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(PDV Rapha)


Tandis que la grand-mère de Cléore me fixait, une angoisse sourde jaillissait dans mon esprit. Je sentais que ma respiration s'accélérait, je compris que je ressentais de la peur. Par rapport à quoi ? ou plutôt à qui ?

La même odeur d'encens me submergeait les narines et eut étonnamment un effet tranquillisant sur ce qui grondait en moi. Gisèle continuait de m'observer et un éclat soudain illumina son regard.

- Mon garçon, tout va bien ? demanda-t-elle, doucement.

- Ou... oui, balbutai-je, ne sachant pas pourquoi j'étais entré dans cette boutique.

Cléore et moi venions souvent ici ces derniers mois car elle avait besoin de certains éléments parfois pour son don (des bougies, des tisanes, de l'encens...) : ce lieu m'étant si familier autrefois, aujourd'hui m'apparaissait comme une menace. 

- As-tu besoin de quelque chose ? Comment vas-tu ? Si tu es venu sans ma petite-fille, est-ce pour lui offrir un cadeau comme la première fois où tu es venu ici ? continua-t-elle, l'expression bienveillante.

Je réfléchis un moment avant de répondre que non et j'inventais une excuse comme celle de passer la saluer vu que j'étais en vacances. Mais même à mes oreilles ça sonnait faux, je supposais qu'elle l'avait compris aussi. Elle s'avança vers moi, et j'eus envie de partir d'ici en courant. Une partie de moi était effrayée par cette dame, je ne savais la raison mais sa proximité me donnait la chair de poule.

- Voudrais-tu boire un thé mon garçon ? Ça fait si longtemps qu'on ne s'est pas parlé !

Elle sourit et malgré moi, je ne pus refuser sa requête.

Elle me remercia d'un sourire et me proposa de m'installer à l'arrière-boutique, là où il y avait un genre de petit salon pour ses consultations. Le mauve des murs me donna un peu le tournis.

- Voilà, Raphaël. 

Je sursautai. J'avais momentanément perdu la notion du temps, et avait commencé à somnoler. Je pris la tasse fumante et les effluves qui s'en échappaient anesthésièrent mon cerveau.

- Ça me fait plaisir que tu sois passé, reprit-elle en prenant une gorgée de son thé. Cléore m'a raconté brièvement que ça n'allait plus entre vous.

Voilà, le piège : elle voulait me parler de Cléore. À la seule mention de son prénom, ce fut comme une brèche dans mon coeur. Et un dégout dans mon esprit. 

- Oui en effet. J'ai été un con. Et je l'ai perdue. Fin de l'histoire.

Mon ton était plus sec que je l'avais prévu. Je refusais de parler de cette souffrance bien que je sache qu'au fond ,j'en étais la seule cause. J'aurais aimé oublier tout ça d'un claquement de doigt.

- Mais ce n'est pas possible, souffla-t-elle subitement. Tu n'es pas Raphaël.

Je la regardais sans comprendre ces derniers mots mais soudain, ma respiration fut coupé. Mon corps se braqua, mes yeux se révulsèrent. Je sentais mais je réfléchissais plus. Quelque chose se frayait un chemin dans mon esprit, la fatigue, la fureur s'emparaient de moi de nouveau, comme ces dernières semaines, mais d'une intensité plus puissante. Paralysé par ces maudites sensations, je m'agrippai à l'accoudoir du canapé tandis que Gisèle me fusillait du regard.

- Va-t-en, tu n'as rien à faire dans ce corps, asséna-t-elle, la voix aussi tranchante qu'une lame.

Puis... le trou noir.

* * *

PDV Gisèle

Mon dieu. Pauvre garçon... Il était hanté par une mauvaise âme. Je la percevais flottant autour de lui, comme un aura. Tellement proche de lui que je crus qu'il était déjà possédé. Je le voyais luttant contre cette force maléfique mais il n'y pouvait rien. Elle avait déjà pris trop de place dans son esprit, dans son corps. Je l'intimai de s'en aller mais elle était beaucoup trop forte. Mais elle n'y perdait rien pour attendre.

Je me levai et me concentrai de toute mon énergie,  je fermai les yeux et imaginai une énergie blanche, un nuage de lumière tout autour de moi, cette force positive m'enveloppait, me submergeait, faisait partie de ma force vitale.

- Je t'ordonne de laisser ce corps, je te somme de partir là d'où tu viens, dans les ténèbres !

Raphaël était inconscient mais l'ombre remuait toujours ses membres, elle désirait prendre le contrôle total de cette enveloppe charnelle et attendait qu'il cesse de lutter. Il fallait que je fasse un plus grand rituel, la tisane avait pour effet de faire sortir l'ombre, de la montrer mais pas de l'anéantir.  Je n'étais pas préparée à ce que ce garçon soit presque possédé.

Ses yeux s'ouvrirent d'un coup. Tellement sombre que je tressaillis instinctivement. J'ignorais comment il avait pu avoir ça sur lui mais c'était terrifiant, j'en avais vu des spectres, des ombres durant ma vie mais celle-là était l'essence même d'un... démon. 

- Tu ne peux rien contre moi, s*****, gronda une voix d'outre-tombe.

Il se leva, un rictus déformant son visage. Je gardais mon sans-froid tandis qu'il s'avança vers la boutique. Je courus rapidement mais il ne renversa qu'une table rempli d'objets religieux... avant de sortir précipitamment, sans que je ne puisse le retenir.

J'étais désemparée. c'était bien plus grave que je ne le croyais. Comment faire pour aider Raphaël ? À ce rythme-là, cette ombre prendrait peu à peu le contrôle et l'âme de ce garçon, le grand amour de ma petite-fille serait perdu à tout jamais... 

Je devais reprendre la vieux grimoire de famille. Je n'avais jamais pratiqué d'exorcisme mais il allait falloir que je m'y prépare. Mon intuition me prévenait d'un danger imminent. Je devais prévenir Cléore de la situation. Il fallait qu'il revienne dans ma boutique afin que je puisse tenter de le libérer de cette emprise maléfique, avant qu'il ne soit trop tard ! 

Je remis la petite table en place et ramassai péniblement les croix et les statues d'anges, les pendentifs : tous étaient d'un noir d'encre et avait perdu de leur éclat.

Mon sang se glaça en les touchant. Pareille force ne pouvait venir naturellement sur une personne. Pourquoi Raphaël serait hanté ? Comment a-t-il pu attraper cela ? Pourquoi lui ?

Ou bien... était-ce une cible parfaite pour faire souffrir Cléore ? Le Mal était partout et il était particulièrement insidieux avec les bonnes âmes, les âmes pures, sensibles au monde, les médiums...

- ô anges et archanges de la puissance céleste, venez à mon aide car.....

* ** 

Salut, bonne lecture. LL.

Murmures 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant