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Quand je sors de sa tente, le ciel a revêtu une robe rose aux reflets mordorés. Quelques étoiles déjà éclairent la nuit prochaine, d'un éclat vif et je m'étonne de les voir si tôt. L'une d'elle est-elle mon ancien monde ? Est-il encore minuit là-bas ?

Je secoue la tête vivement, pour chasser ces pensées de ma tête : tout cela n'a plus aucune importance maintenant que je suis ici.

Lily m'a rapidement expliqué le déroulement de la soirée, alors qu'elle fignolait mon maquillage et qu'elle parait mes cheveux de fleurs argentées, provenant de la plus haute montagne de l'île. D'abord, je serai présentée, et le sage m'octroiera un nom, en fonction des récits que Lily a fait de moi. Je pourrai refuser ce nom, si ce dernier ne me convient pas. En revanche, si je l'accepte, il restera mon patronyme pour toute ma vie.

Elle n'a pas voulu me raconter d'où venait le sien, souhaitant garder quelques mystères pour la suite de nos aventures. Alors qu'elle a prononcé ces mots, ponctués du clin d'oeil habituel, mon coeur a amorcé une douce descente aux enfers en réalisant qu'elle souhaitait passer du temps avec moi. Si j'adore sa compagnie, je réalise lentement l'emprise vénéneuse de sa personne sur la mienne, de l'odeur de ses cheveux, de la caresse de sa peau, du chant de sa voix. L'envoutement est pareil à celui du Sumac, vif et à la fois profond, mais à celui-ci, je me laisse volontiers m'abîmer.

Elle m'amène à ce qu'elle nomme la "Grande Salle", qu'elle me désigne comme étant l'endroit privilégié des réunions, des conseils et des présentations. C'est cette fois un bâtiment de bois, pourvu de grandes ouvertures sur les côtés. Quand nous y pénétrons, je suis surprise par la simplicité du décors, dont les poutres seulement expriment l'importance. Quelques visages y sont sculptés, mais dans l'obscurité du soir, je ne peux en reconnaitre les traits. Le sol est froid sous mes pieds nus mais je ne vacille pas et me tiens droite devant le père de Lily et l'étrange homme à ses côtés. Ce dernier ne porte aucun signe distinctif, hormis ses cheveux noirs détachés. Son visage, comme le mien à présent, porte les marques des pinceaux, et arbore la silhouette de ce qui se rapproche le plus d'un ours. Je ne comprends pas encore cette culture si étrangère à la mienne mais je ne peux que me réjouir d'y entrer, me rapprocher un peu plus de ma nouvelle amie.

Les deux hommes en face de moi inclinent la tête, en guise de salutation, et je les imite. Je sens la présence de Lily juste derrière moi et cela me rassure.

- Comme chacun des visiteurs, commence le chef, tu te dois d'avoir un nom qui permette de te reconnaitre, parmi nous.

Je hoche de la tête, car j'ai déjà entendu ces paroles de la bouche de ma protectrice.

- Tu n'as pas passé beaucoup de temps ici mais ma fille a ressenti quelque chose de spécial à propos de toi. Selon elle, tu es différente des autres visiteurs.

Je fronce les sourcils, car je ne comprends pas ce qu'il veut dire par là.

- Je me fie à son jugement, mais souhaite entendre son témoignage, afin de décider avec Ilin quel nom te correspondra le mieux. Je te prierai donc de sortir pour nous laisser seuls.

Sans un mot, je recule jusqu'au pan de tissu, que je soulève avant de retrouver les nuances d'or du soir. Devant moi, je remarque le poteau auquel était attaché Peter mais sans trace du garçon. J'imagine alors sa fuite et frémis d'être tenue responsable mais je l'aperçois rapidement en train d'aider d'autres hommes et femmes à porter du bois, et à en faire un tas un peu plus loin, plus proche des falaises et moins du campement.
Sa mine renfrognée me fait sourire et je ne peux m'empêcher de l'interpeller en criant son nom. Il lance les bûches qu'il avait dans les bras et vole jusqu'à moi en gardant un visage fermé.

- Alors, comme ça tu es présentée... Tu verras, ils te trouveront un surnom aussi ridicule que le mien, boude-t-il.

- Difficile à faire, ça, je ris pour essayer de détendre l'atmosphère. 

Mes efforts portent leurs fruits car, en m'assenant une petite claque sur l'omoplate, il laisse un sourire éclairer son visage. 

- Je suis contente qu'ils t'intègrent aussi bien. Ça n'a pas été le cas avec tous les autres...

- D'où la querelle entre eux et les Garçons Perdus ? je demande.

- Oh non ! Ça, c'est simplement une bataille d'enfants, pour passer le temps et s'amuser ! La vrai querelle, c'est les habitants de l'île contre les pirates. 

Un blanc s'installe alors que nous observons les derniers rayons du soleil peindre le camp de rose, profitant de la chaleur de la lumière sur nos peaux. La douceur du soir s'attarde sur mes bras nus, qui frissonnent de contentement et mon regard s'attarde sur les cheveux de Peter, dont l'éclat rehausse un peu plus la couleur. Il attrape mes yeux des siens, et fait la moue :

- Bon, j'ai du travail, moi. Je ne me laisse pas aller, moi.

Je lui tire la langue alors qu'il s'éloigne en riant, dansant dans les airs comme un enfant, aux airs étrangement adultes.

Jamais demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant