21. Cadeau du passé

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Qui, de ses flancs déchirés et brisés ou de son épaule démise réveillèrent Étoile de Neige, elle n'aurait su le dire. Mais une chose était certaine, la douleur atroce de son corps l'avait tirée de l'inconscience, lui sauvant probablement la vie au passage. La meneuse blanche voulut se relever, mais fut bien contrainte d'abandonner, le souffle coupé. Un éclair de panique la saisit. Son ventre se noua, sa respiration s'emballa, ses pattes commencèrent à trembler. Elle ignorait où elle était. Et depuis combien de temps elle s'y trouvait. Étoile de Neige essaya alors de rassembler les quelques éléments qui auraient pu répondre à ses interrogations. Mais rien ne venait. Elle se souvenait de la violence de la bataille, puis d'un choc. Elle s'était réveillée une première fois, le froid mordant des rapides l'ayant rapidement saisi. Et puis un choc l'avait de nouveau plongée dans les abysses, avant qu'elle ne se retrouvât ici. Un frisson la parcourut. Elle se rendait lentement compte d'une chose terrifiante. Elle avait sous-estimé Étoile Tachetée. Sa folie. Sa détermination. Ce qu'il était prêt à faire pour se débarrasser d'elle, pour dominer le Lac. S'insinua alors en elle une peur plus terrible encore. Qu'était-il capable de faire subir à son Clan en son absence ?

Il fallait qu'elle se reprît, il fallait qu'elle sortît de là. La meneuse tâcha de nouveau de se lever, mais seule, elle n'y parvint pas. Son corps tétanisé d'engourdissement refusait tout simplement de lui obéir. Une larme roula sur sa joue. Pour ce qu'elle en savait, elle pouvait se trouver à des jours et des jours de marche de son Camp, la rivière l'avait probablement amenée très loin de chez elle. La stratégie de son ennemi semblait assez claire, et terriblement logique. Étoile Tachetée ne pouvait pas se contenter de la tuer, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle perdît sa dernière vie. Pas en pleine bataille, alors que tout le monde pouvait venir à son secours. Et son héréditaire némésis ne cherchait pas simplement à l'éliminer, oh non, il était bien plus intelligent que cela. Il voulait mettre son monde à feu et à sang, et qu'elle le regardât brûler. Il voulait la détruire. Une peur affreuse l'envahit. Pour son Clan, pour sa famille, pour elle un peu aussi. Et puis, sa nature angoissée prit le dessus. La fit suffoquer. Elle avait besoin d'air, qu'on la rassure, qu'on la guide. Que la douleur cesse, aussi. Et avec elle, les terribles bourdonnements dans ses oreilles. Un bruit. Bruissement d'un buisson au loin. Comme elle pouvait, elle se ramassa, prête à défendre chèrement sa peau, bien que certaine de ne pas faire le poids même face au plus innocent des chatons. Ce fut pourtant un très jeune chat qui sortit des broussailles, pourchassant un papillon, et se figea en voyant la guerrière bien mal en point.

« Tu vas bien ? Mais... c'est du sang ? Tu viens d'où ? Ton pelage est trempé, tu reviens de la rivière ? Oh, tu as été prise dans les rapides ? Louis il connaît un chat qui s'est fait emporter par le courant et qui en est mort. Y'a des cailloux partout, comment tu t'en es sortie ? »

Étoile de Neige tenta à plusieurs reprises d'ouvrir la gueule pour répondre mais finit par abandonner, comprenant bien que le chaton n'allait pas lui laisser s'expliquer tant que son flot de questions ne se serait tari. Flot qui semblait presque aussi puissant que la rivière derrière elle, et les courants auxquels elle avait par miracle échappé. Une grimace douloureuse déforma son visage, alors qu'une pensée traversa son esprit. Cœur de Soleil était un peu pareil, à son âge, son cerveau filant bien trop vite pour qu'elle ne pût satisfaire sa curiosité. Allaient-ils seulement bien, tous ? Ses pensées semblaient incapables de s'éloigner des chats dont elle avait la responsabilité, et qu'elle venait d'échouer à protéger. À l'inquiétude se mêla la colère, qui finit d'ailleurs par balayer cette première. Elle allait lui faire payer, mais pour cela, il fallait qu'elle sût où elle s'était retrouvée, et que le félin devant elle acceptât de coopérer.

« Si tu veux des réponses tu devrais me laisser parler, finit-elle par articuler, ce qui eut à son grand soulagement l'effet escompté. Je vis près du Lac, je n'ai pas la moindre idée d'où je suis, mais il faut que je rentre chez moi.

Les Clans du LacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant