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PDV Cléore


Je n'osais pas croiser son regard tout de suite en arrivant à sa hauteur. Je vis du coin de l'oeil que lui aussi gardait la tête baissée. On se salua d'un petit "hey" puis commença à marcher lentement. J'attendais patiemment qu'il ouvrît la discussion car c'était quand même lui qui m'avait envoyé un message pour qu'on se voit et qu'on puisse parler. Malgré moi, je percevais sa peur, sa nervosité mais aussi une infinie tristesse. Ou bien n'était-ce que mes sentiments à moi en ce moment ? 

- Merci d'avoir accepté, lança-t-il doucement. 

Je risquais un regard vers lui et je fus troublé de voir combien il avait changé : son teint était pâle, il avait l'air amaigri dans ses vêtements, ses cheveux étaient ternes et en bataille. Mais le plus frappant était ses iris lorsqu'il tourna ses yeux vers moi : sombres. Comme un abîme sans fond où je plongeai brusquement et ça me donna le vertige. Effrayant en songeant à cette brume dorée qui suivait son être. Je respirais profondément en regardant droit devant moi. C'était dur de le voir comme ça.

- Pas de quoi, repris-je, tentant d'avoir un ton calme. De toute façon, il fallait bien qu'on parle de tout ça. De nous...

Il acquiesça en soufflant bruyamment puis me fis signe de se diriger vers ce fameux banc. Le banc des secrets, des révélations. Lorsqu'il m'avait confié pour sa soeur et moi à lui pour mon don. Je souris tristement en songeant à ces nombreuses fois où nous avions discuté de tout ici. 

- Ça me fait souffrir, lâcha-t-il, la voix presque inaudible.

Etonnée, je m'assis près de lui et attendis qu'il poursuive mais il n'en fit rien.

- Qu'est-ce qui te fait souffrir ? osais-je demander, en l'épiant prudemment.

- Cette situation. Moi. Tout. Mes actes surtout. Je me sens comme perdu mais le pire c'est que... enfin bref, tu es là et je me sens mal pour toi. Tu ne mérites pas ce que j'ai fait. Je suis qu'un sale connard...

- Stop, c'est bon je...

Je me tus, ne sachant pas quoi répliquer de plus. Il n'arrêtait plus de s'ébouriffer les cheveux, signe qu'il était désemparé. Et mon coeur se serrait, car sa souffrance me touchait davantage que la mienne. Je me sentais toujours trahie oui mais là, je n'arrivais plus à ce que mes émotions soient en premier plan. Ce que je voulais le plus était sa paix à lui, car sa paix faisait la mienne. 

- Raphaël... repris-je, en le regardant intensément. Oui, c'est vrai, je ne comprends pas ce que tu as fait. Jamais je n'aurais pensé que toi et Chelsie... bref... au lieu de me tromper, tu aurais dû m'en parler si tu ne m'aimais plus. Pourquoi t'être éloigné de moi de cette façon ? Je pensais que toi et moi... que c'était l'amour avec un grand A. En tout cas, ça l'était pour moi...

Il s'agita près de moi, je vis ses yeux verts s'illuminer mais c'était bref. L'éclat volé de ses prunelles assombrit le peu d'espoir que j'avais encore. 

- Je... ne sais plus... je ne sais plus ce que je veux. Je me sens si fatigué mentalement... murmura-t-il. Je ne voulais pas te faire souffrir. Je regrette ça, c'est arrivé comme ça, sans prévenir avec elle. J'ai rien prémédité, je te promets. Mais j'ignore comment faire pour... nous deux. Je n'arrive plus... à rien. Je me sens vide. Mes sentiments, je n'arrive plus à les définir. Comme un tourbillon sans vie.

Ses mots m'avaient bouleversée. Et je refusais d'en comprendre le sens caché. Je refusais de croire.. que lui et moi, que lui, mon premier amour, celui en qui j'avais eu le plus confiance, celui qui connaissait tout de moi, que nous, c'était fini, que nous appartenions au passé. 

Je me levai sans réfléchir, en proie à une souffrance sans nom. Je croyais quoi ? que tout pouvait encore redevenir comme avant ? La confiance était brisée, il n'y avait plus rien à réparer, me susurrait ma conscience et quelques murmures de défunts. Pourtant, mon coeur lui bondissait toujours d'espoir, à défaut de cesser de battre. 

* * * 

PDV Raphaël 


J'étais envahi par un mal-être grandissant au fur et à mesure que je parlais avec elle. Cléore semblait si vulnérable et anéantie, et une partie de moi voulait la rassurer comme avant. Cependant, quelque chose me bloquait. A croire qu'un gouffre me séparait d'elle et ce, depuis un certain temps. Je luttais intérieurement, je savais juste que je ne voulais plus lui faire de la peine. La logique voudrait de mettre un terme définitif à notre histoire et je l'avais sous-entendu il y a un instant et j'attendais qu'elle dise à son tour ce qu'elle pensait. 

Oui, tout était de ma faute. J'avais tout brisé entre nous. Même mon coeur l'était. Cependant, mon esprit ne suivait pas, comme s'il se délectait de ce qui se passait, de ma rupture avec elle. Lorsque j'essayais d'analyser ce sentiment bizarre, je ne sentais que du vide ensuite. Comme si j'étais extérieur à moi-même. D'ailleurs tout ce qui s'était produit, j'avais cette impression d'en être que le spectateur mais ça, ce n'était qu'une excuse de lâche je présume...

- Donc... c'est fini entre nous, dit-elle soudainement. 

Elle avait l'air résigné. Ses mains se serraient en poings. Je sentais qu'elle s'efforçait de ne pas pleurer et ça me rendait fou. Je me levai brusquement et décrétai : 

- J'ai foiré. C'est comme ça, c'est pour le mieux. 

Pour toi... Car je ne mérite pas ton amour.

Je n'arrivais plus à lui faire face. Une souffrance insoupçonnée surgit en moi en la voyant me contempler pour la dernière fois. Ses yeux noisettes, brillants, me lançaient des flèches de douleurs en pleine poitrine. Ma respiration se coupa face à cela.

- Je ferai en sorte que ça soit pour le mieux, souffla-t-elle, mystérieusement.

Puis, elle partit. Sans un regard en arrière. 

Une bourrasque de solitude me prit au dépourvu. J'eus une pensée pour Chelsie et je réalisai que je l'avais oubliée pendant ce moment avec mon amour perdu. Je repris la route pour rentrer chez moi et mon obsession de la revoir revint me hanter. Puis, une pensée me choqua :

Je n'ai pas précisé que je ne suis pas allé jusqu'à l'acte avec Chelsie mais Cléore croit que si finalement...

* * * 

Salut, chapitre peu joyeux. Vos avis pour la suite ? L.



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