J'ai dû habiller Jun, ce n'était pas dans les instructions de Kale, mais je n'allais pas me promener avec un mec à poil. Il a repris conscience au début et m'a aidé comme il a pu. Sauf qu'à peine deux minutes après notre départ, il a commencé à piquer du nez et le garder sur mon dos sans qu'il s'accroche un minimum s'est avéré impossible, surtout que mon corps n'est pas en forme. Dans l'appartement, j'ai tout fait pour ne pas regarder. Le plus délicatement que j'ai pu je l'ai fait passer sur mes épaules. Il est moins lourd de cette façon, mais à ses gémissements, je comprends bien qu'il souffre. Je lui murmure des paroles réconfortantes, même si parfois j'ai l'impression qu'elles sont plus pour moi que pour lui.
Sur la route, je ne reconnais encore rien, mais je crois discerner certains grands bâtiments qui délimitent le Centre. Dans la pénombre ce n'est pas évident, mais il n'y a qu'un seul lieu avec d'aussi immenses structures dans la Zone. Il y a beaucoup de QG là-bas, notamment celui des Justes, celui des Elecs et des Sableux. Celui des Rédempteurs aussi, même si personne ne le sait. Globalement tous ceux des regroupements des diurnes n'en sont pas très loin. Ainsi que les Pharmacos.
Je trottine pour parvenir à notre but plus vite, les plaintes que les soubresauts arrachent à Jun sont à deux doigts de me faire renoncer, sauf que le temps presse. Nous sommes vulnérables ici, ce n'est pas la Plaque, mais beaucoup de gens alcoolisés et drogués errent dans les rues après avoir assisté à un procès chez les Justes. Ils ont le sang chauffé par la violence et il ne faudrait pas qu'ils déversent leur surplus sur nous.
Nous croisons de plus en plus de monde et mon cœur semble hurler ma peur en battant furieusement contre ma cage thoracique. C'est la première fois que je risque ma vie pour quelqu'un, que je m'expose. J'ai une envie impérieuse d'un rail pour faire taire toutes ses émotions avec lesquelles j'ai perdu l'habitude de composer.
Anesthésier ma peur était devenu un réflexe et je ne sais plus la gérer.
Je continue à une allure soutenue, je vois les regards que les autres me jettent. Il y a des bars non claniques dans le coin, malgré tout, des flaques éparses, de lumière noire nimbe le décor d'un violet sinistre. Et je réalise qu'après avoir nettoyé Jun, nous ne lui avons pas mis de crème. Merde !
Cette révélation manque me faire stopper, je suis trop loin pour faire marche arrière. Plus d'une demi-heure que j'avance et il en reste presque autant. Je dois croiser les doigts pour qu'à l'intérieur de chez les Pharmacos aucune lumière ne luise. Mon dos me fait souffrir, je ne suis pas certain que j'aurais la force de rebrousser chemin pour tout recommencer, j'espère vraiment que ma stupidité ne nous condamnera pas.
J'évite quand je peux de passer dans les parties éclairées de lumière noire pour empêcher que des gens aperçoivent les tatouages de Jun ou les miens s'ils sont mal protégés.
Si je survis et que Kale apprend mon manque de rigueur, il va être furax. S'il m'engueule, c'est que j'ai surmonté cette situation merdique, donc ce sera un mal pour un bien.
Je ne mollis pas, même si mon corps commence à me lancer des dizaines de signaux pour m'avertir que je flirte avec mes limites. Mais hors de question de me montrer faible ici, ce serait la fin.
La chance étant de mon côté, j'arrive sans encombre sur la place où se côtoient certains des QG les plus connus. Le lieu était pavé avant, il reste quelques-uns des cailloux à droite à gauche. Ils sont gris, sales, mais j'imagine qu'ils ne l'ont pas toujours été ou alors ce lieu était déjà lugubre avant ce monde chaotique.
Le sol est inégal, mes cuisses me brûlent de soulever autant de poids, mais j'y suis presque. L'immense tour – grise pour les parties visibles – presque entièrement en verre est recouverte de bois, de tôles et tout autre matériau capable d'obstruer les entrées. Sur certains des panneaux, le serpent des Pharmacos est représenté. De toutes les couleurs et de différentes tailles, il me toise, je me sens ridiculement petit. Il n'y a personne aux abords du QG, j'espère que c'est bon signe.
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Au-delà de l'encre
Science FictionDans la Zone, il n'y a qu'un moyen de survivre, rejoindre un clan et arborer sa marque. Au sein de cette micro-société coupée du reste du monde, la vie est dure et les ressources sont rares, sauf peut-être la drogue. Après des années à n'être qu'une...