Les Clans du Lac

1. Huit lunes plus tard

Une jolie chatte au pelage blanc immaculé et aux magnifiques yeux bleus regardait le ciel d'un air angoissé. Le temps était lourd, l'air chargé d'orage. La nuit serait difficile. La femelle s'empressa de rentrer au Camp, espérant que la pluie qui s'annonçait voulût bien attendre qu'elle fût à l'abri pour tomber. Elle longea le lac autour duquel les quatre Clans vivaient, plus ou moins en harmonie. Depuis bien des lunes, le Clan auquel elle appartenait cohabitait avec les trois autres dans cette forêt primaire, jamais touchée par les humains. Le Clan de la Nuit vivait là où la forêt était la plus dense, si bien qu'il y faisait très sombre. Jamais le soleil ne venait réchauffer leurs pelages, de ce rendait leurs prunelles majoritairement claires très sensibles, dû à la pénombre constante qui régnait. Les légendes racontaient que Nuit Obscure, la toute première chef et fondatrice de ce Clan, eût choisi ce lieu pour bâtir les prémices de ce que le Clan de la Nuit était aujourd'hui, afin de soulager son compagnon, dont les prunelles presque blanches ne supportaient pas une lumière trop vive. Le territoire, se situant au nord du lac, possédait une frontière commune avec le Clan du Soleil. La jeune femelle éprouva une bouffée de fierté en songeant à son Clan. Situé dans une partie moins dense de la forêt, son territoire possédait de nombreux atouts. Aux prémices de la création des Clans, il avait été décidé que leur territoire serait situé à l'ouest du lac pour honorer son chef, Soleil Levant, et offrir ainsi à sa progéniture un magnifique lever de soleil, chaque matin de l'année. À l'opposé du Clan de la Nuit, se trouvait une petite rivière qui prenait source plus loin dans les montagnes, avant d'aller se jeter dans le lac. Elle marquait la frontière entre le Clan du Soleil et le Clan de l'Eau. Il avait été convenu qu'elle appartenait aux deux Clans, bien que seul le Clan de l'Eau ne sût réellement pêcher. Enfin, à l'opposé du Clan du Soleil, se trouvait le dernier Clan, avec qui il n'avait aucune frontière commune. Le Clan du Mistral vivait dans une partie de la forêt où les arbres étaient moins nombreux, et où le vent soufflait très fort sur la plaine. Soleil Levant, Nuit Obscure, Goutte d'Eau et Mistral Glacial, les quatre fondateurs de leur civilisation actuelle, étaient respectés dans tous les Clans, sans distinction d'appartenance.

Une grosse goutte tomba sur le nez de la femelle au pelage immaculé, qui reporta son attention sur le ciel obscur. Les nuages sombres masquaient la lune et les étoiles, libérant enfin leur colère. Un frisson lui parcourut l'échine. Loin d'être terrifiée par l'orage, elle ne l'aimait pas spécialement, et préférait ne pas se trouver exposer lorsqu'il éclatait. Elle accéléra alors son allure, jusqu'à se mettre à courir quand les gouttes se firent plus rapprochées, se transformant rapidement en véritable déluge. Elle passa sous la barrière de ronces qui protégeait l'entrée du Clan, et se précipita dans une tanière un peu en retrait des autres. Une fois à l'abri, elle s'ébroua, faisant voler autour d'elle de nombreuses gouttes, ce qui lui attira un regard noir de la part d'une autre femelle au long pelage brun tigré.

« Étoile de Neige si tu pouvais aller te sécher ailleurs que dans ma tanière je t'en serais très reconnaissante ! »

La meneuse sourit. Feuille de Chêne la guérisseuse, et accessoirement sa meilleure amie, ne s'empêchait jamais de la rabrouer, contrairement à bon nombre de guerriers pourtant plus âgés qu'elle. Nées à seulement un quart de lune d'écart, les deux femelles avaient grandi ensemble, et si Étoile de Neige avait suivi la voie des guerriers et Feuille de Chêne celle des guérisseurs, rien n'avait pu les séparer, et les empêcher d'effectuer, ensemble, leur apprentissage. La femelle brun tigré l'avait aidé à de nombreuses reprises, s'était vue confier ses doutes et ses angoisses, et surtout, avant été là pour elle lors des deux périodes les plus difficiles de la vie d'Étoile de Neige. Celle-ci était fière de compter dans son Clan une chatte aussi fidèle, qui plus est au rang essentiel et à l'énorme responsabilité de guérisseuse.

« J'ai tes graines de pavot ! lui déclara la meneuse en déposant lesdites graines aux pattes de la chatte brune.

– Mais tu n'es pas sortie par ce temps uniquement pour des graines que j'aurais pu aller chercher demain, je me trompe ? »