Chapitre 12

957 124 13
                                    

Logan est parti depuis moins d'une demi-heure que je ressens déjà les relents de la solitude m'envahir. Je me traîne jusqu'au lit où je me vautre, non sans avoir au passage récupéré les restes de mon repas. C'est-à-dire le fond du paquet de chips, vu que ma petite sautée de légumes a fini à la poubelle. J'ai décidé de m'autoriser une après-midi supplémentaire de repos, pas parce que j'en ai particulièrement besoin, mais parce que ma petite sortie m'a déjà pas mal éprouvé. Je sais que je vais bientôt devoir m'aventurer plus loin que le pas de la porte, et cette idée me terrifie déjà bien assez, mais je viens surtout de réaliser que je n'ai pas la moindre destination en tête. Encore moins l'ébauche d'un plan visant à me faire sortir de cette ville. Je n'ai rien hormis une demi tonne de cauchemars dans lesquels de charmants symboles bizarres viennent peindre les murs de sang et qui m'amène constamment à mourir sous les crocs d'un énorme loup-garou.

Ma santé mentale est donc de toute évidence légèrement lésée, et regarder le plafond de la chambre en retournant la situation dans tous les sens ne m'aide absolument pas à arranger le coup. Je suis foutue, c'est une certitude, depuis le moment où j'ai accepté de monter dans ce fichu bus. Mais comme on dit, foutu pour foutu, il vaut peut-être mieux que je tente directement ma chance aux portes de la ville au lieu d'attendre ici comme une plante verte en manque d'eau. La seule chose qui me manque, c'est une bonne intraveineuse de courage.

J'entends la porte de l'entrée s'ouvrir et je me redresse d'un bond. Ça ne peut pas être Logan, je lui ai bien précisé qu'il ne devait en aucun cas se pointer à la porte et encore moins l'ouvrir sans autorisation. Je me lève, manque de me fracasser le pied dans le recoin du lit et arrive en boitillant dans le salon.

— Dracula ?

S'il était bizarre ce matin, la tête qu'il tire maintenant est définitivement stressante. Il me regarde avec cet air un peu surpris comme s'il ne comprenait pas trop ce que je fichais chez lui et finit par pousser un juron.

— Rentre dans la chambre et ferme la porte, dit-il en se passant nerveusement une main dans les cheveux, ce qui, au lieu de les recoiffer, eut plutôt l'effet inverse.

J'ouvre la bouche, jette un œil au lit assassin qui a tenté de me faire tomber et pivote de nouveau vers lui. J'aurais probablement obéi sans discuter si l'expression de son visage n'avait pas à elle seule, alarmée tous mes capteurs. Logan m'aurait-il déjà trahi et une meute de loups-garous s'apprêtait-t-elle à déferler ici ?

— Pourquoi ? demandé-je.

Il se décroche la mâchoire et me fusille du regard. J'y lis tant de colère et de violence que mon corps se couvre automatiquement de frissons. Je n'ai même pas besoin de voir la pointe de ses canines apparaître que j'ai déjà détalé. Mon instinct de survie est peut-être défaillant la majorité du temps, mais je ne suis pas suicidaire pour autant et ce regard-là, il ne laisse aucun doute sur ce qu'il se passera si je fais la maline. Il lui a suffi d'une fraction de seconde pour annihiler toute la vaine confiance que j'ai placée en lui. Il est et restera un monstre pour lequel ma vie ne représente qu'un infime détail.

Je me réfugie mécaniquement dans un coin, en partie cachée par l'armoire, mais avec une vision suffisamment dégagée pour apercevoir la porte de la chambre. Je ne sais pas pourquoi je réagis de cette manière, je sais simplement que c'est la chose à faire parce que le vampire qui est entré chez moi n'a plus rien à voir avec celui qui se moquait de moi ce matin. Quelque chose cloche et lorsqu'il se plante dans l'encadrement de la porte afin de refermer cette dernière, la manière qu'il a de me regarder ne fait que me le confirmer. Disparus les sourires et l'humanité de ses traits, il n'y plus qu'un concentré de fureur et de faim : un vampire, voilà tout.

Ses yeux d'ordinaires ambres et moqueurs sont désormais assombris par sa colère et même si je sais qu'elle n'est pas directement dirigée contre moi, je sens qu'il n'aurait plus le contrôle de m'épargner si j'avais le malheur de faire un pas de travers. Je baisse aussitôt les yeux et j'entends la porte claquer. Un silence pesant s'abat dans l'appartement pendant quelques minutes, puis la porte d'entrée s'ouvre de nouveau et je reconnais le bruit caractéristique des talons d'une femme fouler le carrelage du couloir.

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant