Chapitre 8 | Meurtrière

578 59 60
                                    

Yra bondit sur la dague qui trainait sur la table basse. Pour empêcher Deric de se retourner contre elle à l'accusation de Miranda, ou pour venir au secours de la jeune femme; elle ne se laissa pas le temps d'hésiter.

À peine avait-elle atteint la lame qu'elle entendit un craquement sourd qui lui retourna l'estomac. Elle pivota promptement, dague en main, le sang battant dans ses tempes.

Deric projeta Miranda contre le mur aussi facilement que si elle avait été une poupée de chiffon. La jeune femme glissa sur le sol, ses membres mous tordus dans un angle peu naturel.

Yra avala durement, son cœur prêt à exploser, chaque fibre de son corps aussi tendue qu'une corde d'arc.

Deric se retourna vers elle, les yeux injectés de sangs, des veines noires saillantes pulsant le long de ses tempes telles des racines meurtrières. Sa lèvre supérieure était recourbée sur ses canines acérées. Une férocité d'un autre monde déformait ses traits; un monde fait de violence, de sang et de mort. Le monstre, d'abord si bien dissimulé sous son allure raffinée, montrait maintenant son vrai visage.

Inhumain.

Immortel.

La vérité contre laquelle Miranda avait tenté de la mettre en garde la frappa de plein fouet, l'aurait fait vaciller si elle n'avait pas été traversée d'adrénaline de la tête aux pieds. Elle fit le lien entre ce dont elle avait été témoins ce soir et ce qu'on lui avait appris à l'académie sur les Immortels.

La soif de sang, la peau froide, les canines pointues—

Un Vampyr.

La passiflore n'aurait aucun effet sur lui. Tous les indices avaient été là, juste sous son nez. Comment avait-elle pu penser un seul instant que cet homme était un mortel ?

Le regard d'Yra glissa sur le corps sans vie de Miranda. Ses yeux bleus étaient grands ouverts, inertes dans la mort. La bile lui monta à la gorge.

Deric en profita pour se jeter sur elle et agripper son poignet, le tordant cruellement. La dague percuta le sol en un bruit sourd. La douleur lui arracha un cri, ses genoux manquèrent de se dérober sous elle. Elle cligna des yeux, chassant les points noirs qui obscurcirent sa vision. Les dents serrées, elle balança son pied dans le mollet de Deric, dans une vaine tentative de lui faire lâcher prise.

D'un mouvement sec, il la projeta sur le sol poisseux de sang. Le choc retentit à travers son corps. Une douleur vive traversa sa cuisse; elle avait atterri sur les éclats de verres, l'un d'eux se logeant vicieusement dans sa chair à travers la robe. Haletante, elle se redressa sur une main ensanglantée, l'autre agrippée à sa cuisse blessée. Son regard embué de larmes glissa vers la dague.

Deric eut un rictus vicieux. « Aucune lame ne pourra te protéger ce soir. »

L'odeur métallique et rancie la prit à la gorge, ses oreilles bourdonnantes. Le sang qui trempait sa robe, le corps de Miranda non loin, la perspective de sa mort certaine; chaque battement de son cœur résonnait en elle comme s'il s'agissait du dernier. Le temps d'une seconde, elle fut tentée de céder, de laisser Deric la tuer, d'enfin rejoindre son père.

Le visage de Viola apparut dans son esprit.

Non, elle ne pouvait pas mourir. Pas maintenant, pas comme ça.

Ignorant les plaintes de son corps endolori, elle se propulsa d'un jet sur la dague. À l'instant où ses doigts sanguinolents se refermèrent sur le manche, Deric les écrasa cruellement de son pied. Un sanglot franchit ses lèvres. Elle leva son visage trempé de larmes vers lui.

« S'il-vous-plait, » supplia-t-elle d'une voix tremblante.

Un sourire sadique étira les lèvres du monstre, dans ses yeux une lueur qui lui promettait mille tourments. D'un mouvement rotatif délibérément lent, il broya sa main sous sa semelle, lui arrachant un geignement de douleur. Sa vision se troubla.

Un Coeur d'Ombres et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant