Chapitre 2

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Je suffoque, la poitrine écrasée et la bouche recouverte par le tissu poisseux d'une veste. Je suis glacée, figée, mon corps engourdi semble peser des tonnes. Je ne vois rien, et cette sensation me rend dingue, il faut que je sorte de là.

Maintenant !

Je me redresse en repoussant ce qui me recouvre avec l'énergie du désespoir. La lumière revient soudainement, faible mais suffisante pour que je distingue ce qui m'entoure et je pousse un cri étranglé en découvrant des dizaines de cadavres autour de moi. Ils sont empilés les uns sur les autres et forment une butte immonde de corps déchiquetés.

            J'ai été trainé là avec eux, baignant dans le sang et les viscères. Une violente nausée me prend aux tripes. Je n'ai qu'une envie, fuir, fuir le plus loin possible, mais la terreur me paralyse. La seule idée que le monstre responsable de cette horreur puisse être encore là, me remplit d'effroi. Je ne sais pas comment j'ai pu survivre alors que je me souviens très bien l'avoir vu fondre sur moi, mais je doute que la chance soit de mon côté une nouvelle fois. J'inspire lentement dans l'espoir de calmer mon cœur mais l'odeur nauséabonde de mort qui règne dans la pièce me le fait amèrement regretter.

Je ne peux pas fuir un loup-garou, c'est impossible, il est beaucoup trop rapide, même pour un humain en pleine possession de ses moyens. Ce qui n'est justement pas mon cas. Mon corps me semble trop moue, trop glacé et même si je ne souffre pas, je sais que ça ne durera pas. Mon bras est en lambeaux, le regarder me donne encore envie de vomir. Alors je me contente de pleurer en silence, recroquevillée sur moi-même, terrorisée, insensible à la sensation écœurante du sang visqueux qui recouvre ma peau.

            Je ne pense qu'à une seule chose : ma famille. Je vais mourir ici et je n'aurai même pas eu l'occasion de leur dire adieu. Ils vont m'appeler dans quelques heures pour me demander à quelle heure ils doivent venir me chercher et ils n'auront jamais de réponse. Tout ça parce que je serais morte et que mon téléphone est perdu quelque part, bien au chaud dans ma sacoche. Parviendront-ils à s'en remettre ? Et mon frère ? On a beau passer notre temps à se disputer, c'est mon frère, je l'aime inconditionnellement et je suis sûre que c'est pareil pour lui.

            Et moi ? Suis-je prête à mourir ? Non je suis trop jeune... trop jeune pour finir déchiquetée dans la gueule d'un monstre.

            J'ai l'impression d'être là depuis des heures quand les sirènes familières de la police me sortent de ma torpeur. Je me redresse d'un coup, les yeux rivés sur la lumière des gyrophares qui transpercent la nuit. J'aurais voulu hurler de joie, mais le regard sans vie de mes anciens camarades m'en empêche. Ai-je le droit d'être heureuse alors qu'eux sont morts ?

Non, sûrement pas.

            Quelques instants plus tard j'entends la porte d'entrée s'ouvrir et des dizaines de pas claquent sur le carrelage. Ils marchent doucement, avançant avec prudence dans le hall, bien conscient de ce qui se terre dans cette maison.

            Toujours incapable de bouger ou de crier, j'attends qu'ils fassent irruption dans le salon où mon corps a été trainé avec les autres. La lumière aveuglante d'une lampe torche se braque dans ma direction avant de balayer la pièce. Ils sont cinq à regarder le spectacle macabre d'un air horrifié, trop surpris pour réagir. Puis l'un d'eux semble enfin réaliser que je suis là, assise au milieu des cadavres, bien vivante et il se précipite vers moi.

— Mademoiselle... souffle-t-il en me dévisageant de la tête aux pieds. Est-ce que... Est-ce que ça va ?

Non, non, ça ne va pas !

Comment est-ce que ça aurait pu aller ?

Quel abruti fini pouvait bien se demander une chose pareille en découvrant une montagne de cadavres au milieu d'un salon ?

Let's dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant