Chapitre quarante-sept : Kale

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Notre course est effrénée. Des hommes nous poursuivent, mais ils sont loin. Nous nous payons même le luxe de nous arrêter pour évaluer la distance qui nous sépare d'eux quand nous arrivons enfin dans une rue.

— On peut les semer rapidement, dis-je. Suis-moi.

Et nous repartons à un rythme soutenu. Je prends énormément de détours. Pour éviter tout problème, je prends même la peine d'aller dans les égouts, pour réapparaître bien plus loin dans la ville à l'opposé de là où nous sommes partis.

Je suis épuisé et l'adrénaline m'a déserté. Je n'arrive pas à croire que le plan ait fonctionné. J'espère simplement que Jun parviendra à quitter les lieux sans souci et ce sera un réel succès.

Après tout ça, je nous conduis jusqu'à mon appartement. Tom pourrait rentrer chez lui, mais je ne le lui ai pas proposé et il ne semble pas en avoir envie. De toute façon, il va nous falloir débriefer.

Dans le loft tout est calme et une fois que tout est verrouillé, je peux enfin relâcher la pression.

— On a mis trois heures pour revenir, déclare Tom qui se déshabille déjà.

— Il faut toujours être prudent.

— Ce n'était pas une critique, mais je suis épuisé. Je te laisse te laver en premier.

Il est en train de remplir mon bac d'eau. Avant d'y ajouter son pantalon, il en extirpe un beau paquet de billets.

— La pute était riche, lui dis-je.

— C'était Jun, c'est lui qui m'a aidé finalement. Je n'ai pas trouvé de partenaire qui convenait.

Un point supplémentaire pour que je m'inquiète du sort de notre ami, mais ça ne servirait à rien d'en parler. J'espère seulement avoir rapidement de ses nouvelles. Je sors mon fric, ajoute mes fringues dans le tas à laver et file sous la douche.

J'essaie de ne pas regarder Tom qui s'affaire à frotter le linge. Mais mes pensées sont indéniablement attirées par lui.

Nous avons survécu et du coup, je ne sais plus comment agir suite à notre égarement. Je tente de ne pas trop y penser pour éviter une réaction visible. Peut-être que si nous n'en reparlons plus jamais, nous nous épargnerions des moments gênants. Il ne faut pas que ça se reproduise. Je me sens étrange depuis et je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose.

De toute façon, j'ai déjà vu des kilomètres de bites, la sienne ne devrait même pas m'intéresser. Le sexe rend accro, il suffit de voir Jun. En plus, il nous distrairait.

Ouais, vraiment une idée de merde.

Tom a été curieux et maintenant que sa curiosité est contentée, il ne devrait plus m'embrasser.

Je frotte avec vigueur le reste de crème sur mon corps, tout en évitant de grimacer quand le liquide frappe l'entaille que je me suis faite à l'épaule. L'eau se teinte de rose. Heureusement, mon bras est complètement fonctionnel, c'est superficiel et peu cher payé quand on voit le bourbier dans lequel nous nous sommes jetés. Je n'ai récolté que quelques bleus mineurs de certains coups que j'ai dû encaisser. Un bilan positif de cette sortie, si on met de côté que nous n'avons pas de nouvelle de Jun et que Tom m'a désobéi.

Je quitte enfin la cabine sous l'œil de mon élève.

— Il va falloir te recoudre.

— Avant lave-toi, je vais préparer ce qu'il faut et comme ça on aura une petite discussion.

Tom ne semble pas effrayé par ma dernière remarque, il m'a lancé un petit sourire espiègle. Il est serein et prêt à assumer ses actes, comme souvent.

Il ne tarde pas sous la douche, il faut dire qu'il a nettement moins d'endroits que moi à nettoyer. Il se couvre à peine avant de me retrouver dans le coin cuisine.

J'attends les dents serrées qu'il ait fini de désinfecter avant de lui donner le fond de ma pensée.

— Tu m'a désobéi, je t'avais dit de partir. Tu ne devais même pas me rejoindre.

— Et ? On avait plus de chance à deux.

— Parce que personne ne s'est ramené. Tu as misé ta décision sur du hasard.

— Non, personne ne pouvait descendre et les dealers présents dans cette pièce n'avaient pas envie de mourir.

— Je ne veux... Aïe ! Pas que ça se reproduise. Tu m'as compris ?

Tom ne répond pas, il continue sa couture. Je n'ose pas insister, justement parce qu'il est en train de passer une aiguille dans ma peau et qu'il n'a pas des gestes très assurés.

— Je ferais des efforts, finit-il par déclarer.

Il me défit quelques secondes du regard avant de les reposer sur son travail.

J'ai mal, mais j'ai vite chaud à cause des images que la situation me renvoie.

— Je pensais que tu voulais qu'on parle de ce qui s'est passé avant qu'on aille tuer l'autre, déclare-t-il d'une voix blanche que je ne lui connaissais pas.

— Tu voulais que je te dise quoi ?

Tom se contente de hausser les épaules. Sauf que le fait qu'il m'en parle m'incite à vouloir en savoir plus, mais je ne sais pas quoi dire.

Au-delà de l'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant