Je suis rentré comme un badaud lambda dans le bâtiment. Il restait des combats, j'ai donc pu facilement me fondre dans la masse. Je n'ai pas beaucoup d'argent, mais pour ne pas paraître louche, je commande une bière et fais un petit pari sur celui qui est donné vainqueur.
Je demeure debout planté dans la foule, au milieu des hurlements et des invectives. Sans surprise, je suis abordé par différents clans nocturnes de vendeurs de drogues. Étrangement, malgré mon stress immense, je ne suis pas tenté. Un miracle. Je les renvoie les uns après les autres, la plupart ne s'attardent pas, ils ont quantité de clients à dénicher.
Alors que je scrute la foule tout en essayant d'avoir l'air pris par le combat, un homme me bouche la vue.
— T'as pas l'air de profiter, mon joli, tu veux de la blanche ?
Avec la lumière noire qui luit je remarque la lune tatouée dans le cou du gars. Non seulement sa coke me tente, mais surtout il peut potentiellement me reconnaître, même si sa tête ne me dit rien.
— Non, merci, je suis là pour me refaire un peu de blé, je suis à sec dernièrement.
— On peut s'arranger, minaude le mec.
— Non, ça ira, je suis déjà assez frustré de ne pas voir une seule nana dans cette foutue Cage.
— Pour ça t'es pas venu le bon soir.
J'essaie de ne pas montrer mon excitation, j'ai lancé ma perche sans vraiment espérer qu'elle fonctionne.
— Pourquoi tu me dis ça ?
— Avant-hier, il y en avait une qu'on voit de temps en temps. Une blonde bonasse et teigneuse qui venait avant pour jouer de la gratte devant le bâtiment.
— Ah et tu sais pas quand elle revient ?
— Je sais même pas si elle est encore vivante, rit-il. C'est les gorilles qui l'ont sortie et ils sont partis au fond, tu sais ce que ça veut dire.
— Ah ouais ! répliqué-je en faisant semblant d'être amusé.
— Mais je crois que demain y'a un procès des Forgerons. Parfois ils envoient leurs meufs, bon c'est pas toutes des bombes, mais...
— OK, merci, dis-je en lui donnant une tape amicale.
Si elle a été amenée derrière, elle a pu être abusée et achevée, ou tout simplement jeter à l'extérieur, même si je n'y crois pas trop. Ils peuvent aussi avoir eu envie de savoir si elle ne portait pas d'autres tatouages, et là...
Je scrute la pièce et vérifie le nombre de combats à venir sur l'un des tableaux noirs suspendus aux balcons. Il y en a encore pour une paire d'heures, j'ai le temps.
Il me faut réfléchir, mon regard court dans la salle, je me suis toujours demandé à quoi avait pu servir ce bâtiment. On y entre par une volée de cinq marches en pierre, puis en passant sous un porche tenu par de grandes colonnes. Et l'intérieur est en marbre, si je ne m'abuse. Il y en a de toutes les couleurs, du rose, du noir et du blanc, même si à beaucoup d'endroit il est trop sale pour être visible. C'est un immense hall encadré de deux escaliers qui desservent la tribune pour les spectateurs. Il n'y a plus de rambardes et les chutes ne sont pas rares. L'odeur de fauve de ce grand espace ne m'avait pas manqué. J'ai repéré au plafond la grille où je m'installais souvent. Il va me falloir y retourner.
Je quitte les abords de la Cage et slalome entre les corps pressés aux différents bars qui longent la pièce. Je sais qu'il y a une porte dans un coin, elle mène à des toilettes délabrées où certains baisent. Sauf que je ne sais pas comment y accéder, car elle est surveillée par des Justes. De mémoire, il n'y avait aucun néon à l'intérieur, je n'ai jamais su s'il n'y avait que les gens du clan qui s'y rendaient ou s'il y avait moyen d'y entrer autrement.
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Au-delà de l'encre
Science FictionDans la Zone, il n'y a qu'un moyen de survivre, rejoindre un clan et arborer sa marque. Au sein de cette micro-société coupée du reste du monde, la vie est dure et les ressources sont rares, sauf peut-être la drogue. Après des années à n'être qu'une...