Chapitre sept : Tom

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J'émerge doucement, nauséeux, avec un mal de tête épouvantable, mon corps entier me fait souffrir. Je ferme les paupières fortement pour tenter d'apaiser la douleur sans y parvenir. Je fouille mes souvenirs pour comprendre ce que j'ai pu trafiquer pour me retrouver dans cet état, mais c'est le néant.

— Ouvre les yeux !

Le son me percute le crâne, déclenchant un vomissement.

— Putain, tu m'as dégueulé dessus ! râle la voix que je ne reconnais pas. Bois !

Le contact du verre froid contre ma bouche me fait ouvrir un œil. Je vois floue alors que l'homme me penche la tête pour me forcer à avaler.

De l'eau dégouline de mes lèvres sur mon torse, je la frotte d'une main. Je suis nu ! Paniqué, je baisse le menton violemment, le mouvement me fait monter un nouvel accès de nausée.

— Tout doux, mec. Tu t'étais gerbé dessus, je te passerais des fringues, tente l'inconnu d'un ton apaisant.

Je fouille du regard où sont mes vêtements, j'ai besoin de prendre une dose ou deux pour me remettre.

— Cherche pas ta came, Tom, m'explique doucement l'homme, ta copine s'est barrée avec et, de toute façon, t'es pas passé loin d'y rester. Faut plus que tu consommes cette merde, hein.

— Quoi ? parvins-je à articuler difficilement.

— Je t'expliquerais mieux plus tard, tu vas venir manger un peu d'abord, tu en as besoin.

Patiemment, il m'aide à me redresser, mais une fois debout, je me dégage et me précipite sur le tas d'habits au sol en cherchant frénétiquement.

— Ça ne sert à rien. Et ça ne t'aidera pas à aller mieux.

Je n'écoute pas le mec que je ne connais pas. Je suis obnubilé par la dose que je veux prendre et qui arrangerait mon état et m'aiderait à organiser mes idées.

Je n'entends pas l'étranger s'approcher de moi et c'est avec une surprise totale que je me retrouve plaqué au sol.

— Tu m'écoutes ?! Je t'ai dit qu'il n'y avait rien, je perds patience. Viens t'asseoir à table avec moi. Ce que tu cherches va te soulager de façon définitive si tu en reprends, énonce-t-il d'un ton neutre.

Je me laisse relever et amener sur une chaise. Je n'ai pas la force ni l'énergie de me battre avec ce type. Je ne touche pas au repas que me sert ce blond. Je crève de prendre une dose, je me sens mal comme jamais et j'ai l'impression que le mec s'en fout. Il faudrait que je parte. Ma tête va exploser, mon estomac fait des loopings, mon corps me semble gelé. J'ai envie d'une putain de dose pour me soulager.

Plus je fixe le type qui me materne – alors que je ne lui ai rien demandé –, plus son visage m'est familier. Je le détaille : les traits durs, les yeux verts, les muscles du torse puissants. Si c'est un ancien amant, il ne m'a pas marqué. Pourtant il y a de quoi, c'est plutôt mon genre. Je scrute le loft dans lequel je me trouve qui est une immense pièce carrée, avec la cuisine dans un coin, un canapé et une table basse dans un autre juste à droite de la porte d'entrée. Puis dans l'autre moitié de l'appartement, une douche au fond à gauche à côté des toilettes et d'un bac. Le lit n'est appuyé contre rien et se trouve en face d'une commode, qui est contre un mur près d'un paravent. Ce lieu ne me dit vraiment rien.

— On se connaît ? coassé-je.

— Mange.

Frustré de ne pas avoir de réponse, je n'insiste pas, mais ne touche pas davantage à mon assiette.

— Mange. Tu vas bientôt commencer à être encore plus mal. Tu vas avoir de la fièvre et être plus bas que terre, prend des forces.

— Quoi ?

— Tu vas bientôt être fortement en manque, hein, donc manges.

— Je vais rentrer au QG, déclaré-je en me relevant maladroitement.

— Tes potes te pensent mort. Ils m'ont indiqué dans quelle fosse jeter ton corps. Profite de cette chance, si tu retournes là-bas, dans une semaine, grand maximum, tu vas vraiment finir par crever.

— Et qu'est-ce que ça peut te faire ?

— Je sais pas pourquoi, mais je pense que tu mérites mieux. Tu es courageux, je pense que tu as de la force et, si la pute t'a demandé de l'aide, c'est que tu dois avoir des qualités humaines que beaucoup oublient.

— T'essaies de m'apitoyer ou quoi ? m'énervé-je. Je ne sais pas qui tu es, ni d'où tu sors, mais je deviendrai pas ta chienne.

— Si c'est ce que j'avais voulu, je t'aurais déjà pris dans tous les sens. Je m'appelle Kale. Si t'arrives à décrocher, je te proposerai à mon clan.

— Oh bordel ! T'es un enculé de Rédempteurs ! Je te remets, je t'ai vu traîner à la Plaque. Comment je me suis retrouvé avec toi ?

— J'ai eu une petite altercation avec des hommes dans le couloir du baisodrome, tu m'as aidé à les assommer, puis tu as fêté ça avec de la coke et tu es tombé comme une merde. La pute avec qui tu es arrivé a pris la came que t'avais sur toi, puis quand tu t'es mis à recrépir le couloir tout le monde a fait comme si tu n'existais pas. C'était touchant.

— Et tu m'as aidé ? dis-je avec suspicion.

— Oui. Je me suis dit que t'étais peut-être pas foutu.

— Je t'ai rien demandé, moi, mon gars. Si j'ai envie de crever, ça me regarde. Les Oubliés, c'est chez moi.

— Tu dis ça parce que t'es en manque. Mais réfléchis, tu avais un max de produit sur toi qui ne t'a rien rapporté. Si tu vas voir ton boss sans tune, sans came, tu penses qu'il va le prendre comment ?

— Je lui expliquerais, il comprendra.

— Tu n'y crois même pas. Personne d'autre ne te proposera de l'aide, réfléchis bien.

Je sais que Kale dit vrai, mais je ne me sens pas prêt à décrocher. Je n'en ai ni le courage ni la force. Je suis déjà terriblement mal et ce n'est rien comparé à ce qui va suivre. Mais mon boss me tuera si je rapplique sans blé et sans poudre. Et aucun autre clan ne recruterait un Oublié.

— OK, on essaie, capitulé-je.

— Alors, commence par manger.

Difficilement, j'obéis. Mon mal de tête et ma nausée reflux un peu, mais pour essayer d'aller mieux je retourne à la douche. En évitant de prêter attention au regard de Kale, je m'ébouillante dans sa cabine. Quand je sors, mon hôte me propose son lit à condition que je n'y vomisse pas dessus. Épuisé, j'accepte, mais je ne peux m'empêcher de jeter un œil à Kale qui se lave à son tour. Je suis attiré par ce mec, la première fois où je l'ai aperçu, j'ai eu envie de passer du bon temps avec lui, mais je n'avais pas réussi à engager une conversation détendue.

Étonnement, Kale vient s'allonger près de moi, sans commentaire. Et sansme toucher. Je ne suis pas d'humeur, mais mon égo aurait apprécié de voir quel'attirance était réciproque. Je finis par m'endormir en ruminant cette petitedéception.

Au-delà de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant