Chapitre trente : Tom

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L'atmosphère est fraîche, il a plu cette nuit, je ne suis pas fâché de prendre un peu l'air. L'antre de Kale me paraissait de plus en plus étroit pour nous trois.

Jun avance d'un bon rythme. Il avait raison, impossible de soupçonner quoi que ce soit. Il est en tee-shirt blanc et son assurance m'impressionne.

Il n'y a pas de gel chez Kale, alors il a coiffé ses cheveux avec une ficelle en les rassemblant dans une petite couette sur le haut de son crâne. Il est mieux comme ça.

Du moins à mon goût. Pas parce qu'il est plus beau, mais parce que cette énorme masse qui semble tenir comme par magie au-dessus de sa tête m'a crispé lors de notre première rencontre. C'est idiot, mais j'en ai fait une fixation.

Il a tenu à prendre un sac à dos aussi, mais c'est moi qui porterais le plus lourd. Je ne toucherais à rien, il remplira nos sacs, bref tout est prévu au millimètre. Nous avons caché les bandages de mes bras sous ma veste en jean, même si elle ne dissimule que partiellement mes mains enrubannées. Aucune raison que ça tourne de travers, donc je profite de l'instant. Il n'y a pas à dire, c'est plus agréable de passer du temps avec Jun quand je ne dois pas traverser la moitié de la Zone en le portant.

— Il faudrait dire à Kale d'abandonner son idée de barbe, déclare Jun avec amusement.

— Je n'ai pas osé. Je pense qu'il en a conscience de toute façon. Mais il m'a soutenu que ça allait pousser, mais que ce serait long.

— L'espoir fait vivre. Moi je me suis fait une raison, j'ai pratiquement pas un poil et quand certains décident de se montrer, ils prennent leur temps.

Je ricane et coule un regard à mon acolyte. Depuis que j'ai appris qu'il a trente-deux ans, j'ai dû mal à le réaliser et je cherche des signes de son âge sur son physique. Sauf que rien ne le trahit. Je m'étais déjà aperçu que les gens avec les yeux bridés semblaient toujours un peu plus jeunes. Cette réflexion m'en fait remonter une autre et je demande :

— Dis Jun, tu sais ce que c'est au juste un Asiatique ?

— Quelle drôle de question. Pourquoi ?

— J'ai déjà entendu le mot et la Pharmaco t'a appelé comme ça.

— Vu tes yeux à mon avis tu l'es en partie aussi. C'est bizarre que tu te poses la question que maintenant.

— Ils ont quoi mes yeux ?

— Il sont entre ronds et bridés, mais c'est joli, c'est ce qui te rend attrayant, si tu veux mon avis.

— C'était pas vraiment sur ça que portait la question, soupiré-je.

— De ce que j'en sais, mais c'est à croire avec précautions, c'est comme pour les mecs noirs de la Zone. Nos ancêtres viendraient d'une partie du monde où il y a certaines caractéristiques physiques. Et « asiatique », c'est le nom qu'on donne aux gens de là-bas. Bref, j'ai les yeux bridés et Kale a trois poils de cul au menton, chacun sa distinction, s'amuse-t-il.

— Un rien te fait rire.

— Il faut bien que je m'occupe. Pas de baise, pas d'alcool. Proposer une touze à Kale c'est même pas la peine. Il avait rien à picoler, même si on va y remédier et j'ai besoin de distraire mon cerveau.

— Kale, le sexe ça n'a pas l'air d'être son truc... S'amuser non plus de toute façon, dis-je sans camoufler complètement ma déception.

— Certes, Kale n'est pas trop porté sur le cul, mais c'est juste parce qu'il a mal vécu d'être un gigolo. C'est le seul parmi nous à avoir la clef et à ne jamais s'en servir. Du moins, il l'affiche, mais il baise pas en mission. Il fait tout pour l'éviter, ça en dit long sur ce qui le bouffe.

Au-delà de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant