Chapitre 24

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À première vue, revenir à la vie paraît plutôt sympa, qui ne reverrait pas d'éviter la faucheuse chaque fois qu'elle se presse à votre porte ? Ça l'est nettement moins lorsque tout votre corps vous hurle de d'abandonner le combat.

Une langue de feu me traverse de la tête aux pieds et s'attarde douloureusement au niveau de ma nuque, m'arrachant un gémissement plaintif. Je relève péniblement la main et tâte avec précaution la zone pour découvrir avec horreur la forme irrégulière de mes cervicales. Je devrais être morte, au mieux paralysée, pourtant même si chaque mouvement me déchire de l'intérieur, je bouge normalement. Je glisse la main plus bas et rencontre les bords de la plaie laissée par les crocs d'Antonia au milieu de la masse visqueuse de sang coagulé. Je ne saigne plus, mais vu la flaque d'hémoglobine dans laquelle mon corps baigne, il ne doit pas rester grand chose dans mes veines. Là encore, le fait que mon cœur tambourine toujours dans ma poitrine relève du miracle.

Je tâte l'extrémité gelée de mes doigts et frotte nerveusement l'hémoglobine qui les macule avant de me redresser pour contempler la pièce. Il y fait sombre, la nuit n'est pas encore terminée ou bien je suis restée là plusieurs jours, mais j'en doute, tout ce sang est bien trop visqueux pour être si vieux. Je ne vois rien les premières secondes, puis ma vue s'adapte à l'obscurité et je discerne la forme d'un corps face à moi, là où se trouvait Ash lorsque Antonia m'a tué. J'avance en rampant, ravalant chacun de mes gémissements en me mordant sauvagement la langue. Ce n'est vraiment pas le moment de me faire remarquer. Ma robe accroche à de nombreuses reprises le parquet abîmé, déchirant au passage le tissu. Mes genoux font également les frais des échardes et autres irrégularités du bois, mais je n'y accorde aucune importance, toute mon attention est focalisée sur la douleur de mon cou.

— Ash... soufflé-je d'une voix enrouée.

Il ne répond pas, son corps pend toujours devant moi, totalement immobile. Pendant une seconde l'idée qu'il puisse être mort me paralyse, mais je balaie rapidement cette idée. Antonia ne ferait jamais ça, elle a besoin de lui vivant. Non pas parce qu'elle l'aime, il est clair qu'elle n'a pas la moindre idée de ce que peut bien signifier l'amour, mais parce qu'il possède quelque chose qu'elle désire plus que tout, un pouvoir qu'elle convoite depuis des siècles. Lorsque j'arrive à son niveau, je m'aide du mur pour me lever. L'opération est douloureuse mais pas autant que de voir l'état dans lequel il se trouve. Sa peau est brûlée, déchirée, plusieurs bouts de métal sont plantés dans son corps, et l'empalent au mur. Sa tête est baissée et ses boucles noires lui tombent devant les yeux si bien que je ne remarque pas tout de suite qu'il en manque un. Un mélange d'horreur et de dégoût manque de me faire vomir, mais je serre les dents et tente d'oublier la vision de son orbite vide. Aucun humain ne pourrait survivre à ça, c'est certain, mais Ash n'est pas humain, loin de là.

J'inspire un grand coup et décroche les verrous métalliques qui maintiennent ses chaînes en place. Je dois m'y reprendre à plusieurs fois car le métal est recouvert d'une substance poisseuse que je soupçonne être du sang et de quelque chose de corrosif qui me ronge les mains, de l'acide peut-être ? Impossible de le savoir, je me contente de faire au plus vite ravalant mes larmes et ma peur. Nous devons absolument sortir d'ici, pas question de s'attarder une seconde de plus.

Je finis par réussir et son corps s'affaisse légèrement, toujours maintenu par les pieux métalliques qui le transpercent. Alors je commence à les retirer un à un, lentement, parce que je n'ai pas la force de faire plus vite et le bruit de succion qui accompagne le mouvement du métal dans sa chair me retourne une nouvelle fois l'estomac. Je m'arrête plusieurs fois, le cœur au bord des lèvres, la sueur et le sang qui se mélange sur mes tempes irrite ma peau et me démangent, mais ça aussi je l'ignore. Son corps toujours inconscient tombe un peu plus à chaque pieu que je retire et finit par me tomber dessus lorsque j'en ai terminé avec le dernier. Le choc sourd qui s'ensuit lorsque nous nous écrasons par terre me paralyse une seconde. L'idée que quelqu'un ait pu nous entendre m'effraie bien plus que le contact rapproché d'un vampire probablement affamé. C'est stupide de ma part, mais là, je crois que je préférerais encore mourir sous les crocs de Ash que de voir Antonia ou ses gardes rappliquer.

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant