Chapitre 33

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Le rictus malsain du vampire qui me fait face disparaît au moment où sa tête est brutalement séparée de son cou. Je cligne des yeux lorsque son sang gicle et asperge mon visage, mais je me retiens de hurler. Sa main me relâche aussitôt, et son corps s'écroule sur lui-même quand Ash se jette au cou d'une autre sangsue. J'ignore si c'est mon sang ou son âge qui lui confère un aussi grand avantage, mais il en décapite presque deux autres avants que nos assaillants ne réagissent, tout crocs dehors. Ash est plus fort, et plus rapide, ça ne fait aucun doute, mais ils sont beaucoup plus nombreux. Tout se passe bien trop vite pour que mon cerveau parvienne à analyser la situation ou à faire abstraction de la tête qui roule à mes pieds.

J'inspire et expire, sourde aux grognements qui résonnent autour de moi. Ça va aller... Tout va bien se passer, je suis immortelle, je ne crains absolument rien.

Une main m'attrape par le bras. Je hurle et me débat sans grande efficacité. La femme qui me fait face s'empresse de m'attirer contre elle. Elle est brune, minuscule et pourvue de canines luisantes de sang. Mon sang ? non. Celui de Ash ? Je fais l'erreur de tourner la tête vers lui pour vérifier qu'il va bien, mais il bouge trop vite et est trop entouré pour que je l'aperçoive clairement. Elle en profite pour fondre sur ma gorge et y planter ses crocs avec violence. Je crie et me contorsionne de nouveau pour lui échapper, mais comme toujours, ma force est dérisoire et l'étau de ses bras m'écrase. Rien n'a changé, j'ai beau tenter de me convaincre que je ne suis plus la Mave faiblarde et effrayée qui a mis les pieds dans cette ville, la vie s'acharne à me prouver le contraire.

Quelque soit le nombre de fois où je meurs, je reste impuissante.

La seule différence est que désormais, mes larmes ne témoignent pas uniquement de ma peur, elles sont ma frustration, ma douleur et cette pointe de terreur que la mort persiste à me faire ressentir. Lorsqu'elle me relâche enfin, je tangue quelques secondes avant d'atterrir de nouveau contre le torse de quelqu'un. Il me retient d'un bras autour de la taille, m'enlaçant contre lui avec force tandis qu'il nous fait reculer. Il me faut quelques secondes pour réaliser que le corps de la vampire gît au sol, un énorme trou dans la poitrine et le cœur réduit en bouillie au milieu de ses côtes en morceaux. Plusieurs autres cadavres jonchent la cour, mais je n'ai pas le temps de les compter tant le nombre de vampires vivants accapare toute mon attention.

— À moi, gronde la voix de Ash dans mon dos tandis que sa langue parcoure ma plaie avec avidité.

J'ignore s'il parle de moi ou simplement de mon sang, mais sa réaction suffit à faire glousser nos assaillants.

— Antonia sera ravie d'apprendre que ta putain est toujours vivante Rhys, ce sera un réel plaisir de la lui livrer. J'imagine qu'elle préférerait l'avoir en vie, mais elle se contentera sûrement de son cadavre après tout, ajoute-t-il les yeux braqués sur la veine qui palpite faiblement dans mon cou.

— Approche Kraven et je me ferais une joie d'envoyer ta tête à cette garce.

L'homme ricane de plus belle, avant de passer une main sur sa nuque.

— Ma foi, j'aimerais autant éviter d'en arriver là. Tu pourrais aussi bien te rendre et je m'assurerais que ton humaine profite de ses derniers instants, propose-t-il en faisant glisser son regard écarlate sur mon corps.

C'est la première fois que je vois l'un des leurs avec des yeux pareils. Aussi rouge que le sang et infiniment plus froid et affamé que tout ce que Ash a pu me montrer jusque-là. Ce type est l'archétype du vampire susceptible de peupler mes cauchemars.

— Elle est à moi, répète Ash d'une voix rauque.

Kraven ricane, imité par ses compères qui nous encadre désormais d'assez près pour que je distingue les nuances de faim et de violence qui s'agitent dans leurs regards.

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant