8. Premières escapades

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Le soleil n'avait pas terminé de se lever, mais Nuage d'Hermine était déjà bien réveillée, et marchait dans la forêt, anxieuse à l'idée de se faire prendre. Si elle croisait la patrouille de l'Aube, elle pouvait toujours prétendre avoir pris l'initiative d'aller chasser, ne supportant pas de rester coincée dans la tanière des apprentis, mais elle risquait de se faire réprimander par Pelage de Flocon, son mentor, car il avait certainement prévu de l'emmener s'entraîner. D'autant plus qu'elle était revenue blessée de la bataille de la veille, et il était donc hautement improbable qu'elle allât chasser au lieu de profiter d'un repos amplement mérité. Pourtant, aucune de ces perspectives, qui n'enchantaient guère la jeune apprentie, n'auraient pu la détourner de son but. Elle devait le revoir. Depuis la veille, son esprit était obnubilé par son image, notamment celle de ses deux grands yeux verts, et elle était hantée par le désir de le voir de nouveau. Par un besoin même, de lui parler, de le voir, de lui rappeler son existence. Ce besoin était devenu une obsession, et la jeune femelle avait passé la nuit à tenter de chercher un moyen de le revoir. Finalement, elle avait profité de l'agitation provoquée par la mise bas de Lune Noire pour s'éclipser. Il fallait simplement espérer que son frère ne la dénonçât pas, mais complices comme ils étaient, elle savait qu'elle pouvait compter sur son soutien.

Cela faisait désormais près d'une demi-heure qu'elle errait dans la forêt, en direction de la rivière, sursautant au moindre craquement de branche, de peur que ce ne soit un membre de son Clan. La nuit commençait tout doucement à se lever, alors que les étoiles déclinait dans le ciel qui s'éclaircissait lentement. Autour de Nuage d'Hermine, les proies commençaient à sortir timidement le bout de leur museau, retournant précipitamment à l'abri lorsqu'ils apercevaient la fourrure blanche de l'apprentie. Celle-ci ne cherchait d'ailleurs pas à être discrète, elle n'était pas venue ici pour chasser - ou du moins, pas du gibier. L'herbe perlaient de mille gouttes d'eau dans lesquelles le soleil venaient se refléter, rendant le paysage forestier presque féerique. Mais une fois encore, Nuage d'Hermine n'avait que faire de ce paysage enchanté. Elle marchait droit, son but précis englobant toutes ses pensées, n'accordant aucune attention au monde extérieur. Ce fut ainsi qu'elle atteignit les limites du Clan du Soleil, avant même que le ciel ne commençât à prendre les tintes orangées caractéristiques de l'aube. Les rives, désertes, étaient vides de la moindre vie animale. Jusqu'au moment où un mulot sortit le museau de son terrier, s'aventurant dans le jour en devenir à la recherche de nourriture. Nuage d'Hermine songea en le regardant de loin qu'il faudrait impérativement qu'elle chasse sur le chemin du retour afin d'avoir un alibi quant à sa sortie nocturne injustifiée.

Soudain, une forme grise surgit des fourrées et atterrit sur la pauvre bête qui émit un unique couinement. Nuage d'Hermine, reconnaissant Cœur de Loup, bondit dans le buisson le plus proche, priant le Clan des Étoiles pour qu'il ne l'ait pas aperçue. Mais le guerrier, concentré sur sa prise, ne semblait pas l'avoir vue. Il pressa sa truffe contre la fourrure encore chaude de l'animal, et murmura de sa voix douce :

« Merci, Clan des Étoiles, pour avoir mis cette proie sur mon chemin. Pardonne-moi, mulot, et merci de faire partie de la chaîne, et de me permettre de nourrir mon Clan. »

Il attrapa alors le petit animal et retourna dans la forêt, s'éloignant de Nuage d'Hermine qui le regardait avec un mélange d'amusement, de consternation et de pitié. Depuis toujours, Cœur de Loup avait pour habitude de remercier leurs ancêtres pour chaque proie qu'il tuait, de demander pardon à ladite proie, et de la remercier de lui permettre de nourrir son Clan. Bon nombre de ses camarades avaient fini par ne plus s'en préoccuper, mais cela continuait de faire rire les apprentis, pas encore habitués à cette curieuse manière d'être. Le caractère trop doux de Cœur de Loup ne cesserait certainement jamais d'étonner ses camarades.

Les Clans du LacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant