Chapitre 19 | Le destin chuchote

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Derrière l'homme, Heida se leva de sa chaise, une expression anxieuse sur le visage. Fronçant les sourcils, Yra ignora l'homme et voulut le pousser hors de son chemin pour se forcer un passage dans la pièce. Il bondit en arrière avant qu'elle puisse le toucher, levant entre eux une canne fine, d'un blanc jauni, qu'elle n'avait pas remarquée jusque-là.

La pièce était faiblement éclairée par une lampe à huile, dont la lueur créait des ombres sur les murs à la peinture écaillée. Yra tourna sur elle-même en scrutant la chambre du regard — aussi rudimentaire que celle de Ian, bien que plus spacieuse. « Mon père. Où est mon père ? »

Les yeux bleus de sa mère se remplirent d'eau, mais la femme se pinça l'arrêt du nez pour réguler ses émotions, et se tourna vers l'homme étrange.

« Qu'est-ce que cela signifie, Davion ? Vous avez convié ma fille ? »

Il referma la porte lentement, dans un grincement aigu qui la fit frissonner.

« Le destin l'a conviée, » dit-il simplement, comme si cette simple phrase pouvait tout expliquer.

Sa mère sembla accepter cette réponse, trouvant dans les mots de l'homme un sens qui n'y était pas. Yra tenta de garder une expression neutre.

« Donc, c'était pour ça, » Yra désigna du bras la boule de cristal posé sur la petite table ronde recouverte d'une nappe à motif de losanges noirs et blancs. « C'est pour venir ici — payer cet homme — que tu t'es fait toutes ces dettes ? »

Les genoux de sa mère flanchèrent et la femme se laissa retomber sur son siège.

« Tu ne comprends pas, » souffla-t-elle.

« J'ai tout entendu. Je sais... je sais ce que vous faisiez. »

Heida leva le regard vers elle, un espoir dans ses yeux qu'Yra comprenne ; qu'Yra pardonne.

« Votre père — il me parle, » s'interjeta Davion. « Il n'est pas physiquement ici, bien évidemment. Je suis le seul à pouvoir le voir, et je transmets ses paroles à votre douce maman. »

Sa mère acquiesça, confirmant les dires de Davion. L'homme tira une chaise autour de la table, son geste vif créant une bouffée d'air qui fit osciller le bas de la nappe, et fit signe à Yra d'y prendre place. Son étrange sourire étirait toujours ses lèvres. Elle refusa d'un geste de la tête. Croisant les bras, un frisson la parcourut de nouveau.

« Je ne veux pas m'asseoir. Je veux... je veux parler à mon père. »

Elle se sentait presque bête de prononcer ces mots — ce genre de choses n'était pas possible, personne ne pouvait parler aux morts. Mais la magie était mystérieuse, et elle se souvint des spectres qui hantaient Hollow Stone — le manoir de Zibara. Si les domestiques du domaine avaient pu être maudits par les ancêtres de la sorcière pour servir la demeure même au-delà de la mort, alors peut-être que...

Son cœur battait la chamade, plein d'espoir.

Davion baissa la tête et la regarda par-dessus ses lunettes. « Toute magie a un prix. »

Les yeux bridés de l'homme brillèrent d'une ruse à peine dissimulée derrière ses lunettes circulaires. Comme s'il savait quelque chose qu'elle ignorait.

« Vous êtes Sorcier ? » demanda-t-elle de but en blanc.

Yra avait reconnu la boule de cristal — du même genre de celle que Zibara exposait fièrement sur son manteau de cheminée. Elle n'avait jamais entendu parler de Sorciers pouvant parler aux morts, mais elle n'était pratiquement jamais sortie de Bejon et le monde était vaste ; tout était possible.

Un Coeur d'Ombres et de LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant