Chapitre trente-neuf : Kale

136 28 36
                                    

Je frotte allègrement ma peau sous l'eau chaude et ce n'est pas que pour enlever la crème, c'est pour oublier tous ceux que j'ai laissés me tripoter. Vivement que nous soyons en mouvement.

Jun semble en bonne voie. Il a fait des avances aux mecs, l'un des deux lui a dit « peut-être une prochaine fois ». Jun ne va pas le lâcher jusqu'à ce que cette fameuse fois arrive. Il parvient toujours à ses fins. Ce qui me chiffonne le plus, c'est que le troisième larron ne s'est pas pointé. Il était peut-être à l'Oublie pour prendre plus de cash ou négocier. Si c'est la première option, la somme engagée est démente ce qui montrerait que le coup qu'ils tentent est énorme et mettrait en péril tout l'équilibre de la Zone. Autant dire que si je me plante à empêcher un bouleversement pareil, je suis un homme mort. Jun et Tom aussi au passage. Nous n'avons peut-être pas le temps que le mec ait envie de se vider les couilles avec mon ami.

Je nous laisse un soir d'observation supplémentaire et sinon tant pis, nous entrerons dans le tas. Nous les choperons à l'écart, nous les tabasserons jusqu'à ce qu'ils crachent leur plan et nous aviserons. Peut-être que j'en tuerai un pour l'exemple. Ils sont trois, l'acte rendrait les deux autres plus dociles. Le tout est de savoir si nous parviendrons à les coincer les trois ensembles ou non. Demain, il me faudra en discuter avec Jun avant d'y aller.

Le Hangar est plus bondé que d'habitude, repérer les gens va être compliqué. Toutefois, je reste à l'affut, abandonnant mon corps à la musique. Mes acolytes ne sont pas là et j'essaie de ne pas y prêter attention.

Ils sont certainement en train de s'envoyer en l'air. Jun transmet mes ordres à Tom et lui refait le cul à l'occasion. Autant joindre l'utile à la crédibilité. J'imagine... Et je ne peux pas m'empêcher d'y penser.

Déjà que je suis de mauvais poil d'avoir vu que le groupe des Mélos a Mina comme batteuse, je me crispe davantage. Il ne m'en faudrait pas beaucoup plus pour perdre mon sang-froid.

Je déteste ne rien contrôler. Et rien ne va ! Les types ne sont pas encore là, Mina va peut-être répéter tout ce qu'elle voit à je ne sais qui et je suis contrarié par le fait que Jun arrive à avoir Tom. Même si je me martèle le crâne que ce point ne me regarde pas.

Je sue à grosse goutte, je n'avais pas pensé que la barbe serait si gênante dans ces moments-là. L'eau va s'y perdre et elle me fait crever de chaud. Ce serait une solution hivernale, il va falloir que j'y réfléchisse. Je tourne un peu pour englober une partie de la pièce qui était dans mon angle mort. Et sans surprise, je note que Mina scrute chacun de mes gestes. C'est d'ailleurs en la regardant que je comprends que Jun et Tom sont revenus.

Je continue à bouger en rythme quand Tom et sa senteur romarin m'abordent un verre à la main. Il boit à grandes gorgées, il a les joues légèrement rouges et les yeux de quelqu'un qui vient de prendre son pied.

Il entreprend de me chauffer et se penche contre moi.

— Les mecs sont dehors avec deux autres.

— Tous les trois ?

— Ouais. On fait quoi ?

— On ne va pas très loin en faisant semblant de baiser et on suit les trois. Jun reste là, au cas où certains viennent ici, comme prévu. Il ne doit pas prendre de risque.

Tom dépose son gobelet vide sur une bobine où des types sont en train de manger. Ils lui jettent un regard de travers, mais mon apprenti n'en a rien à faire. Il m'entraîne dehors comme s'il était pressé de me fourrer.

Une fois à l'extérieur, il m'indique où sont les autres d'un léger signe de tête. Si nous avons une opportunité pour leur tomber dessus, il nous faut récupérer nos cagoules avant. Et un tee-shirt pour moi. Pour Tom aussi, pour ne pas que le sien soit reconnu. Nous en avons caché quatre avec Jun en arrivant, dans un caniveau au niveau d'une inflexion du sentier, sous de l'herbe folle jaunie par le soleil.

Au-delà de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant