chapitre 3

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Lou-Anne

La sonnerie de l'école retentit, nous signalant tous qu'il est l'heure de la réaction. Tous les élèves se levèrent dans un brouhaha habituel. Je fus même la première à sortir. Je n'ai jamais aimé les maths, je n'y suis comprend rien de toute façon. Et tous ces chiffres et formules me donnent toujours mal à la tête et de surcroît me mettent de mauvaise humeur. Camélia, une de mes amies, me rejoint à l'extérieur quelques secondes plus tard.

_Tu es sortie comme si tu avais le diable à tes trousses; commente-t-elle en riant.

_Tu sais comment je suis après les cours de maths.

_Ouais, toujours en guerre hein. Tu ne compte pas leur proposer une trêve?

_Je l'ai fait, ils n'ont pas voulu.

Elle rit doucement et ensemble, nous nous dirigeâmes vers nos casiers. Arrivés à ces derniers, je remarquai Amy, la petite black de l'école devant le sien, faisant de son mieux pour paraître invisible. Je ris intérieurement en la regardant, même après toutes ces années elle ne se rend pas compte que cela est impossible. Avec sa peau couleur charbon, il est impossible de se fondre dans la masse parmi nous, qui sommes tous blancs. Camélia qui l'avait aussi remarqué se mit à l'observer, le même air dédaigneux au fond des yeux. A peine Amy ouvrit son casier qu'un petit pot de peinture posé dessus se déversa sur sa tête. Ses cheveux, protégés par la capuche de son pull ne furent pas touchés mais une partie de son visage le fut. Tête baissée, elle referma rapidement le casier avant de s'enfuir vers les toilettes, accompagnée des rires des élèves qui la voyaient, Camélia et moi y compris.

Ils ne méritent que ça ces sales noirs. Comme le dit mon père, ils auraient dû rester dans leur rang d'esclaves parce que c'est tout ce qu'ils sont, nos esclaves.

Ma mauvaise humeur soudain évaporée, je me tournai vers le mien et y déposa mon livre de maths pour prendre celui de français, mon prochain cours. Nous faisons subir à Amy ce genre de farces depuis la première année de lycée, année à laquelle elle est venue ici. La première fois, elle s'est plainte au proviseur mais nous lui avons vite fait comprendre que si elle le refait, nous ferons en sorte qu'elle perde sa bourse. Elle sait que nous en sommes capables, tous ~presque~ ici sont des enfants de personnes influentes, tandis qu'elle, elle est tout droit sortie d'un ghetto.

*****

La tête plongée dans mes cahiers, je m'affairai à faire mes devoirs. J'ai d'abord fait celui de biologie ~la matière qui m'a le plus passionnée depuis toujours~, puis de français et maintenant je me creuse la tête avec ces mathématiques. J'ai fait de mon mieux pour suivre le cours et pourtant, tout sort toujours avant que je ne m'en serve. Agacée, je refermai mon cachier en grognant. Sachant qu'une fois de plus, je dois demander de l'aide pour les faire.

Je rangeai rapidement mes cahiers des cours du lendemain dans mon sac,  préparai aussi ma tenue avant de sortir de ma chambre pour aller dans la cuisine. Mon père doit rester au commissariat cette nuit et ma mère est allée boire un verre avec ses copines. Je suis donc seule à la maison. Je jetai un coup d'œil à l'horloge sur un côté du mur et remarquai qu'il est à peine dix-neuf heures.

Laura doit sûrement se reposer en ce moment. Le médecin lui a prescrit des médicaments contre la fièvre carabinée, autrement appelée fièvre forte. Demain, je finis les cours à quatorze heures. J'ai prévu de lui rendre visite chez elle, histoire de l'éviter de s'ennuyer. Mais j'appréhende un peu. Laura habite dans un quartier où la plupart des personnes sont noires, des personnes sur lesquelles je ne veux même pas poser mes yeux. Ceci est d'ailleurs le seul sujet sur lequel on se dispute Laura et moi ~et parfois ma mère~. Mon père et Camélia sont les seuls qui pensent comme moi. Laura, elle pense que ces sauvages et nous sommes égaux et que je devrais arrêter de les juger sans les connaître. Mais moi, apprendre à connaître ces... Ces... Je ne veux même plus en parler. Elle me tape toujours des crises quand je ridiculise Amy. Mais malgré nos différends, on finit toujours par se réconcilier. Dans tous les cas, il s'agit de ma meilleure amie, je dois donc prendre sur moi et aller la voir. Je décidai de me faire des pop-corns et de passer ma soirée sur Netflix.

*****

Juste pour que vous le sachiez, je ne suis pas raciste (je suis noire aussi). Je voulais contribuer à ma manière au mouvement #blacklivesmatter, aux réalités dont beaucoup de noirs sont confrontés, au mal que le racisme cause... Vous venez de découvrir pourquoi j'avais tant envie d'écrire ce livre malgré les pièces manquantes.

La petite bourgeoise.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant