L'interrogatoire de Tryg a pris fin bien après mon départ du salon. Je n'avais plus la force d'entendre à quel point il n'en savait pas plus au sujet de ce pacte, assez de voir Declan s'inquiéter et me proposer tout un assortiment de plats comme si seule la nourriture pouvait régler mon problème. Alors je me suis simplement éclipsé pour me cacher dans ma chambre. Là, je me suis installée sur le lit, la tête pendue dans le vide et les yeux fixés sur la fenêtre.
Et me voilà désormais, perdue dans mes pensées, l'esprit focalisé sur la notion délirante d'un ange démoniaque possédant mon âme. Pourquoi moi ? Pourquoi c'était mon âme que ce taré avait décidé de repêcher au milieu de toutes celles disponibles ce soir-là ? Qui sait, peut-être que j'avais été la seule idiote à accepter son offre tandis que les autres se laissaient gentiment guider vers les nimbes, le paradis ou je ne sais quoi.
Au vu de ma situation actuelle, ça ne m'étonnerait pas. Je me retrouve avec un pacte pseudo-démoniaque sur le dos, un lien vampirique avec un psychopathe notoire, un marché de sang avec un sorcière flippante et un autre avec une fée aux allures de gamin décharné. Au point où j'en suis-je ne serais même pas étonné que Logan ou Declan m'annonce une autre énormité du genre.
Deux coups secs percutent la porte de ma chambre, et me ramènent aussitôt sur terre.
— Oui ?
Tryg entre une seconde plus tard et jette un regard maussade à la pièce avant d'arrêter son regard sur moi. Il tient un plateau garni de je ne sais combien d'assiettes et de bols aux odeurs alléchantes.
— On m'a demandé de t'apporter à manger, grommèle-t-il en posant le plateau sur le lit. Pour t'aider à reprendre des forces, ajoute-t-il en mettant l'accent sur le mot « aider ».
Je soupire, décidément Declan n'a pas compris à quel point il est difficile de manger lorsqu'on passe sa vie étouffé par la peur et le stress.
— Merci, lâché-je tout de même. C'est notre marché qui t'a forcé à obéir ?
Il acquiesce et s'assoit près de moi avant de piocher plusieurs frites dans l'un des plats.
— Désolée, ce n'était pas vraiment à ce genre d'aide que je pensais en passant ce marché.
— Peu importe, tes amis ont raison, il faut que tu manges, un sac d'os comme toi ne risque pas de me servir à grand-chose en tant que bouclier humain. Ils disent que tu n'avales plus rien depuis que tu es arrivé à Osen. Pourquoi ?
J'ignore pourquoi, mais son intérêt soudain pour moi me paraît suspect. On dirait qu'il cherche à comprendre quelque chose. Quelque chose que mon pacte ne lui a pas appris.
— Je ne sais pas, peut-être que c'est un effet secondaire de la mort. Faut croire que ça coupe l'appétit. Et toi, pourquoi tu gardes l'aspect d'un gamin maigrelet ?
— Pourquoi pas ? rétorque-t-il avec un rictus suffisant. Je peux être ce que je veux, et mon peuple à l'habitude de prendre ce genre de visage lorsque nous traitons avec des étrangers.
— Je pense qu'on a dépassé ce stade, lâché-je en remuant le bras sur lequel sa marque était tatouée. Allez, montre-moi le vrai visage de Trygvasson Ingeburg.
— Ingeborg, grince-t-il en secouant la tête d'un air dépité.
— De quoi as-tu peur ? Quelle importance que je connaisse ton vrai visage si tu ne l'utilises jamais ?
Il détourne un instant le regard et je crois bien qu'il ne me répondra pas. Jusqu'à ce que sa silhouette s'allonge doucement, donnant au gamin chétif une cinquantaine de centimètres supplémentaire agrémentés de muscles, de longs cheveux blonds et d'une peau parfaitement propre. Le changement est pour le moins radical. Le Tryg qui me fait face désormais est adulte, bien portant et d'une beauté surprenante. A mis chemin entre l'homme et la femme, il a comme condensé dans un même corps tous les traits les plus plaisants des deux sexes. Ses longs cils, ses traits délicats, son nez aquilin et ses lèvres étonnamment pulpeuse féminise son visage, mais son corps reste majoritairement masculin sans être débordant de testostérone comme peut l'être celui de Declan ou Logan. Le plus étrange en réalité, ce n'est pas tant cette apparence androgyne, c'est plutôt la couleur singulière de ses yeux. Ce mauve sombre parsemé d'éclats plus clairs.
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Let's die
ParanormalCertaines personnes naissent avec des destins extraordinaires, ils sont, dès la première minute de leur vie, voués à quelque chose de grand. Mave ne fait pas partie de ces gens, à dire vrai, la banalité est un mot qui lui convient très bien. Du moi...