Je n'ai pas pu accompagner Kale pour la fin de cette histoire avec les Oubliés, pour des raisons de sécurité évidentes et aussi parce que Tade a considéré qu'il pouvait gérer. Mais je ne suis pas tranquille.
J'ai donné toutes les infos que j'avais sur le chef de mon ancien clan, si tant est qu'il n'ait pas changé entre-temps. Il va avoir énormément de mal à l'approcher et encore plus seul. Il va devoir se battre et j'ai peur que l'issue ne soit pas à son avantage.
Quant à moi, je suis en planque près du QG des Pharmacos. Il paraît que plusieurs personnes se sont fait dépouiller en s'y rendant. Ce qui a mon avis n'a rien d'étonnant ni d'inhabituel. Les gens qui y vont sont vulnérables et ont du cash, c'est la façon la moins risquée de voler de l'argent. Mais j'obéis. Après tout, j'aurais été bien emmerdé si c'était moi transportant Jun qui avait eu des problèmes. Tade a qualifié ma mission de « rappel à l'ordre ».
Je ne tarde pas à repérer le petit groupe de trois qui suit deux personnes dont l'une boite salement. Ils les hèlent et les harcèlent, puis viennent les menaces.
Devant les fait, je ne suis pas serein face à trois adversaires, je ne suis pas Kale. Néanmoins, j'enfonce ma cagoule sur la tête et vais à leur rencontre, alors qu'ils ont déjà les billets des victimes en main.
Je ne cherche pas à faire dans la dentelle. À peine arrivé, je frappe fort l'un derrière la nuque et je colle une droite à celui d'à côté. Heureusement, le premier c'est effondré et le second s'éclaircit les idées pendant que le troisième me charge. J'évite avec dextérité ses attaques maladroites. Il est jeune, ils le sont tous les trois, la quinzaine tout au plus.
Je viens vite à bouts d'eux sans m'en manger une. Ils ont été trop surpris et vraiment pas préparés à recevoir de la résistance. Les deux victimes ne me remercient même pas, elles ramassent leur argent et se précipitent – autant qu'elles peuvent – vers l'immeuble qui arbore l'emblème du serpent. Je ne m'en formalise pas et vide les poches de mes proies. Il n'y a pas grand-chose. L'un d'eux tente de m'empêcher d'extirper le blé de son pantalon. Mais je m'en contre fou. Je lui colle un coup de coude au visage et sors enfin mon dû.
Une fois tout bien empoché, je les toise.
— C'était votre seul et dernier avertissement. Les gens doivent pouvoir se rendre chez les Pharmacos en paix. Vous nuisez à leur commerce et ce n'est pas toléré. La prochaine fois, je vous tuerai.
— On est déjà mort, déclare l'un d'eux les dents serrées.
Sans répondre, je les laisse sur l'asphalte défoncé. C'est la dure loi de la Zone, survivre ou crever. J'ai conscience de leur avoir retiré leur seul gagne-pain. J'espère qu'ils ne me forceront pas à venir les tuer. Buter des gosses de sang-froid ne me met pas forcément dans de bonnes dispositions et me travaillerait une paire de jours. Au moins. Et je n'ai pas envie d'avoir un poids sur la conscience, même pas une minute.
Je n'ai plus qu'à me rendre au QG faire mon rapport et profiter du reste de ma nuit. Facile.
Après avoir vu Tade, j'aurais pu rentrer chez moi et vider mon stock d'alcool. C'était mon but au départ, mais en revenant du QG, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Kale. Comme il n'était pas très tard, j'ai décidé d'aller à mon bar préféré en espérant le voir arriver et m'expliquer que tout s'est bien passé. Même s'il y a très peu de chance qu'il me cherche et encore moins ici, mais être seul chez moi à ressasser ne me rendait pas jouasse.
Verre sur verre, je tiens le comptoir, la musique ne m'a pas atteint et j'ai fini par arrêter de prêter attention aux vas-et-viens. L'angoisse me ronge, j'ai envie d'aller chez lui pour voir si tout va bien. Sauf qu'il trouverait ma présence conne. C'est moi qui lui ai fait tout un discours sur chacun sa merde et je débarquerais sans y avoir été invité, alors que nous devons nous retrouver demain après-midi pour mon entraînement.
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Au-delà de l'encre
Science FictionDans la Zone, il n'y a qu'un moyen de survivre, rejoindre un clan et arborer sa marque. Au sein de cette micro-société coupée du reste du monde, la vie est dure et les ressources sont rares, sauf peut-être la drogue. Après des années à n'être qu'une...