Personne n'avait le droit de la toucher. Le souvenir de la prise de Deric sur elle déclencha un frisson nauséeux le long de sa colonne vertébrale.
« Tu es complètement malade, » geint Grace d'une voix aigüe.
Une petite goutte de sang coulait de sa narine, mais son nez ne semblait pas être endommagé. Yra n'y était pas allée de toute sa force ; le coup avait surtout servi d'avertissement.
« C'est toi qui dis ça ? Il y a deux secondes, tu as essayé de tuer quelqu'un. »
« Je n'allais pas la tuer, je voulais seulement quelques mèches de ses cheveux ! »
« Ses cheveux ? » répéta Yra, confuse.
« Oui, espèce de psychopathe ! Tu as une idée de ce que valent les cheveux d'une Syren ? »
Yra croisa les bras, refusant de montrer à quel point elle se sentait idiote face à cette révélation. « Peu importe. Ça ne te donne pas le droit de — »
Grace la coupa, un sourire satisfait déformant sa bouche, « Attends de voir ce que vont dire les autres quand ils verront que tu m'as agressée. Toi et ta sœur, vous allez vous retrouver sur le bord de la route en un claquement de doigts. »
Un soupçon d'angoisse la traversa. Grace disait vrai ; peu importait que Ian l'aime bien, ou que Melvin ait toujours été bienveillant envers elle. Grace les connaissait depuis des années ; ils la croiraient elle, prendraient son parti, et elle et Viola risquaient de se retrouver très mal prises. Même si elle avait toujours les Marks gagnées lors de sa dernière représentation avec la troupe, le montant n'était pas suffisant pour payer un transport jusqu'à Wickross — en supposant qu'elles arrivent à en trouver un.
Un éclat sur le sol attira son attention ; la dague de Grace avait glissé près des buissons. Yra se pencha pour la ramasser, son esprit tourbillonnant à toute vitesse pour trouver une façon de la convaincre de ne rien dire. Mais avec le coup qu'elle lui avait donné au nez, Grace ne risquait pas de lui pardonner.
Qu'est-ce que je peux faire ? La menacer ?
En se relevant, Grace s'emmêla les pieds dans sa cape. Elle pesta en enlevant le vêtement trempé et le balança au sol. Au lieu d'atterrir en un bruissement doux, comme on aurait pu l'attendre d'un bout de tissu, la cape percuta les galets avec un bruit sourd.
Le genre de bruit qu'un livre faisait en tombant.
Grace se figea, son regard appréhensif plongeant dans celui d'Yra, puis se jeta sur la cape. Yra fut plus rapide, tirant la cape à elle juste avant que Grace ne l'atteigne. Grace fit un pas vers elle, mais Yra la tint à distance avec la dague. Elle plongea la main dans une des poches de la cape de Grace, et en ressortit le journal qu'elle avait dérobé à Deric. La cape retomba à ses pieds.
« Je le savais... » souffla-t-elle en observant le journal sous toutes les coutures.
Elle s'attendait presque à le trouver abîmé par l'eau, mais non, il était toujours en parfait état, ses veines noires un macabre contraste sur son étrange cuir blanc. Il sembla vrombir doucement sous ses doigts, comme s'il ronronnait — comme s'il était content de la voir.
« Ce n'est pas ce que tu crois. »
Son regard revint sur Grace. « Pas ce que je crois ? Tu es une voleuse, Grace. Quand je pense que Ian a pris ta défense... » Yra secoua la tête, d'un air exagérément déçu. Elle n'était pas la mieux placée pour lui faire la morale, vu qu'elle avait elle-même dérobé ce journal à Deric.
Une lueur de panique passa dans les yeux de Grace. « Tu ne peux pas lui dire ! Il serait trop — »
« Choqué ? Déçu ? Dégouté ? »
Grace serra les poings, de la haine dans les yeux. De grosses gouttes d'eau — ou de sueur — dégoulinaient sur son front. Probablement un mélange des deux. Son nez était un peu enflé, mais le sang avait séché.
Yra fourra le journal dans la poche intérieure de sa propre cape. Elle ne le laisserait plus hors de sa vue une seule seconde. Grace eut l'intelligence de ne pas lui demander de lui rendre sa dague ; Yra la coinça dans sa ceinture. Pas question de laisser une arme entre les mains de cette fille. Si elle avait été aussi agressive dans l'espoir d'attraper quelques mèches turquoise, ce qui se passait dans sa tête était très loin du spectre de compréhension d'Yra.
Si elle sait ce que valent les cheveux d'une Syren, elle doit savoir ce que valent les cheveux d'une marquée.
Réprimant le frisson de dégout qui la traversait, elle fit signe à Grace de la suivre.
« Je ne dirai rien, du moment que tu gardes ta bouche fermée, toi aussi. »
Puis, sans un mot de plus, elles s'enfoncèrent dans la forêt pour rejoindre les autres.
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À bientôt.
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Un Coeur d'Ombres et de Lumière
Fantasy« Faire confiance à un Immortel c'est comme tendre ton cou à un lion; tu peux espérer qu'il ne fera que le renifler, mais tous ses instincts lui hurlent d'y planter ses crocs. » Yra déteste la magie presque autant qu'elle se déteste elle-même. Marqu...