Declan ne se donne même pas la peine de garder mes deux compagnons en vue, il leur tourne le dos comme si l'idée même qu'ils puissent représenter une menace pour lui était ridicule. Finalement, je vais vraiment finir par croire que le « Berserk » est une créature surpuissante. J'en viens même à éprouver une certaine curiosité maintenant que je me retrouve ici à quémander son aide.
Rien n'a bougé depuis mon dernier passage, le désordre règne toujours en maître dans le salon et une douce odeur de curry s'échappe de la cuisine. En d'autre circonstance, je me serais peut-être jeté sur une assiette pour pouvoir profiter des talents culinaires de mon hôte, mais pour le moment la fatigue prédomine et je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour Ash et Logan. Ce dernier est toujours dehors en train de changer et Ash est juste là, à un pas de moi, terriblement gêné par la présence de mon ami.
Ce n'est pas une soudaine timidité, c'est plus profond que ça : il est viscéralement dérangé par la présence de Declan et il ne cesse de lui jeter des regards noirs. Lorsque je m'affale lourdement sur le canapé recouvert de draps en tout genre et d'une ou deux couettes moelleuses, mon dos proteste et la douleur dans ma nuque se réveille.
— Où est-ce que tu es blessé ? demande la voix grave de mon géant de Berserk, après avoir ramassé ce qui semble être la « trousse de secours » du pauvre, dans un placard à l'entrée de la cuisine.
J'y aperçois une poignée de pansements, un ou deux tubes de crèmes, une minuscule bouteille de désinfectant et un groupe de compresses jaunies qui auraient davantage leur place dans une poubelle.
— Nulle part, je suis indemne, mais si tu as un œil qui traîne j'en connais un qui en aurait besoin.
Declan ne réagit même pas à ma remarque, je crois qu'il se fiche pas mal de l'état de mon vampire. Quant à lui, il se contente d'un soupir las et profite de la distraction de mon ami pour évaluer les lieux, les lèvres pincées.
— Alors pourquoi l'odeur de ton sang est-elle si forte ? Tu es sûr que tout va bien, je veux bien t'accueillir pour la nuit, mais pas question de trouver ton cadavre demain matin.
Ash lâche un ricanement en s'adossant au chambranle de la porte et je crois percevoir le muscle de la joue de Declan tressauter. Visiblement, l'animosité entre ces deux-là est partagée, il ne manque qu'un loup-garou à l'équation pour rendre la température de la pièce insoutenable.
— Bon, je t'accorde la version courte pour ce soir, mais ensuite tu me trouves un lit.
Logan apparaît à ce moment-là, vêtu en tout et pour tout d'un paillasson couvert de poussière et de terre en guise de cache-sexe. Je pourrais être gênée, je pourrais être indifférente, ou je pourrais même me moquer de lui, au lieu de quoi je me contente d'examiner avec la plus grande attention les courbes lisses de ses muscles. Il était déjà du genre bien bâti avant sa mutation, mais ça n'a désormais plus rien à voir avec le corps d'un gamin de vingt ans un peu porté sur le sport. C'est une œuvre d'art.
Je ne sais pas si j'ai poussé un gémissement ou si mon regard en a dit aussi long, toujours est-il qu'Ash lui jette soudainement l'un des draps qui trônait en boule sur le sol. Je mentirais en affirmant que je suis tout à fait insensible à Logan, ce n'est plus le cas depuis quelque temps déjà, mais j'éprouve aussi une certaine jalousie envers lui. Nous avons été envoyés ici ensemble, nous aurions dû être à égalité, deux pauvres humains lâchés dans ce monde de fous. Pourtant c'est loin d'être le cas. Il est devenu un loup-garou, grand, puissant, bâtis pour tailler en pièce ses ennemis, doté d'une ouïe, d'un odorat et probablement d'une vue incroyable et comme si tous ces avantages ne suffisaient pas, la nature a également décidé de doter son corps d'une beauté indigeste. Alors que moi, et bien je suis restée moi. Faible, fragile, peureuse et désormais dotée d'une colonne vertébrale de travers qui me fera probablement passer pour une bossue jusqu'à la fin de mes jours. La joie.
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Let's die
ParanormalCertaines personnes naissent avec des destins extraordinaires, ils sont, dès la première minute de leur vie, voués à quelque chose de grand. Mave ne fait pas partie de ces gens, à dire vrai, la banalité est un mot qui lui convient très bien. Du moi...