XXV. Le Plan

40 3 24
                                    

La musique tonne au-dessus de moi et j'essaie tant bien que mal de trouver le sommeil. Dans mon esprit se bousculent pensées et souvenirs, mémoire de cette soirée si étrange où m'a rejointe mon ancienne amie. Certains détails disparaissent, spectre de fumée au-dessus des eaux, et malgré mes tentatives de graver ces images dans mon esprit, je ne retiens d'elles que leur souffle chaud sur ma peau.
En revanche, le Crochet ensanglanté du Capitaine revient se cogner à moi chaque fois que j'ose clore les paupières. La goutte pourpre qui s'est écrasée sur le sol appartenait, je le sais, au pauvre Mouche, que j'ai aperçu ensuite recroquevillé dans un coin. Mort ? Peut-on seulement mourir dans ce pays ?

Plus rien n'a de sens, sauf la nécessité de quitter le navire. Si le songe de m'enfuir au large, aux côtés de ces corsaires, entre vents d'Est et tempêtes, rhum et chant de la mer, m'avait traversé l'âme, je sais à présent la cruauté du pirate et ne souhaite jamais m'y attacher. Qu'importe la fuite de la liberté, qu'importe les chaînes autour de mes pieds entravés, qu'importe la douleur et la soif, car je sais que ma cause est bonne.

Soudain s'agite mon ami à côté de moi. Les signes de vie qu'il donne, froufrou du tissu dans la nuit, grognements sonores que je manque presque de vénérer, respiration forte, me font tressaillir de joie. Je pose ma main sur son épaule pour lui indiquer ma présence, mon amitié, et tout mon espoir. C'est ainsi qu'il ouvre les yeux, deux étoiles qui illuminent immédiatement la cale, et je ne peux contenir ma joie.

- Où ? Que se passe-t-il ?

Je murmure alors du ton le plus calme possible, malgré mon coeur qui s'emballe et mes mains qui s'agitent, fébriles, sur ses tempes, les informations nécessaires. Ses iris brillent un peu plus à chaque mot mais je ne sais si c'est la peur ou l'horreur qui les animent ainsi.
- Que va-t-on faire ? souffle-t-il d'un ton désespéré.

Je tente de le rassurer comme je peux, des mots vides et creux certainement. Je résume les quelques événements de la soirée, qu'il écoute patiemment, ne m'interrompant que pour me poser quelques questions.

- Donc nous sommes en route...

J'acquiesce et le silence retombe, pesant, plus pesant que tout le plomb de l'univers, sur nos épaules frêles qui s'échinent à nous garder debout.

- Mais j'ai un semblant de plan...

- Comment ça ?

- Mon...père était fan, absolument fan de bateaux. Enfin, il l'est toujours mais on s'en fiche. Donc j'ai beaucoup appris de lui, et connais la plupart des plans des bateaux. Je sais par exemple qu'on se trouve sur un trois-mâts carré, que probablement à côté de nous se tient le four à pain et juste en-dessus de nos têtes, nous avons la cabine des officiers, au même niveau que celle de l'équipage et que la cabine du commandant.

- Pas besoin de me refaire le cours, je te crois, m'interrompt mon ami avec une grimace de douleur.

- Je sais où on a caché Clochette, et je connais le navire : tu me suis ? Il va falloir qu'on coopère et que tu m'obéisses.

Dans la pénombre, les traits crispés du grand blond dessine un masque terrifiant sur son visage, blanchâtre et abimé. Un résidu de sang marque encore sa joue droite, et complète le tableau terrible qui s'étale devant moi. Je parviens à continuer, faisant mine de rien,

- Si nous récupérons Clochette, nous avons de la poussière de fée. Si nous avons de la poussière de fée, nous volons. Nous pouvons rejoindre Peter et avertir l'Île de l'attaque qui se profile !

- L'attaque ? intervient Viktor en se massant les tempes.
- Pas le temps, je t'expliquerai en route ! T'arrives à défaire mes liens ?

Il s'exécute lentement et je remarque une apathie étrange de sa part. Je suis soulagée de le voir en vie mais devine déjà que les séquelles se feront sentir. Libérés de nos entraves, nous passons à la deuxième phase de mon plan. Derrière les tonneaux, j'ai remarqué une fissure large dans les planches, qui laisse passer parfois une raie de lumière, plus vive que celle que cachent les planches des fûts. Derrière, je le sais, la cambuse ; sur mes lèvres se posent la douce odeur des vivres qui s'y cachent. En déplaçant quelques barriques, nous parviendrons à élargir ce trou et à nous y faufiler : le reste sera seulement une histoire de discrétion et d'habilité. Deux qualités que je ne possède bien sûr aucunement.

Je m'engouffre entre les tonneaux, et une crise de claustrophobie jusqu'ici contenue m'envahit peu à peu : je dois me hâter si je ne veux pas m'écrouler. Arrivée devant la fissure, j'y insère mon pied et, avec un système de levier, parvient à écarter une planche de notre chemin : cela suffira à nous permettre de quitter la cale. Derrière moi retentit la respiration lourde de Viktor et ce son m'apaise presque alors que j'entre dans la lumière. Nous voilà entourés de sacs de riz et de farines, de sucre et de viandes mise là à sécher. Je lance un regard à mon ami, qui acquiesce, comprenant ce que j'ai en tête. Nous emplissons nos poches d'autant de victuailles possible. Il me reste encore les morceaux de festin de mon dîner avec Crochet, que nous n'avons pas eu le temps de déguster. 


- Ça sera pour la route ! On ne sait pas combien de temps ça va nous prendre, se justifie Viktor en engouffrant un quignon de pain entier dans sa bouche. 

Si je n'étais pas aussi angoissée, j'aurais probablement ri aux éclats de le voir ainsi s'étouffer avec la mie sèche, mais je ne laisse qu'un sourire s'effacer sur mon visage. 

En le voyant s'accrocher aux étagères pour ne pas tomber, je sens une vague glaciale m'envahir et finit par me demander si nous parviendrons à nous échapper.


Je fais une petite pause dans mes révisions (Pétrarque me fait suer aujourd'hui) pour vous faire ce petit mot et publier ce chapitre, qui j'espère vous a plu !

J'ai fait une petite pause dans l'écriture de cette histoire, car Klara a toujours eu de la peine à terminer, et à dire au revoir à ses personnages, mais la publication continuera à rythme régulier (j'ai beaucoup, beaucoup d'avance pour une fois).

Je vous souhaite plein de courage pour cette période difficile, en espérant que vous et vos proches vous portez bien. Je sais, on se répète mais c'est tellement important que vous preniez soin de vous et de votre entourage, portez vos masques, éloignez-vous, et prenez du temps pour vous. Si vous vous ennuyez, j'ai des petites listes de lectures qui pourraient vous occuper à coup d'oeuvres wattpadiennes fantastiques ! C'est sous « Pépites » !

et n'hésitez pas, mes DMs, ma section commentaires et mon compte instagram sont toujours ouverts si vous avez besoin de vous lâcher un peu


gros bisous à vous et à très vite !

Jamais demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant