Prologue

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La lune brillait haut dans le ciel étoilé, où nul nuage n'était venu troubler cette nuit brillant de milles feux. Le Camp était silencieux. Un matou au pelage gris cendré-bleu montait la garde, seul. Un cri lui parvint aux oreilles sans qu'il ne bronchât. Il savait d'où cela venait et qui l'avait produit, il ne s'en inquiéta donc pas outre mesure, et continua sa surveillance vigilante. Dans une tanière non loin de là, le chat qui avait poussé ce cri empli de douleur et de désespoir était étendu sur une mince couche de fougères. Ses flancs gonflés se soulevaient à une allure bien plus rapide qu'ils n'en avaient l'habitude. La femelle, puisque c'en était une, serra les dents. Son pelage d'un blanc pur immaculé était collé à sa peau par la sueur. Elle laissa de nouveau échapper un gémissement douloureux alors qu'elle fut prise d'une violente contraction. Elle se trouvait là depuis que le soleil s'était couché, mais cela lui semblait être une éternité. À ses côtés, un chat apparemment plus jeune, au pelage aussi blanc qu'elle, si ce n'était la queue et les oreilles qu'il avait noires, de même qu'une longue bande sur le haut de son dos, la regardait, impuissant. La chatte à l'agonie plongea ses prunelles bleues d'une rare profondeur dans celles du chat, et lui adressa ce qu'elle espérait être un regard rassurant. Elle se crispa une nouvelle fois. La contraction était bien plus forte que les précédentes cette fois-ci. Le premier arrivait.

« Respire, tout va bien se passer. Tu t'en sors merveilleusement bien pour le moment. »

La voix rassurante de la guérisseuse lui redonna des forces. Après de longues minutes de souffrance bien plus intense, un petit chaton sortit. La jolie femelle brune tigrée s'empara de la petite boule de poils, et commença à le lécher énergiquement. Une fois que ce fut fait, la guérisseuse le déposa contre le ventre de la jeune mère. Celle-ci poussa une longue plainte et regarda l'être à qui elle venait de donner vie. Son pelage était noir comme la nuit et constellé de petites taches blanches, rendant le tout semblable à une nuit étoilée. Son regard s'attendrit à cette pensée, mais elle se crispa de nouveau en étant prise d'une énième crampe. Un bien trop long moment après, le deuxième sortit avec une plainte plus déchirante encore de sa mère. Une nouvelle fois, la guérisseuse entreprit de lécher vigoureusement le tout petit animal avant de le déposer aux côtés de son frère. La reine posa son regard embrumé par la fatigue sur le nouveau-né. Il était doté d'un beau pelage doré immaculé. La vision de ces deux êtres si fragiles la fit revenir de nombreuses saisons en arrière. Des larmes qui n'étaient pas dues à la douleur montèrent à ce souvenir. Il lui manquait quelque chose pour être parfaitement heureuse. Quelqu'un, plus exactement.

« Tu ne pourrais pas souffrir en silence s'il te plait, tu empêches le Clan de dormir ! » lui ordonna sèchement le matou cendré qui venait de passer la tête par l'entrée de la tanière.

L'autre chat blanc le chassa sèchement. « Va-t'en Pelage de Pierre ! Va cracher ton venin ailleurs ! » Mais son intervention avait permis à la jeune mère de reprendre pied avec la réalité. Elle mit toutes ses dernières forces dans l'accouchement du chaton restant. Cette fois-ci pourtant, tout se passa presque avec douceur. Une minuscule chatte blanche avec le bout de la queue noire se retrouva rapidement lovée contre ses frères. La mère, haletante, laissa retomber sa tête sur le tapis de fougères. Ses oreilles sifflaient, et sa vue se brouillait tant son épuisement était total. Le grand chat blanc tacheté de noir à ses côtés vint tendrement lécher une de ses oreilles. Elle le regarda en souriant, heureuse, puis reporta son regard sur sa progéniture. Elle lâcha un léger soupir. Pas un n'avait le pelage de son défunt compagnon. En revanche, le premier-né lui ressemblait énormément. Mis à part la fourrure, il était réellement son portrait craché. Elle passa doucement sa queue sur leur petits corps endormis.

« Ils sont vraiment magnifique, Étoile de Neige, » lui souffla tendrement Feuille de Chêne, la guérisseuse.

La meneuse sourit. Elle n'avait pas réellement désiré ces chatons, car elle pensait qu'ils l'auraient empêché de mener à bien son rôle de lieutenant, puis de chef, son prédécesseur ayant tragiquement perdu sa dernière vie moins d'une lune plus tôt. Mais cela n'avait pas été le cas, et elle les avait tout de même aimé dès le premier instant. Et aujourd'hui, elle était heureuse de les voir enfin.

« Comment vas-tu les appeler ? demanda doucement Pelage de Flocon, le troisième chat, en contemplant ses frères et sœurs.

– Petite Étoile sera le nom du premier, Petit Soleil du deuxième, et la femelle sera Petite Hermine. »

La matou blanc et noir hocha la tête, semblant approuver.

« Bienvenu au Clan du Soleil tous les trois ! »

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