24. Trahison

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Ce ne fut qu'après avoir cherché dans le Camp de long en large, et ratissé chaque parcelle de la forêt, qu'Étoile de Neige dut se rendre à l'évidence : son Clan s'était bel et bien volatilisé. Une bouffée de terreur l'envahit ; qu'avait-il bien pu se passer ? Elle essaya de se rassurer, de se convaincre qu'ils ne pouvaient être tous morts, leurs cadavres joncheraient la clairière. Où qu'ils soient, ils étaient encore en vie, forcément en vie. Elle devait se raccrocher à cette idée, coûte que coûte. La nuit était désormais tombée, et bien que la peur lui eût coupé l'appétit, la meneuse prit conscience que si elle ne mangeait pas ni n'en profitait pour se reposer, jamais elle ne serait d'attaque le lendemain pour partir à la recherche de son Clan. Elle trouva pourtant la réserve entièrement vide, et abandonna donc ses idées de repas, n'ayant ni la force ni la foi de parcourir la forêt à la recherche d'une proie, et se hissa jusqu'à son antre. Là où elle l'avait laissée, sa couche de mousse demeurait, pourrie et décomposée. La meneuse lâcha un soupir triste. Et le poison de la culpabilité s'enfonça un peu plus dans ses veines. Si seulement elle avait été là, si seulement elle... Nouveau soupir. Elle pouvait se blâmer autant qu'elle était capable de le faire, cela ne ramenait pas son Clan ; ils avaient besoin d'aide, c'était tout ce qui comptait. Elle était de retour, et donnerait jusqu'à son dernier souffle pour les retrouver.

Elle dormit peu cette nuit-là.

Et au matin, ce fut la sensation d'une queue posée sur sa bouche qui la tira du sommeil troublé dans lequel elle avait fini par sombrer. Se redressant en sursaut, elle allait protester, quand une petite voix siffla entre les dents de l'intrus :

« Ne fais pas de bruit, le Clan de la Nuit est là, si tu ne veux pas qu'on se fasse prendre, je te conseille de ne pas bouger une seule moustache. »

Étoile de Neige s'exécuta, mais retint une exclamation surprise lorsqu'elle identifia le chat à ses côtés. Une petite femelle à l'air farouche mais aux yeux effrayés. Nuage de Plume ! La meneuse aurait voulu la presser de questions, la presser contre elle aussi, mais l'air dur de sa nièce la convainquit que la menace au-dehors était sérieuse, et qu'il lui faudrait s'armer de patience. Alors, elles attendirent. Longtemps. Jusqu'à ce que les voix au-dehors eurent disparu. Pourtant, même là, la jeune apprentie ne s'apaisa pas, sa queue balayant furieusement le sol.

« Il faut qu'on s'en aille. La patrouille de l'Aube c'est toujours des branquignoles, ils ne cherchent pas réellement, mais le territoire va bientôt grouiller de chats et ils auront tôt fait de nous sentir.

– Qui, ils ?

– Plus tard Étoile de Neige. S'il te plaît, il faut qu'on s'en aille, je veux- je veux pas retourner là-bas... Et s'il met la patte sur moi, il va me tuer pour l'exemple... »

La jeune femelle, malgré les airs bravaches qu'elle se donnait, semblait réellement terrifiée. Étoile de Neige hocha la tête, et se faufila donc hors de la grotte, les sens en alerte, attentive au moindre son, la plus petite odeur suspecte. Quoi qu'il ait bien pu se passer pendant son absence, cela semblait avoir traumatisé Nuage de Plume, et elle se fit la promesse qu'elle ne laisserait plus personne faire de mal à l'apprentie. Filant ventre à terre, la meneuse l'entraîna vers le seul endroit qui lui était venu à l'esprit, où elles seraient en sécurité, et où elles pourraient reprendre des forces – les côtes apparentes de sa petite protégée ne lui avaient pas échappées – et surtout, où Nuage de Plume pourrait lui faire le récit de tout ce qu'il s'était passé pendant son absence. Le soleil était bien levé lorsque les deux fugitives atteignirent la Source de Lune. À l'écart des quatre territoires, les risques qu'une patrouille les y surprît demeurait infime, et protégées par leurs ancêtres, elles ne risquaient si c'était le cas pas de se faire attaquer.

Les Clans du LacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant