Les Clans du Lac

5. Le message des anciens

Nuage d'Étoile, roulé en boule dans sa litière, dormait profondément. Ses songes l'entraînaient loin de son Clan, au delà de la frontière, dans le Camp du Clan de l'Eau, aux côtés d'une superbe femelle argentée et blanche. Nuage Brumeux obnubilait ses pensées, et le jeune apprenti-guérisseur s'en sentait extrêmement coupable. Il ne lui serait pourtant jamais venu à l'esprit de briser le vœu qu'il avait effectué en choisissant la voie de guérisseur, mais il ne pouvait s'empêcher d'avoir honte d'y songer tout-de-même. Non seulement sa beauté le fascinait, mais sa personnalité l'émerveillait comme jamais personne ne l'avait fait. Elle dégageait un aura de joie, de malice, de bonté, de vivacité... Un réel aura de bonheur pur, en réalité. Mais le futur guérisseur ignorait s'il s'agissait d'amour vrai, ou simplement une fascination pure.

Mais alors qu'il songeait à elle, le décor changea brusquement, et le matou se retrouva dans une grotte dans laquelle il n'avait jamais posé les pattes, dans des montagnes qu'il n'avait jamais vu. Intrigué, il explora l'immense caverne, cherchant un sens à ce dont il rêvait. La neige semblait tomber drue au dehors, alors que quelques flocons rebelles venaient se poser sur la fourrure de Nuage d'Étoile. Un frisson le parcourut. Il ignorait où il se trouvait, et il détestait ça. La grotte, immense et très haute, semblait convenir à merveille à un rêve comme celui-ci, mystérieux et intriguant, mais l'apprenti eut le sentiment que cette caverne était réelle. Qu'un certain lien le liait à elle, même. Des litières de mousses se trouvaient de ci de là, rassemblées parfois en petit groupe, sans qu'aucun de ses habitants n'y fut endormi. Mais quelque chose l'intriguait bien plus encore dans cette grotte. Elle semblait... intemporelle. Comme ancrée dans le passé. Se pouvait-il que ce fut le cas ?

Un mouvement se fit alors sur la gauche, et son regard se tourna immédiatement dans cette direction, cherchant son origine. Une toute petite femelle à la fourrure d'un blanc pur, plus blanche encore que celle de sa mère, se tenait devant lui. Nuage d'Étoile s'apprêtait à lui demander qui elle était, quand il réalisa qu'elle ne pouvait pas le voir. À ses côtés, se tenait un matou aussi jeune qu'elle, au pelage de feu. Littéralement. Le roux de ses poils donnaient naturellement l'impression qu'ils s'embrasaient, et ses prunelles étaient du même orange de feu. Le chaton était vraiment beau à en couper le souffle... Un troisième mâle se tenait aux côtés des deux premiers, son pelage cendré contrastant avec celui de son frère. Si le premier était le feu, alors le second représentait la cendre qui naît de la braise. Nuage d'Étoile passa un long moment à observer ces trois là qui jouaient sans le voir, insouciants. Une voix parvenue de derrière lui se fit entendre, le faisant sursauter.

« Ce que nous pouvions être naïf à cette époque. Nous n'avions aucune idée de ce qui nous attendait. Les grands débattaient déjà à propos du Voyage, et de s'il fallait écouter ou non la parole de nos pseudo-ancêtres, pendant que nous ne songions qu'à jouer, et attendre que notre mère détourne le regard pour aller toucher cette neige qui nous attirait tant. Si seulement nous savions. À choisir, je ne sais pas si j'aurais mieux fait de rester dans cette grotte pour toujours, enfermé mais sauf, ou bien vivre libre et mourir comme je l'ai fait. »

Pendant que le chat, puisque c'en était un, parlait, Nuage d'Étoile n'avait cessé de fixer les chatons de quelques lunes seulement, avant de finalement se retourner vers celui à l'origine de ces propos. Dès l'instant où son regard se posa sur lui, une impression familière se dégagea de lui. Nuage d'Étoile, persuadé de l'avoir déjà vu, et ce il y a peu de temps, tourna sa tête vers les chatons quand, avec un regard amusé, le chat lui désigna un des petits. L'apprenti-guérisseur comprit alors, et ce sans grande difficulté, que le petit mâle cendré et son nouvel interlocuteur n'étaient qu'une même et unique personne. Avec simplement de nombreuses lunes d'écart.

« Qui êtes-vous ? demanda alors le petit chat noir et blanc, intrigué. Et que faites-vous dans mon rêve ? D'ailleurs, où sommes-nous ?

– J'ai eu de nombreux noms, mais je pense que tu me connais sous le nom de Sombre Fumée, répondit le chat d'une voix posée, avec cependant une pointe de malice.