Je reste avec Viktor, qui arrache rageusement les brins d'herbes autour de lui et les jette au loin.- Tu sais, les séquelles partent normalement dans les trois mois, je me lance. T'es pas assez resté inconscient pour que cela reste grave comme ça.
- Merci Docteur, mais on est où ? Trois mois, ça veut rien dire, ici, répond-il avec un rire jaune qui me brise le coeur.
Je me hais de le conseiller ainsi alors que je m'en suis sortie presque sans égratignures. Par réflexe, j'attrape un fil qui s'est détaché de mon bandage et le triture nerveusement.
Mon ami se tourne lentement vers moi, et me regarde longuement. Dans ses yeux gris s'impriment le ciel de ce matin sinistre.
- Si je combats pas, quelqu'un doit veiller sur les petits.
- Je le sais bien, je réponds.
- Peter ne le fera pas. C'est comme s'il ne croyait pas à la mort. Pendant les combats, pas les jeux, les combats, nous devenons adultes. Trop adultes, il soupire en fixant toujours mon visage.
Je hoche la tête pour lui faire signe que j'ai compris.
- J'ai pas pu récupérer ton épée, mais prends la mienne. Je l'ai volée aux Pirates la première fois qu'on les a repoussé. C'est mon premier meurtre. Je la garde en souvenir, pour me rappeler que ma jeunesse a un prix.
Il la dégage alors du fourreau qui reposait jusque là dans la terre.
- La lame est bonne, l'équilibre douteux mais je suppose que cela ne fait pas de différence pour toi.
- Je suis tellement désolée, je lance.
Mes yeux sont embués et ma gorge se serre. Si je n'avais pas été si empotée, peut-être aurions-nous réussi à échapper plus vite, peut-être n'aurait-il jamais perdu conscience.
- Désolée de quoi ? Tu m'as sauvée. Tu as prouvé mille fois ta valeur sur le navire, me sourit-il calmement. Et puis, tu as aussi résisté aux Sirènes, donc je te crois digne de faire partie de notre troupe !
Ces mots, pourtant si futiles en ces instants de noirceur et de peur, réchauffent mon coeur las et je me retiens de le prendre dans les bras. Il perçoit cette soudaine envie et d'un gloussement, m'arrête :
- Pas de câlins, pas envie d'être trop gnangnan.
Je sanglote un petit rire et nous nous taisons, appréciant pendant quelques instants encore la beauté du soleil au-dessus des brumes matinales, l'or qui se déverse lentement sur nos visages striés de larmes.
A cet instant, le vieil arbre pousse un grondement du fond de ses racines et crache alors une myriades d'enfants, habillés de peaux d'animaux, brandissant de petits poignards, des gourdins informes, des peluches vieilles comme ce monde, et, en fin de file, Peter les pousse en avant. Il s'élève de quelques pouces dans l'air et de sa gorge jaillit son célèbre cri de guerre. Ce dernier fait trembler mon coeur, et je me lève.
- Prête, Claire ? demande-t-il d'un air joyeux.
Je suis étonnée de ce ton désinvolte, alors que nous venons de nous disputer.
Je hoche la tête, et il répond :
- Parfait ! Puisque Vik peut pas venir, tu occuperas sa place de second ! Approche !
Je m'exécute, non sans lancer un regard effrayé à Viktor, qui m'encourage d'un geste de la tête.
- Voici le chapeau qu'on a volé à Crochet et qui serre de coiffe au second ! Puisse-t-il protéger ta jolie frimousse des coups de ces vilains pirates !
Son cri d'oiseau moqueur retentit une nouvelle fois, aussitôt imité par les enfants.
- A ton tour ! s'écrie-t-il et je m'efforce de détendre ma gorge pour chanter.
J'imite les quelques notes, en forçant mes traits à afficher un sourire enjoué, alors qu'en mon coeur sévit la terrible horreur de mener ces enfants à leur mort.
- Clochette, à ton tour ! crie Peter.
Alors une petite luciole vole au-dessus de nous, et la myriade de paillette dans son sillage dépose sur nous une poudre fine, mais pas assez pour nous permettre de s'envoler. Néanmoins, mon corps s'allège, le poids de la peur et celui de l'atmosphère déserte mes épaules trop faibles et j'imagine le doux souffle de Lily dans mes cheveux . Je ne vole pas, mais la sensation grisante est la même, et elle me semble dans ces temps troublés encore plus enivrante que lors de mon arrivée sur l'Île.
Le Chef des Enfants Perdus nous indique la route des bois et nous nous élançons à sa poursuite, entre cris de joie et rires d'enfants. J'en oublie presque la sinistre mission qu'il nous faut accomplir.
Alors que s'éloigne le visage dépité de Viktor, j'offre mon cou aux étoiles invisibles, leur adressant une dernière prière sous le soleil trop clair de cette matinée de guerre. Contre ma cuisse tape la lame de mon nouvel ami, et je sais que je suis prête.
Nous arrivons au camp après ce qui m'a semblé à peine une heure de marche, bien plus courte que mes escapades de l'autre soir. Devant nous, les rangs solides des hommes de la Tribu se resserrent, leur chef et sa fille en première ligne. Lily ne m'adresse pas un regard, trop soucieuse.
- Désolé du retard, chante Peter avec un courbette.
Mais la Tribu alignée ne répond pas. Seul le Chef élève la voix :
- Ils ne sont pas venus.
- Quoi ?
Mon cri jaillit, plus fort que le vent dans mes deux tresses.
- Ils ne sont pas venus, Claire, répète Lily. Les plans les annonçaient de retour au lever du soleil.
Je n'y crois pas, c'est impossible.
- Mais peut-être avons-nous mal lu la carte, réfléchit Peter en passant son doigt sur la lame tranchante de son poignard.
- C'est une possibilité, en effet.
Soudain, une pensée terrible envahit mon esprit tout entier. Je sens le monde tanguer, s'écrouler autour de mon corps chétif alors que se débattent sous les débris mes derniers lambeaux de conscience.
- Peter, que t'a raconté Clochette sur sa captivité ?
Il hausse les épaules, fronce les sourcils pour s'en rappeler.
- Pas grand chose, juste qu'ils l'ont épuisée. Et pris de la poussière aussi.
Les mots se détachent, funèbres, dans leur innocence naïve. Je sens la Tribu comprendre en même temps que moi. Voici la raison de l'épuisement de Clochette, voici pourquoi la fée ne pouvait plus bouger. Voici la véritable raison de sa captivité. Me reviennent alors les étranges tonneaux scintillants dans les cales du navire, les bouteilles peintes sur la console de Crochet, et le manque de rhum, dont les réserves avaient été remplacées par de la poussière. Les Pirates ne voulaient pas nous emprisonner au sol, ils voulaient eux s'élever au-dessus de nos têtes.
Comme pour confirmer notre prophétie, une énorme ombre contourne la plus haute montagne de l'Ile et nous cache le soleil et les cieux.
- Ils sont là, je murmure.
Tadam, me voici de retour après mille ans oups. Ma période d'examen a été assez nulle, puisque j'ai pas eu de vacances (ils m'ont mis mes 5 examens la même semaine, la dernière avant la reprise des cours yay)
Aussi, j'ai été pas mal prise par mon autre projet, à présent terminé, de l'Absence des Étoiles. Maintenant, j'ai besoin d'un truc avec moins de contraintes, moins prenant oupsi. Et puis ça fait un an tout pile que j'ai commencé (déjà, wah).
Bref, j'espère que vous allez bien, je vous envoie plein de courage et espère vous retrouver très vite !
Klara
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Jamais demain
Fanfiction« - Peter, attend ! [...]Les pensées se bousculent et s'emmêlent. De vieilles comptines, d'anciennes fables reviennent à moi, perdues dans les méandres de l'enfance, temps qui va bientôt disparaître puisqu'il est bientôt minuit. Tous les enfants gra...