— Ok. Ramène-moi à la maison maintenant, gémis-je en observant l'entrée du théâtre.
Tout ici me crie que je ne suis pas à ma place. D'ailleurs, je suis à peu près sûre qu'un tel endroit n'a pas sa place non plus dans une prison comme Osen. C'est trop... beau. Trop classe, trop couvert de tapis rouge, mais surtout, beaucoup trop bondé. Un vampire ok, dix vampires, d'accord, mais là, il y en a des centaines !
— Trop tard, répond Ash en passant son bras sous le mien pour me forcer à avancer. Je t'assure que tout se passera bien, tu verras.
— Sauf que tu mens comme tu respires, répliqué-je. Je vais encore me faire tuer...
— Une chance que je ne respire pas alors, ricane-t-il en prenant bien soin de ne pas reprendre son souffle.
Je sais que c'est faux, du moins en partie. Il a besoin d'inspirer pour parler, donc techniquement, il respire, même si ses poumons s'en fichent pas mal. L'idée de faire une scène pour qu'il me ramène me traverse bien l'esprit, mais le peu de maturité qu'il me reste me pousse à mettre un pied devant l'autre sans broncher. D'abord, personne ne fait attention à nous, mais quand vient le moment où Ash m'entraîne au-devant de la file d'attente pour s'adresser directement au videur maigrichon qui bloque l'accès au bâtiment, tous les regards se tournent vers nous.
— Antonia Villacres nous a fait demander, dit-il d'une voix suffisamment forte pour que tous l'entendent bien clairement.
Ce qui aurait été parfaitement inutile s'il n'y avait pas eu quelques humains dans le lot. Il est facile de les reconnaître entre les marques de crocs dans leur cou et la pâleur maladive de leur peau. Certains sont vraiment dans un sale état, leur visage, rendu anguleux par l'amaigrissement, leur donne des airs de cadavres qui n'est pas sans me rappeler mon propre reflet le matin même.
— Votre nom ? répond le videur en jetant un regard méfiant dans ma direction.
— Rhys, lâche mon compagnon en me tirant derrière lui pour me soustraire au regard du vampire.
— Rhys...répète le videur avec lenteur. Madame Villacres vous attend depuis longtemps.
Ash, Rhys ou je ne sais qui, ne prend même pas la peine d'attendre qu'on lui ouvre le petit cordon en velours qui bloque l'accès au tapis rouge. Il se contente de l'arracher et de passer en force sous les regards désapprobateurs de ses congénères. Je le suis en trottinant pour garder le rythme malgré les échasses sur lesquelles je suis montée. Ma robe me gêne si bien que je suis forcée de la remonter un peu pour éviter de me prendre les pieds dedans.
— Rhys ? C'est ça ton vrai nom Dracula ? Ou c'est encore l'un de tes...
— Oui c'est ça, maintenant tais-toi, me coupe-t-il d'un ton sec.
J'ignore si c'est le fait d'avoir dû utiliser son nom qui lui met les nerfs en pelote, mais à en juger par la force avec laquelle il sert ma main, il vaut mieux que j'évite d'insister pour le moment. Je me laisse donc sagement entraîner à l'intérieur, et me concentre sur l'observation de mon environnement. De larges colonnes en pierre soutiennent la façade du bâtiment sur laquelle figure un enchevêtrement de sculptures que la nuit m'empêche de discerner nettement. Les marches, qui mènent à l'entrée son bordées de chaque côté de plusieurs dizaines d'hommes, tous immobiles dans leur costume noir. À les voir observer mon vampire d'un air crispé, j'en déduis qu'il s'agit de la « sécurité » et qu'ils ne sont pas ravis de voir l'ancien amant de leur patronne se joindre à la fête.
Mon attention est vite déviée par la musique qui résonne dans le hall, du moins dans ce qui aurait dû être le hall d'un théâtre et qui a été réaménagé pour servir de salle de réception. Un bar occupe tout le côté gauche, tandis que plusieurs tables sont disposées dans les coins, à l'ombre des colonnes immaculées qui remontent jusqu'au dôme arrondie de l'édifice. Un escalier disproportionné fait face à l'entrée et remonte de quelques mètres avant de se scinder en deux. L'endroit est magnifique, décoré de moulures dorées, de sculptures de marbre qui semblent avoir été amené ici spécialement pour l'occasion et d'une multitude de lustres en cristal. La musique semble émaner de nulle part et de partout à la fois, si bien que lorsque j'en cherche la source, je découvre deux autres pièces de chaque côté du hall, et dans chacune d'elles, des centaines de gens remuent en rythme. Leurs mouvements sont lascifs, hypnotiques et c'est finalement Ash qui en me tirant vers lui, me ramène sur terre.
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Let's die
ParanormalCertaines personnes naissent avec des destins extraordinaires, ils sont, dès la première minute de leur vie, voués à quelque chose de grand. Mave ne fait pas partie de ces gens, à dire vrai, la banalité est un mot qui lui convient très bien. Du moi...