Chapitre quarante-neuf : Kale

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Le sort de Jun m'affecte. Beaucoup. Beaucoup trop.

Je me sens coupable de ne pas l'avoir rembarré avec plus de fermeté. Au visage décomposé de Tom, je comprends que c'est aussi son cas. En jouant un peu plus la sécurité pour parvenir à mes fins, je l'ai peut-être condamné... La vie tient à trop peu de choses. Je soupire, m'emplissant les poumons de l'odeur insupportable des égouts. Nous restons mutiques tout le trajet. Par habitude, Tom vient chez moi. Il faut mettre un plan en place pour notre surveillance des Mécas. Nous nous ferons certainement chier comme pas possible, mais j'aurais le temps de guérir. J'ai conscience de la fleur que Tade nous a faite.

Tom s'affale sur le canapé à peine dans l'appartement.

— Je sais pas ce que j'ai, j'ai plus de jus.

— On peut se reposer un peu, hein, lui suggéré-je. Je suis vanné aussi.

Il me fixe, ses yeux semblent un peu vides avant d'être traversé par un éclair de colère ou quelque chose d'autres de négatif.

— Ça ne t'énerve pas de toujours devoir partager ton lit avec moi ?

— Non, pourquoi ?

— T'es sûr que tu te forces pas ? demande-t-il en se relevant. Tu voulais prendre du recul... Tu te sens obligé ? finit-il par murmurer.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? J'aime bien dormir avec toi, dis-je sans y réfléchir.

J'écarquille les yeux devant cet aveu beaucoup trop spontané.

Tom n'est pas en reste, il me regarde la bouche entre ouverte. Je ne sais pas quoi dire pour rattraper ma bourde.

— Explique-toi ?

Gêné et désarçonné, je me retourne, je suis trop fatigué pour encore parler. Surtout de ce sujet. Je n'arrive pas à me dépatouiller avec les mots. Le fait qu'il me désire, me plaît, mais je ne suis pas certain qu'il ait compris que moi j'étais attiré par lui au-delà de son physique. Personne ne comprendrait ça. Même moi je ne comprends pas.

— Kale ! reprend-il en s'approchant.

— J'aime les moments qu'on passe ensemble. Heureusement ! Hein ! On est souvent fourrés tous les deux. On fonctionne bien en binôme. Et même si Tade me reprocherait de dire ça, j'ai confiance en toi.

— Moi aussi j'ai confiance en toi. Aveuglément, déclare-t-il.

— Je sais. Tu as misé ta vie avec la mienne, hier. On s'en est sortis miraculeusement. Mais je n'oublierais pas que tu étais prêt à mourir pour moi.

Ma gorge s'est nouée et j'ai peur qu'il l'ait sentie. Avouer ses faiblesses, c'est la pire des conneries.

— Tu l'avais déjà fait pour moi.

Tom s'est approché au point de m'acculer contre le cadre du lit. Il me fixe, il semble beaucoup moins mal à l'aise que moi.

— C'est nous deux ou rien du tout, finit-il par déclarer. Je n'arrive plus à concevoir ma vie autrement.

— Qu-Quoi ?

— Ne me force pas à trouver d'autres mots. C'est assez compliqué comme ça. On est un binôme, tu comptes pour moi... Même si ça me fait chier. Mais c'est la réalité. Je vais devoir faire avec. Et toi aussi. Je ne franchirais jamais tes limites, je te l'ai déjà dit.

— Tu me parles encore de cul ! Moi, c'est toi qui m'intéresses ! Pas ton physique.

— Ça je l'avais compris depuis longtemps. Je n'ai même pas compris comment ce qui est arrivé hier a pu se produire ! déclare-t-il plein d'amertume.

Je suis estomaqué, je crois que mes sentiments trop intenses sont partagés. C'est inespéré. Si je ne lui avoue pas maintenant, je sais que plus jamais je n'en aurais la force. Je suis encore ébranlé et fatigué, vulnérable. Plus qu'à l'accoutumée face à mon cœur trop tendre. J'ai conscience de cette faiblesse et une fois de plus, pour Tom, je ne lutte pas contre.

— Mais... Tu... Pfff, Tom. J'ai besoin de ta présence... Proche... Très proche... Même ce qui c'est passé hier ne m'a pas semblé assez...

— Tu étais en moi. On pourrait difficilement faire plus proche, remarque-t-il avec un pauvre sourire.

— Si... À chaque moment de libre.

Je ne lui laisse pas le temps de réagir et je fonds sur sa bouche.

Il ne tarde pas répondre et nous basculons contre le lit.

Au-delà de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant