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PDV ???

J'étais inquiète pour lui. Je ne l'avais plus revu dans cet état depuis cette période sombre où sa soeur avait disparu. Mais cette fois-ci, ça semblait tellement pire... Cela me faisait énormément de peine de  le voir désemparé, sans âme, sans vie... Je ne pouvais rien y faire, je savais qu'il détestait que je me mêlasse de ces problèmes mais en tant que mère, je n'y pouvais rien : je m'inquiétais pour lui. 

Depuis son retour, tout était devenu si terne, si pesant à la maison. Sa tristesse hantait ces murs, parfois, je me sentais si oppressée que je ne pouvais m'empêcher de sortir avec Gérold, mon compagnon. Ce n'était pas la faute de mon fils, mais de l'énergie qu'il dégageait. 

Lorsqu'il était avec Cléore, il rayonnait de bonheur. Je pense que l'avoir rencontrée lui avait permis d'aller de l'avant, de trouver sa paix intérieur, de vivre l'amour véritable. Je pense que sa rencontre avec cette fille était la meilleure chose qui puisse lui arriver, je le sentais en tant que mère. Et je savais que la douceur de Cléore m'avait aidée aussi à aller de l'avant, à avoir de l'espoir en l'avenir. Elle était attachante et mystérieuse mais elle aimait mon fils, et l'intuition maternelle ne trompe jamais. 

Lorsque Raphaël m'avait avoué son erreur, j'avais caché mon étonnement car cela me surprenait de sa part : il n'était pas du genre à aller voir ailleurs, même lorsqu'il était seul, ce n'était pas dans ses valeurs, alors qu'est-ce qui avait changé ? Pourquoi ne reconnaissais-je plus mon fils ?

Je réfléchissais à tout ça en finissant de cuisiner lorsque j'entendis ses pas. Il était enfin sorti de sa chambre. 

Son regard d'habitude si clair, si lumineux était terni par une noirceur sans nom : il souffrait de sa rupture avec elle... Mon coeur de mère se brisa. 

- Maman... 

Il avait la voix brisée, signe qu'il allait s'effondrer en larmes. 

- Maman, j'ai peur. Je ne contrôle plus rien...

Et il s'effondra, à genoux, sur le sol de la cuisine.  Je lâchais tout et me précipitai vers lui. Je le consolais dans mes bras, en tapotant son dos comme lorsqu'il était enfant. Je désirais absorber toute sa douleur, je voulais tout arranger pour que mon fils sourisse de nouveau. 

- Je suis sûr que tout va s'arranger, lui dis-je avec ferveur. Ce n'est qu'une épreuve, un mauvais moment à passer...

- Je me sens si seul maintenant... J'ai l'impression d'avoir tout perdu, tout, même moi...

Je n'avais pas compris le sens de ces mots, alors je continuai de le rassurer.

Puis, il se calma, tenta de feindre avec un sourire de remerciement puis m'informa qu'il allait un moment afin de se vider l'esprit.

Je sentais sa peine comme si c'était la mienne. J'avais envie de plaider sa cause envers Cléore mais je n'avais pas le droit de m'immiscer dans leur relation, alors j'allais peindre en attendant son retour, mon fameux exutoire lorsque la réalité n'est plus satisfaisante pour l'esprit.

* * *

PDV Raphaël 


Je me sentais fragilisé. Je ne sais pas pourquoi mais un immense désespoir, mêlé de frustration m'avait saisi sans crier gare quand je ruminais mes idées noires dans ma chambre. Puis je m'étais souvenu de ce rêve. Ou ce cauchemar plutôt. 

Tu es seul...

Et l'image de ma soeur qui m'intimait le contraire. Sauf qu'elle n'était plus près de moi. même si je savais qu'elle était en paix maintenant que le secret sur sa mort était résolu, ça ne changeait pas les faits : elle n'était plus là physiquement et même si j'avais appris à accepter ce fait, je ne pouvais m'empêcher de ressentir de la colère, de la peine face à cette réalité.

Et puis... mon père. Mon père qui nous avait abandonnés, ma mère et moi, après la perte de ma soeur. Il était parti un jour sans un regard en arrière, sans lettre d'adieu posé sur la table. Il s'était volatilisé. J'avais perdu un autre membre de ma famille, un autre pilier à ma vie...

Et ma mère... ma mère qui restait toujours là, près de moi mais pour combien de temps encore ? Combien de temps encore avant qu'elle me dise qu'elle est vraiment amoureuse et qu'elle décidé d'emménager avec son nouveau concubin ? Certes, c'était une joie pour elle et j'en serais heureux. Pour elle, pas pour moi. Pas pour moi car elle aussi, allait me quitter, allait disparaitre peu à peu de mon quotidien. 

Tu es seul...

Et pourtant j'étais entouré de personnes qui profitaient de la ville, des vacances. Des gens partout autour de moi, l'air souriant, l'air curieux, perplexe ou intimidant. De nombreux visages qui étaient aimés, qui n'étaient pas seuls. Et là, au milieu de tous ces gens je me sentais plus isolé que jamais.

J'avais mal à la tête, comme des coups de marteaux sur mon crâne endolori. J'avais la gorge serré, le coeur douloureux. Je me sentais incomplet, je me sentais abandonné. Mais en même temps, je désirais rester dans cette situation : j'allai bientôt repartir, je ne pourrais plus fuir l'étrange attirance que j'avais pour Chelsie. Je n'avais plus Cléore. Nous n'étions plus ensemble. Je ne pouvais plus la tromper, ni lui faire du mal. Elle était libre, j'étais libre. Je savais au fond de moi que je ne pourrais résister longtemps à cette obsession mais il fallait que je règle tout avec Cléore. Je refusais qu'elle souffrît davantage des conséquences de mes actes. J'étais foutu... 

Je me sentais si fatigué, si las de tout ça... je n'avais plus envie de rien ressentir, j'étais dans un abîme sans fin depuis ces derniers temps. Si seulement ça s'arrête...

Je suis seul. Je suis vraiment seul, là, ici. Je suis détaché de la réalité, de tout ce qui façonne ma vraie personnalité. Je peux me contempler, observer la personne que j'étais autrefois : le frère jumeau d'une soeur formidable, le fils adoré de sa mère et de son père, le bon pote coincé qu'on aimait bien, le petit-ami d'une fille exceptionnelle...

Maintenant je suis... qu'un connard dépendant d'une fille superficielle.

Là, je suis... seul. 

Et puis... je la remarque. Elle me fixe intensément.

Elle me fit signe d'entrer et mes jambes lui obéirent malgré moi. Hypnotisé par ses yeux perçants, je traversais la rue et poussai cette fameuse porte que j'avais ouverte innocemment presque un an plus tôt.

- Bonjour Raphaël, me salua Gisèle, d'un ton profondément énigmatique.

J'étais pris au piège.

* * *



Murmures 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant