100 jours et l'éternité

Jour 0

Mon cœur s'est brisé lorsque tes paupières se sont éteintes. Je me suis
sentie partir moi aussi, tout ce qui me constituait s'est liquéfié. Des petits bouts de mon âme se sont envolés, je me suis effondrée, j'ai oublié le temps. Rien ne comptait plus que cette douleur immense, aveuglante et sans fin. J'ai répété à l'infini « je t'aime » dans l'espoir que tu me répondes parce que tu le faisais toujours mais je n'ai rien entendu hormis le silence épais dans mon cœur et les sirènes des pompiers au loin. J'ai répété « je t'aimerais toujours » dans l'espoir que
les étoiles se mettent à briller un peu plus fort mais elles n'en ont rien fait. Tout est resté intact comme si mon monde ne s'était pas dissout, comme si mes sens à l'agonie ne suffisaient pas à exprimer la douleur de ton décès. Je ne pouvais pas bouger, même respirer me faisait souffrir. J'aurais souhaité que tout s'arrête, que ma douleur cesse mais tout a continué,alors j'ai simplement cessé de hurler cette
souffrance qui ne s'apaisait plus, j'ai fermé les yeux et j'ai verrouillé à double tour tout ce que je ne pourrais jamais plus te dire, tout ces baisers volés et ta vie à mes
côtés. J'ai couru après toi, j'ai effleuré ton corps et j'ai déposé des larmes de sel sur tes lèvres encore chaudes que j'ai embrassé pour la dernière fois. Je crois, j'en suis même sûre, que je n'ai jamais embrassé quelqu'un comme ça de toute ma vie. J'ai essayé de te transmettre l'immensité de ma douleur, espérant que l'électrochoc de cette violence te réveillerait. Mais ça n'a pas suffi. Je n'ai peut-être pas souffert assez fort ou peut-être ai-je achevé de te meurtrir ? Tu ne t'ai pas
réveillé pourtant c'est moi-même que j'ai senti mourir. Je ne sais plus si j'existe, mes pensées ne sont plus distinctes et, à l'heure où je t'écris, il ne me reste plus beaucoup de temps avant nos retrouvailles. Je me hâte de ce moment autant quede la peur de ne pas te trouver dans cet autre côté. J'ai attendu ce qu'il me semble un milliard de vies mais pourtant je suis encore là où tu n'es plus. Ces années où j'ai souffert de ton absence m'ont beaucoup appris et peut-être est-ce pour cette raison que nous avons été séparées. Elles m'ont appris combien aimer
blesse mais en vaut la peine. Oui, mon amour, j'ai foi en nous même après que les années sans toi soient plus nombreuses que celles à tes côtés. Je te l'avais dit n'est-ce pas ? Je suis coriace et je n'abandonne jamais. Je n'ai pas abandonné car c'est toi qui m'a poussé à exister, à renaître, à distinguer ce que ma vie avait été avec et sans toi, à donner ce que j'ai eu de meilleur. J'ai si hâte que l'on se redécouvre, que ces détails que j'avais si peur d'oublier refassent surface et que ma mémoire vieillie se souvienne de tout, qu'elle dépoussière toutes ces éternités
qui se sont installées en moi-même.
J'arrive, bientôt je fermerai enfin ces yeux fatigués et quelqu'un d'autre entendra cette sirène sans fin qui s'éternisera dans le silence. Mon souffle se fera plus irrégulier et mes pensées s'effaceront.
Ma voix s'éteindra avec ton nom comme dernière parole.