Chapitre 41

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Si la mort laisse une empreinte sur ceux qui la traverse, elle confère assurément quelque chose de sinistre. Je ne connais que peu de créatures pouvant braver la mort comme on franchit un fleuve, les vampires en sont l'exemple le plus courant et de ce que j'en ai vu, ils reviennent fondamentalement changés. Peut-être les jeunes sont-ils différents de ceux auxquels j'ai eu à faire, peut-être sont-ils plus humains que morts. J'en doute. Je ne pense pas qu'on puisse s'immerger dans un lac gelé sans en ressortir frigorifiée.

Sur moi, l'effet est plus diffus, je ne plonge jamais vraiment, je trempe un membre après l'autre dans ce lac et en ressort presque aussitôt, vivifiée par le froid, mais jamais refroidie au point d'en trembler.

Du moins jusqu'à ce qu'une main m'empêche de remonter et me tire brutalement sous l'eau. Si j'avais eu la moindre conscience de ce qui s'apprêtait à m'arriver, je me serais débattue. Sauf que je ne sais pas, j'ignore tout de ce qui se cache sous la surface lisse de ce lac et sur la main glaciale qui me tire inlassablement vers le fond.

Alors je coule, je m'enfonce et lorsque j'émerge enfin, je sens ce froid qui se répand en moi comme un parasite. Il s'accroche à mes os, entrave mes muscles et fige mon sang. Tout sera différent désormais, je le sais car je n'imagine pas un feu capable de réchauffer mon cadavre.

— Tu en as mis du temps.

Une voix familière perce les ténèbres au moment où mes pieds touchent le fond du lac. Il ne s'agit pas de celle d'un ami, mais elle ne m'évoque ni peur, ni crainte, seulement un soupçon de méfiance. La dernière fois sa présence m'avait paru moins claire, comme si nous nous trouvions à des kilomètres l'un de l'autre et que le signal passait mal entre nous. Cette fois, je sais qu'il est là, tout près. Trop près.

— Qui êtes-vous ?

Un rire moqueur résonne autour de moi. Ma première impression était donc la bonne, il ne peut s'agir que de lui.

— Qu'est-ce que je fais là ?

— Ce que tu aurais dû faire il y a des semaines. Pourquoi cela t'a-t-il pris autant de temps ?

Je plisse les yeux et tente de percer l'obscurité qui m'entoure, mais il n'y a rien à voir. Il n'y a que le froid et cette voix qui résonne.

— Je ne comprends pas.

— Non, effectivement, c'est que tu n'es probablement pas encore prête. Tant pis, nous n'avons plus le temps d'attendre, elle te cherche désormais et elle sait comment te tuer. Viens, retrouve-moi avant qu'il ne soit trop tard, remplis ton contrat et je te donnerais tout ce que je t'ai promis.

Et que m'a-t-il promis au juste ? Le seul souvenir que j'ai de notre dernière rencontre c'est le son de sa voix. Je ne comprends rien, je ne suis même pas sûre d'en avoir envie, je veux seulement remonter, retrouver la chaleur et la lumière.

— Tu as compris ? insiste-t-il.

— Je dois vous trouver. Comment ?

Car c'est bien là le nœud du problème. Si la tâche avait été si simple, Tryg aurait suffit à me conduire à lui et je serais libéré de cet étrange pacte depuis longtemps.

— Souviens-toi, tout est là quelque part, il faut simplement que tu te souviennes. Tu as le don, tu le maîtrises, il faut que tu me retrouves maintenant.

J'ai déjà essayé de me creuser la tête à ce sujet et je ne me suis jamais rappelée quoi que ce soit avant de me retrouver ici et là tout ce que j'ai, c'est cette voix qui me donne des ordres et me presse de faire ce que je suis incapable d'accomplir.

— Je ne maîtrise rien, je ne sais pas comment faire ! m'écrié-je. Pourquoi je serais en mesure de faire quoi que ce soit pour vous ? Je ne suis personne !

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant