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(Cléore)


Raphaël s'assit près de moi, en triturant ses doigts, en signe de nervosité. Je l'étais moi aussi. Tout est devenu compliqué en un rien de temps entre nous et pourtant on était là, aujourd'hui, assis l'un près de l'autre, ne sachant pas par où commencer, car mettre des mots sur ce que l'on avait vécu rendrait la situation plus "réelle", si je pouvais dire cela.

- Comment ça va  toi ? commença-t-il, en me regardant fixement dans les yeux.

Chose qui s'était rarement produite depuis longtemps. J'étais étonnée de croiser son regard. Il n'était plus rempli de noirceur et arborait la petite étincelle qui me réchauffait toujours le coeur depuis notre rencontre. Le vert de ses prunelles étincelait, libéré de cette ombre qui l'obscurcissait de force. Je déglutis, sentant les pulsations de mon coeur dans tout mon corps.

- Ça va, finis-je par répondre d'une petite voix. Mieux, je veux dire. 

- Je vois...

Il ignorait par où commencer et je l'aidais à comprendre la situation. Le parfum, Chelsie, son changement de comportement, les disputes, notre éloignement puis... la soirée. 

- Je me rappelle vaguement de cette soirée, avoua-t-il, les traits tirés. Je me souviens juste de ton expression quand tu nous as vues sortir de la pièce mais...

- Il s'est passé quoi au fait ?

Peu importait la réponse, je devais savoir. Il exhala longuement avant de poursuivre : 

- J'étais dans la salle de bain. Elle est entrée. Elle a essayé de.. me séduire. J'étais envouté par son... son satané parfum. Je ne pouvais rien contrôler. On s'est un peu touchés je crois.

Il baissa la tête, le ton dégoûté. 

- Sexuellement ? insistai-je.

- Oui, c'est ce que je ressens en tout cas.

J'eus un peu de mal à respirer, je ne pouvais m'empêcher de me sentir jalouse, pire trahie. 

- On n'a jamais eu de rapports sexuels par contre.

- Vraiment ?

- Non pas d'acte sexuel. 

- Sauf quand je vous ai surpris. Vous alliez le faire.

- Sûrement. Mais je pense pas qu'on l'aurait fait au final.

- Pourquoi ?

- Tu me demandes encore pourquoi ?

Sa voix était devenue plus douce et il me regardait sauf que j'étais incapable de soutenir son regard. 

- Cléore ?

Je tentais de réprimer mes larmes mais juste  à l'idée d'elle et lui, allant jusqu'à partager cet intimité, ça me brisait le coeur. C'était plus qu'un acte sexuel pour moi, c'était un échange sacré entre deux êtres humains.

- Cléore. 

Il me prit la main et pendant une seconde d'égo pur, je voulus la retirer mais au fond je savais que ce n'était pas de sa faute. Qu'il n'aurait jamais fait ça en temps normal. 

- Même s'il y avait ce truc qui me donnait envie d'aller plus loin avec elle, il y avait une part de moi, toujours lucide, qui me murmurait de ne pas le faire, que c'était mal. Même si c'était puissant et que je ne pouvais rien contrôler, je sais, j'en ai la conviction, qu'au moment de l'acte, je l'aurais arrêté. 

- Je n'en suis pas si sûre, soufflai-je.

Il parut peiné par ma réponse.

- Je peux comprendre, reprit-il, le ton blessé. Je t'ai fait souffrir, sort ou pas. Je t'ai fait du mal, je suis allée voir ailleurs, acte sexuel ou pas. Je t'ai trahi c'est vrai. Je ne mérite plus ta confiance, je le sais bien. Je t'ai abandonnée...

il se tut, envahi par l'émotion.

- Je t'ai laissé à ton sort aussi, tu n'es pas le seul à être blâmer. J'aurais dû plus avoir foi en toi, en ton amour pour moi. Je n'ai pas eu confiance, je n'aurais pas imaginé qu'elle aurait utilisé de la sorcellerie entre nous. J'aurais dû mieux comprendre les signes : ton aura grisâtre, ta baisse d'énergie, le changement de comportement etc. Je suis désolée pour ça.

Il me pressa la main, m'invitant à lever les yeux vers lui. 

Je n'y lus que de la tendresse, de la bonté dans les siens et ça me réchauffa le coeur.

- Je devrais te remercier en fin de compte. Tu m'as sauvé. 

- C'est surtout ma grand-mère Gisèle qui a fait ce qu'il fallait, moi...

- Tu étais là. Tu m'as empêché de... rejoindre ma soeur.

- Ça m'aurait dérangé c'est sûr !

Je sursautai. Quand on parle du loup... L'esprit d'Élysée se matérialisa devant nous.

- Dis-lui que s'il avait osé me rejoindre, je l'aurais fait chier jusque la fin des temps.

Je souris ce qui alerta le petit Rapha :

- Quoi ? Ma soeur est ?

- Yep. Elle te dit qu'elle t'aurait soulé jusque la fin des temps si tu avais osé faire ça.

Ses lèvres s'étirèrent, émus et soulagés.

- Ça sera pour plus tard, beaucoup plus tard, soeurette.

- Dis-lui que je veille sur lui. Sur vous. Prenez soin de vous.

Ce que je fis à l'instant et je craignis que Rapha ne fondît en larmes après ça. Elle se volatilisa, laissant un silence paisible nous envelopper par la suite.

- Je ressens de la colère envers Chelsie. J'ai bien envie de lui dire ses quatre vérités à celle-là. Bordel, je me sens sali. Dire que j'ai failli faire ma première fois avec elle ! Je suis dégouté. Heureusement on m'a préservé de cette erreur. 

- Crois-moi, elle aura ce qu'elle mérite pour avoir joué avec la magie noire.

- C'est-à-dire ?

- Le retour à l'envoyeur, disons.

Il acquiesça, songeur. Je tentai de mettre cette garce dans un coin de ma tête, je ne voulais plus avoir affaire avec elle pendant un moment. Même si, un soupçon d'inquiétude persistait face à ce qui pourrait lui arriver. Mon côté trop gentille, trop sensible m'agaçait parfois.

- Je peux rester ici ? Ou tu préfères que je m'en aille ? Je peux voir avec Eric si je peux squatter son appart...

Je frémis d'indignation. Il comptait s'éloigner de nouveau ? Il m'avait trop manqué. Même si tout avait changé, je le voulais près de moi.

- Tu peux rester, dis-je avec assurance. Tu n'es pas obligé de partir, je veux que tu fasses ce que tu préfères. Mais tu peux rester, ça me dérange pas, au contraire, je...

- Merci, me coupa-t-il, avec un petit sourire en coin. Merci Cléore. Pour tout. 

Je hochai timidement la tête. Nous nous contemplâmes un moment et une tension électrique commença à peser dans l'air. Mon coeur battait la chamade, je ne pouvais m'empêcher de fixer ses lèvres. Je voulais y remettre mon empreinte, effacer l'autre et d'y apposer la mienne. Ses cheveux avaient un peu poussé et bouclaient sur sa nuque, au milieu de ses joues, faisant ressortir ses prunelles claires. Il était toujours aussi beau, voire davantage avec cette énergie mélancolique qui émanait de lui désormais. Malgré tout ce qui s'était produit, il m'attirait toujours, c'était clair. Voire encore plus qu'avant.

* * * 

Hey, je suis contente de te retrouver avec un nouveau chapitre. Ton avis sur ce qu'il va arriver à Chelsie ? Et pour nos deux héros ? Merci de me lire, à très vite ! L.



Murmures 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant