Chapitre 10

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L'air pèse des tonnes. J'ai l'impression de nager dans une mer d'huile où mes poumons peinent à se gonfler. C'est comme se noyer, la poitrine contractée par la pression du liquide, mais le pire c'est l'odeur... Ça sent la mort.

J'ouvre les yeux, je cherche la lumière mais il n'y a rien. Tout est recouvert d'un voile sombre. J'ai froid, je tremble comme une feuille, les os congelés et le sang figé dans les veines.

Le hurlement d'un loup résonne autour de moi et mon corps se redresse de lui-même, renversant au passage ce qui me recouvrait. Trois corps roulent au sol et atterrissent dans une flaque de sang avec un bruit écœurant. Je hurle, mais aucun son ne sort de ma bouche.

Le silence est irréel, il me transperce les tympans et me broie les entrailles. Je me souviens de cette pièce, il y a encore quelques heures mes camarades y dansaient joyeusement, un verre à la main. Maintenant ils sont là, empiler les uns sur les autres comme de vulgaires sacs, du sang s'écoule de leurs plaies béantes. Leurs regards sont vides, étranges, la terreur tire leurs traits dans un masque effrayant.

Mais quelque chose ne colle pas. Je me souviens de ce moment, je me souviens de ce spectacle macabre, mais pas des marques étranges qui sont peintes sur les murs. Ces symboles ne m'évoquent rien, on dirait des dessins primitifs, bien que très géométriques. Tracé dans le sang des victimes, elles dégoulinent sur les murs et forment des flaques écarlates au sol.

Bizarrement, ces signes me semblent pourtant familiers, comme si je les avais déjà vu, ailleurs... Il n'était pas là ce soir-là, pourtant maintenant ils le sont, ils se répètent inlassablement, comme un message qu'on aurait écrit en boucle. Mais je ne comprends pas, je ne comprends rien...

Un autre hurlement éclate à quelques mètres de moi, m'arrachant à ma contemplation des murs et je pivote vers la source du bruit. C'est le Loup. Aussi énorme que dans mon souvenir, il passe difficilement dans l'encadrement de la porte tant son corps paraît disproportionné. Sa gueule à demi ouverte laisse voir une rangée de dents dégoulinantes de bave et ses yeux d'un rouge vif se plantent dans les miens. Il n'avait pas les yeux rouges la dernière fois... Je sais ce qui va se passer, je l'ai déjà vécu, mais ça ne m'empêche pas de hurler lorsqu'il bondit vers moi.

Je me réveille d'un bond, le visage ruisselant de sueur et les cheveux plaqués sur le crâne. Je rêve souvent de cette nuit-là, je suis habituée, mais cette fois-ci c'était différent. Ces symboles... je les vois encore clairement dans ma tête. Je sens que j'en connais le sens et pourtant je suis incapable de le formuler.

Je prends quelques minutes à comprendre où je me trouve. Ça fait déjà plusieurs jours, mais j'ai toujours du mal à réaliser que je vis ici, cachée dans l'appartement lumineux d'un vampire au beau milieu d'Osen. Ash, Dracula ou je ne sais qui n'est pas revenu depuis qu'il s'est nourri il y a trois jours.

Je ne m'en plains pas vraiment, je respire mieux en son absence, mais j'ai le pressentiment que je vais devenir folle si je reste toute seule ici trop longtemps. Pour le moment je n'ai pas le courage de sortir, je sais que c'est la seule solution si je veux en apprendre plus sur cet endroit mais la peur me noue le ventre dès que j'approche de la porte. D'un coup, tout ce qu'a dit ce fichu vampire me revient en tête et le moindre bruit extérieur me fait sauter au plafond.

Je me sens trop faible pour affronter le monde extérieur, trop fragile pour faire face aux monstres qui y rôdent et ça me bouffe de l'intérieur.

La seule solution que j'ai trouvée est de distraire mes angoisses. Armée d'un paquet de chips et d'un dvd trouvé dans le salon, je m'installe sur le lit, lance le film sur la télé installée sur le mur d'en face et tente de me détendre. Ça marche, j'en oublie mes cauchemars et les bruits étranges qui émanent de la rue. Il n'y a plus que moi et cette étrange normalité. J'enchaîne les films sans même m'en rendre compte jusqu'à ce que le dernier finisse par m'endormir. Je n'ai jamais été très fan des comédies romantiques....

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant