Malgré la confiance que j'ai affichée devant Kale, je ne suis pas serein. Mon cœur bat un peu fort, je suis nerveux et je crois que j'ai peur. Je prends sur moi et continue à avancer dans les rues à une allure soutenue, refusant de perdre trop de temps. Il fait tout juste nuit, c'est une heure où il n'y a jamais grand monde dans ce coin. Parce que nous sommes loin des clans. Les diurnes sont déjà chez eux et les nocturnes ne sont pas encore de sortie. J'ai beau ne pas bien connaître Jun, il m'a aidé, même si ce n'est pas directement, en apportant de la bouffe pour nous le temps que je me remette d'aplomb. C'est plus que ce que personne n'a jamais fait pour moi – en dehors de Kale – et ça compte. Même sans cette dette, Jun fait partie du clan, un clan qui se soucie un minimum de chacun de ses membres, c'est un argument suffisant pour prendre le risque de me faire repérer. Par chance, je n'ai surpris personne qui attendait dans la rue de Kale.
Pour trouver la maison qui mène aux égouts, je n'ai eu aucun mal, mais pour me diriger à l'intérieur, je suis lent. Il fait entièrement noir. En journée quand les yeux sont acclimatés, on peut parfois saisir l'éclat de jour des rues au-dessus qui filtre par les bouches d'égout. Mais en pleine nuit, il faut se souvenir d'où nous sommes, du nombre de pas qu'il nous manque pour trouver le passage à emprunter. Et je suis loin d'avoir l'habitude, même si Kale m'a entraîné à le prendre en faisant plusieurs allées retours pour rien. Je suis vraiment trop lent, je doute, mes pas sont hésitants alors que le temps de Jun est peut-être compté.
J'aurais envie d'extérioriser mon impatience en crachant un flot de gros mots libérateurs, sauf que je sais que je ne suis pas seul sous terre et que je ne dois pas me faire repérer. Les odeurs ne me dérangent pas, j'ai l'habitude, elles sont même parfois indicatrices des bâtiments sous lesquels je me trouve.
Je continue mon avancée à l'affut de bruits suspects qui dénoteraient dans le rythme de l'eau et de ses échos. Mais rien. Je finis par toucher le métal du meuble de l'atelier de Vince, du moins je l'espère et je pousse.
Complètement ébloui, je cligne des yeux. La luminosité est trop violente, je pleure et tente d'apercevoir quelque chose. Le tatoueur n'est pas là, mais deux gardes y sont en faction, je ne les connais pas, l'un d'eux me braque avec une arbalète pendant que le second a dégainé son couteau tout en avertissant les autres avec son talkie-walkie.
Je reste à quatre pattes, l'arrière-train dans les égouts à lever maladroitement une main pour montrer que je suis pacifiste.
— Ne bouge plus !
— Je s...
— Ta gueule ! assène celui qui me tient en joue.
Il va tirer si je désobéis, mais si ne se ramènent que des gens qui ne m'ont jamais vu nous allons perdre du temps. Puis je réalise que le néon est allumé. Doucement, je baisse la tête pour montrer ma nuque.
— Il n'y aura pas d'autres avertissements !
Je me souviens que je me suis mis de la crème et qu'ils ne voient rien. Qu'est-ce qui leur garantirait de toute façon que je ne me le suis pas fait faire pour les infiltrer.
La porte s'ouvre.
— Tom ?!
— Vince, dis-je soulagé.
Le tatoueur calme les gardes et me relève.
— Où est Kale ?
— Il est chez lui avec Jun qui est salement amoché et c'est de pire en pire, impossible de le ramener ici. Il m'a envoyé chercher de l'aide.
Vince fait un signe de tête et les deux vigies s'en vont.
— Qui lui a fait ça ?
— Il dit que c'est les Survoltés qui l'ont pris pour un espion des Oubliés.
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Au-delà de l'encre
Science FictionDans la Zone, il n'y a qu'un moyen de survivre, rejoindre un clan et arborer sa marque. Au sein de cette micro-société coupée du reste du monde, la vie est dure et les ressources sont rares, sauf peut-être la drogue. Après des années à n'être qu'une...