Chapitre cinq : Kale

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Le monde tangue autour de moi alors que j'essaie de rejoindre la sortie.

— Dors ici, tu vas pas rentrer chez toi dans cet état, me retient Tade.

— Non, ça ira.

— Soit pas stupide gamin, si des mecs t'agressent t'es pas en état de te défendre là.

— Si, si... je peux me défendre, répliqué-je, l'articulation hésitante.

Je me retrouve violemment plaqué contre la porte, le bras droit coincé dans le dos, sans comprendre comment. Je tente de me servir du gauche pour me dégager, mais Tade l'immobilise aussi.

— Tu vois, il me faudrait pas grand-chose de plus pour te prendre le cul, si je voulais. Personne n'est invincible, arrête d'être trop sûr de toi, gamin.

— Putain, lâche-moi, vieux con. J'ai compris ! hurlé-je.

— Tu ne comprends jamais rien, conclut de mauvaise grâce Tade en me relâchant.

Je refoule ma colère envers moi-même et celle contre mon mentor et retourne sur le canapé en baissant les yeux, alors que Tade a déjà quitté la pièce pour rejoindre sa chambre.

Le levé est difficile. Je n'ai même pas l'impression d'avoir vraiment dormi.

— C'est dix heures, gamin, j'ai préparé des œufs et y'a du pain frais, viens te nourrir ça te fera du bien.

Je suis fatigué, mais heureusement, je ne me sens pas vaseux avec tout ce que j'ai bu cette nuit. Je m'installe de mauvaise grâce à table et mange. Mes premières bouchées se font avec précaution, de peur de ne pas être aussi en forme que je le crois, mais une fois rassuré j'attaque le repas chaud avec appétit.

— Merci pour le petit-déj.

— Tu peux déjà me remercier pour la douche aussi. Si j'ai tout compris hier soir, tu dois aller t'entraîner avec Mina.

— Oui, à onze heures.

— Dépêche-toi, tu sais où sont mes fringues, sers-toi.

— Merci.

Malgré le peu de temps dont je dispose, je ne suis pas bien vif quand je me rends à la salle de douche. J'espère que l'eau aura des vertus énergisantes, car je traîne une flemme monumentale.

J'ai à peine le temps d'avoir les cheveux humides que Tade entre dans la pièce.

— Au fait, ce soir on aimerait que tu ailles faire un tour près du bar des Oubliés. Y'a eu pas mal de plaintes de putes, comme quoi elles se faisaient assez malmener.

— Elles ont des soucis à l'extérieur ? m'étonné-je.

— Non à l'intérieur et leur boss n'agit pas. Il a peur de tendre ses membres en les bousculant.

— Mais je ne pourrais pas dissimuler mon visage là-bas, je ne suis pas sûr de comprendre.

— Sois malin, passe pour un client lambda et essaie d'être au bon endroit au bon moment. Et trouve un moyen pour que ton corps ne semble pas si suspicieux.

— Ouais, ça j'y travaille avec Vince.

— Ah, Vince...

— C'est bon, Tade, hein, tu vas encore me dire que tu lui fais pas confiance, que les Encreurs sont partout et qu'on sait rien d'eux ! Et j'ai pas envie de l'entendre. Je ferais ce qu'il faut, mais j'espère que les putes nous ont pas tendu un piège.

— Qui est suspicieux, maintenant, gamin ? se moque Tade en quittant la pièce.

Je rumine ma mission du soir même sur le chemin du dernier étage où m'attend Mina.

Au-delà de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant