Chapitre 40

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Le démon s'avance vers moi d'un pas sûr. S'il sait qui il vient d'envoyer dans la cuisine, il n'en montre aucun signe ou bien il ne le craint pas. J'ignore combien de temps cela prendra à Declan de lâcher le Berserk sur ce monstre et je ne suis même pas convaincue que ce soit une idée brillante. Il y a beaucoup de gens innocents dans cette rue et je ne sais pas si je serais en mesure de l'arrêter si jamais il s'en prend à eux. D'ailleurs je ne peux même pas affirmer qu'il ne s'en prendra pas à moi avant ça.

Pourtant entre un présumé démon et un ours spectral en colère, le choix est vite fait. Je rampe et me redresse tant bien que mal en évitant les morceaux de bois qui ne manquent pas de m'érafler la peau au passage. Mon sweat s'accroche dans les débris de l'escalier et je dois me ruer en avant pour me dégager, mais j'entends déjà les pas de mon assaillant qui s'approche. Il me juge probablement bien peu dangereuse vu le temps qu'il prend à me rejoindre, comme s'il était persuadé que quoi que je fasse, je n'irais pas bien loin.

Sur ce point, je peux difficilement le contredire. Je me démène pour rejoindre Declan, car lui, représentera d'un instant à l'autre une menace bien plus importante.

— Ne détale pas comme ça ma mignonne, s'esclaffe le démon en dégageant d'un coup de pied le tas de débris noircis de l'escalier.

J'atteins l'extrémité du couloir à bout de souffle, mon cœur bat si vite que j'ai du mal à croire qu'il y a encore quelques minutes je me sentais mourir avec le reste de ma famille dans les bras de Declan.

La mort à l'effet ridicule de rendre mon existence plus vive. J'en rirais presque si je n'étais pas tant terrifiée par ce qui m'attend si cette créature m'attrape.

— Declan ! hurlé-je.

Les derniers murs du couloir explose lorsqu'un ours énorme jaillit soudain dans le hall. Pendant une fraction de seconde il n'est que fumée à mes yeux, puis je discerne ses yeux jaunes et les chaînes qui entravent son corps. Son rugissement suffit à faire trembler les restes chancelants de l'édifice et je m'écarte tout juste assez vite pour éviter une poutre qui s'écroule en entraînant dans son sillage une bonne partie de l'étage. L'air frais du monde extérieur balaie l'odeur âcre des cendres et un courant d'air puissant soulève un nuage de poussières. 

Je discerne à peine le corps du Berserk fondre sur le démon, mais j'entends l'impact. Le type jure et tente de se défaire de la bête, mais sa fureur est difficile à contenir. Je perçois un craquement sonore, le grognement animal de Declan puis son corps est lourdement rejeté en arrière et s'effondre devant la porte d'entrée. Ça ne dure qu'une seconde avant qu'il ne se relève de nouveau en rugissant et octroie au démon un revers de la patte destructeur. Il siffle et recule, butte contre les restes d'une commode et s'effondre. Mais lorsque Declan se jette sur lui, son corps disparaît soudain et l'ours, dans son élan, percute un mur et déloge une énième poutre du plafond. La maison ne va pas tarder à s'écrouler complètement !

Je me rue sur le trou béant laissé par le dernier effondrement et rejoint la terrasse en pierre où ma mère avait l'habitude d'entretenir mille et une fleurs à la survie approximative. On ne peut pas dire qu'elle avait particulièrement la main verte, mais quelle importance maintenant que tout a brûlé ?

Je n'ai pas fait trois pas que je me retrouve nez à nez avec deux yeux noirs comme la nuit. Il n'y a dans ce regard pas l'ombre d'une émotion, rien qu'un néant d'obscurité. Son visage carré se fend d'un sourire aux allures de grimace et une rangée de dents digne de mes pires cauchemars se fraie un chemin entre ses lèvres livides.

Il m'attrape par la gorge et me soulève suffisamment du sol pour que mes pieds s'agitent dans le vide. J'en ai le souffle coupé. Je plante mes ongles dans son bras et gesticule vainement pour l'obliger à me lâcher. Mais rien n'y fait.

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant